Comme à son habitude, sans langue de bois mais à avec une grande émotion.
De Robien et surtout Sarkozy voulaient le faire taire. Mais redevenu un simple professeur d'université de Paris III, il a repris sa liberté de parole. Maniant l'ironie avec dextérité, il a souligné que c'est une "grande journée pour le négationnisme, l'affairisme universitaire, l'antisémitisme, l'extrême-droite et tous les adversaires de la laïcité". Très ému, il est revenu sur les raisons de cette éviction. Il a commencé par rejeter la raison officielle : "On m'accuse de ne pas avoir respecté le devoir de réserve... Mais j'ai seulement voulu dire ce que tout le monde savait : un établissement scolaire ne peut pas accueillir des enfants quand il est traversé par une conduite de gaz et que son sol est pollué. Notre pays mourra de ceux qui privilégient trop le devoir de réserve". Pour lui, les causes sont clairement politiques : "On kärchérise un homme d'administration qui a porté haut les couleurs de la République.(...) Au nom de quoi les enfants musulmans devraient avoir moins de droits à la sécurité que les autres ? Les exclure de ce droit, voilà le communautarisme !" Il affirme clairement que Sarkozy lui fait payer son opposition à l'ouverture du lycée musulman : " j'ai déclenché la colère du Ministère de l'Intérieur parce que j'ai dénoncé les pressions dont j'avais été l'objet de la part de ce même ministère. (....) Dans cette affaire, j'étais face à une citadelle, "la" source véritable du pouvoir". Il a refusé de commenter l'attitude du président Chirac, dont il dit admirer la fonction et la personne, mais qui a pourtant signé sa révocation.
Malgré tout, il reste d'un optimisme mesuré : "l'édredon duveteux de la complaisance propre à la ville de Lyon va se reposer mais des brèches sont ouvertes..." Il a ainsi tenu à saluer particulièrement les étudiants de Lyon III qui avait fait preuve d'un courage exemplaire dans la lutte contre le négationnisme et s'est dit particulièrement fière de l'"opération main" propre qu'il a menée à Lyon III. La voix chancelante, il a cité un vers du Chant des Partisans qu'il venait de recevoir le matin même : "Ami, si tu tombes, un autre homme sort de l'ombre à ta place".
Les réactions
Jean-Jack Queyranne (PS), président de la Région, estime que le limogeage du Recteur Morvan est "une injustice", provoquée par des "règlements de compte" en plus haut lieu.
Gérard Collomb (PS), maire de Lyon, est plus en retrait. Il tient cependant à rappeler "combien le recteur Morvan s'était distingué par son courage et sa détermination dans le cadre de sa fonction. Ce remplacement, à quelques semaines d'échéances électorales majeures, est en contradiction avec la sérénité nécessaire à la continuité dans la gestion des affaires publiques."
Le Crif Rhône-Alpes s'interroge pour sa part "sur le brutal limogeage du Recteur de l'Académie de Lyon, Chancelier des Universités, Monsieur Alain Morvan. S'agit-il de réprimander son non-respect du droit de réserve ou s'agit-il plutôt, en cette période électorale, de satisfaire les extrémistes de tout bord ? Extrémistes, que le Président de la République, Jacques Chirac, a condamné encore tout récemment." Avant d'ajouter : "Nous déplorons le départ d'Alain Morvan, un homme qui a été un rempart dans les universités lyonnaises au révisionnisme et au négationnisme."
Le limogeage du recteur fait au moins un heureux : Bruno Gollnisch. Le numéro 2 du FN doit en effet à Morvan sa récente sanction, après ses provocations sur les chambres à gaz. Gollnisch a réagi dans un communiqué : "J'apprends avec satisfaction que le recteur Morvan a enfin été limogé après avoir sévi depuis 2002 au rectorat de Lyon (...) Son limogeage est légitime. Le seul scandale de cette affaire est son caractère tardif. (...) L'ex-recteur (...) s'était fait le complice de certaines associations communautaristes ou extrémistes telles qu'Hippocampe ou le CRIF, ses seuls soutiens, mais qui ne représentent qu'une infime minorité de la communauté dont ils prétendent défendre la mémoire".
Lire l'éditorial de Lyon Capitale
Relire l'entretien "Grande Gueule" d'Alain Morvan
Voir la réaction de Jean-Jack Queyranne
Le CV du nouveau recteur
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