Najat, la prostitution et le bal des faux-culs

Plusieurs députés ont vertement critiqué hier les propos de Najat Vallaud-Belkacem sur le “mépris” dont ont fait preuve, selon elle, les opposants au texte sur la prostitution en n’assistant pas aux débats à l’Assemblée nationale.

“Je le dis clairement à tous ceux qui seraient tentés de ne pas voter ce texte alors qu’ils n’ont pas participé aux débats d’aujourd’hui : l’indifférence, quand elle conduit à un refus porte un nom, le mépris”, a lancé la ministre. S’il est légitime, dans une démocratie, de débattre de l’opportunité de ce texte -notamment sur le volet pénalisation du client- encore faut-il effectivement en avoir la possibilité. De ce point de vue, la porte-parole du Gouvernement a eu mille fois raison de dénoncer avec force l’absentéisme éhonté des députés.

Car, par une sorte d’effet en trompe-l’oeil, l’hémicycle n’est plein que lors des questions au Gouvernement, le mardi et le mercredi de 15h00 à 16h30, les députés aimant par dessus tout montrer leur trombine à la télévision et, par extension, dans “leur” circonscription. Les autres jours, les rangs sont bien plus clairsemés, pour ne pas dire aussi déserts que le désert de Gobi.

La loi du serrage de louches

Néanmoins, le coprésident du groupe des Verts, François de Rugy, a trouvé les propos de Najat Belkacem “pas corrects” et jugé anormal qu’un “sujet important, grave, délicat, complexe” soit “traité de la sorte un vendredi après-midi” quand les députés sont souvent dans leur circonscription.

Christian Jacob, chef de file des députés UMP et syndicaliste improvisé, a de même jugé : “durant tout l’automne, on a siégé du lundi au vendredi, ce ne sont pas de bonnes conditions de travail, le lundi et le vendredi, les parlementaires doivent être dans leurs circonscriptions, car ils ont besoin de ce contact avec le terrain, de rencontrer des gens, des associations, pour préparer les positions qu’on a à défendre à l’Assemblée”. On se pince, on croit rêver. Et justement, c’est ici que le bât blesse, et pas qu’un peu.

Député de mon immeuble

Car on n’est pas député d’une ville, d’un territoire ou d’une cité, mais de la France. Un député, s’il est élu dans une circonscription, représente la nation tout entière, il participe au travail législatif et au contrôle du Gouvernement. Le fait qu’il serre des mains dans une circonscription en affichant son plus beau sourire, en début et en fin de semaine pour “faire du terrain” et “rencontrer des associations”, le fait qu’il participe aux goûters des clubs de quatrième âge et des crêches et se rende au bal des sapeurs-pompiers avec compte rendu dithyrambique et galerie de photos dans le journal de “sa” circonscription, n’est qu’un dévoiement pur et simple de ses fonctions.

Un député n’est ni maire, ni conseiller général et, à la différence d’un sénateur, il ne dispose pas du “bonus” constitutionnel de représentant des collectivités territoriales. “Le lundi et le vendredi sont réservés au terrain dans les circonscriptions, les députés ne peuvent pas être au four et au moulin”, s’est pourtant étranglée Barbara Pompili, co-présidente du groupe des Verts, dans ce qui ressemble à une minable petite fronde anti-Najat. “Réservés” par qui et pourquoi, aucun texte de loi ne le précise, et pour cause : cela n’est qu’une vue de l’esprit. Les Français attendent simplement de leurs députés qu’ils siègent à l’Assemblée nationale et votent la loi, toute la loi, rien que la loi, laquelle, jusqu’à preuve du contraire, ne s’élabore ni dans un four, ni dans un moulin, pas plus qu’au café du commerce.

Et si les députés sont en manque de “contact”, d’inspiration ou de “positions à préparer”, rien ne leur interdit de faire leurs courses le week-end, comme tous les citoyens qui travaillent et n’ont pas d’autre choix. Ils seront alors emportés par la foule et comprendront -peut-être- l’absolu décalage de cette expression passée dans leur langage courant : “ne me dérangez pas, je vais faire du terrain”.

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