La porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des femmes en remet une couche. Épaisse. Tout en appelant à "éviter de tomber dans la caricature" après sa proposition de "passer en revue" les manuels scolaires à propos de l’homosexualité. En a-t-elle seulement mesuré toutes les conséquences ? La question mérite d’être posée.
La tentation, quand une proposition est intrinsèquement idiote, c’est d’en faire des tonnes pour tenter de la rendre intelligente. De parler fort ou longtemps : c’est selon les tempéraments. Ainsi, chez nos confrères de RTL, la porte-parole du gouvernement s’est lancée dans une explication alambiquée : "Mon propos est simplement de dire que, dans la lutte indispensable à mener contre l'homophobie, contre les discriminations, contre les violences faites notamment aux plus jeunes d'entre nous qui se découvrent une orientation homosexuelle, il faut faire en sorte à tous les stades et particulièrement dans les cours d'écoles, on lutte contre des représentations qui sont stigmatisantes pour ces jeunes". Ouf. Jusqu’ici tout va bien. On suit tant bien que mal et on ne peut que cautionner.
Ce n’est pas grave, regarde Rimbaud"
Puis, Najat Vallaud-Belkacem s’emballe et ajoute : "Lutter contre ces représentations, c'est permettre à chaque enfant d'avoir des références naturelles dans l'Histoire. On peut s'identifier à telle ou telle personnalité. Or, la difficulté de beaucoup de nos enfants qui se découvrent cette orientation homosexuelle, c'est qu'ils ne peuvent s'identifier à personne et qu'ils se considèrent donc comme anormaux et c'est cette souffrance-là qu'il faut prendre en considération". Et là, il faut bien l’admettre, il devient plus difficile de partager son point de vue, moins anodin qu’il n’y paraît.
Car, si l’intention de départ est mièvrement louable, elle devient périlleuse dans la mise en œuvre préconisée. Suivons le raisonnement de la ministre : un enfant se découvre des penchants homosexuels ; pour qu’il se considère comme "normal", il faudrait qu’il puisse s’identifier à des auteurs et des personnages historiques célèbres, à "des gens bien" -au fond, à des icônes- et que cette référence soit « naturellement » présente dans les manuels scolaires. Enfin que son professeur prolonge : "Tu es attiré(e) par des personnes du même sexe que toi, ce n’est pas grave, regarde Arthur Rimbaud, il l’était aussi et ça ne l’a pas empêché d’être un immense poète".
Être "normal"
Tant pis, au passage, pour l’indigence du raisonnement et pour les hétéros, censés a priori n’avoir aucun problème de relations humaines, tant leurs modèles historiques sont jugés solides et évidents. Car si l’on a bien saisi le paradigme socialiste, ce qu’il faut avant toute chose c’est "être normal". Où se situent les curseurs, le normal et l’anormal, le moral, l’amoral et l’immoral, le postulat hollandais ne le dit certes pas.
Mais, bien plus grave, est-ce que l’on devra taire à tout prix, sous peine d’augmenter encore le traumatisme des enfants, les penchants des tyrans, dictateurs et autres criminels de guerre, lorsque leur homosexualité ou leur bisexualité est historiquement avérée ? (et ils sont nombreux dans l’Histoire, de l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, en passant par les atrocités nazies). Oui ? Non ? Que dire, à un enfant, d’un auteur homosexuel et antisémite ? Qui, dès lors, est dans la caricature ? La ministre ? Ou ses détracteurs ?
Le règne de l’arbitraire
Si l’on considère que les pratiques et les penchants sexuels d’un auteur ou d’un personnage historique sont des marqueurs tellement puissants qu’ils suffisent à en expliquer l’essentiel, on entre de façon irrémédiable dans l’arbitraire, le subjectif et l’incertain. Raisonner de la sorte, c’est ouvrir la porte à tous les excès, à toutes les projections, à toutes les justifications, y compris les plus nauséabonds. C’est, d’une certaine façon, l’invention d’un révisionnisme pour les nuls : dis-moi qui t’excite et je te dirai qui tu es. Et par conséquent, qui tu peux aimer ou haïr.
Cela signifie qu’hétéro, on peut être quelqu’un de bien ou le dernier des salauds. Mais que, homo, on est forcément quelqu’un de bien. Pour les bi, y aurait-il débat ? Qui le trancherait ?
Heureusement, dans la vraie vie, les choses sont bien plus subtiles et nuancées. Les professeurs et les manuels aussi. La réalité, c’est que parfois, la sexualité éclaire un parcours. Que parfois, elle l’assombrit. Et que souvent, elle n’en dit rien du tout. Tout esprit de système –et le prosélytisme en est une manifestation détestable mais très en vogue- est donc à bannir du système éducatif français, qui n’a pas besoin de cet énième mauvais coup.
Najat Vallaud-Belkacem pourrait simplement clore cette polémique inutile et reconnaître, comme le Premier ministre - qui a annoncé ce matin une censure de la loi sur le logement social alors même que les Sages du Conseil constitutionnel n’avaient pas encore statué- qu’elle est allée trop vite en besogne. Passer à autre chose et accepter de bonne grâce, avec Niels Bohr, que "le contraire d'une vérité banale, c'est une erreur stupide".
Comme il y va, notre éditorialiste ! Révisionnistes, rien de moins, les propos - certes confus - de la ministre ! La négation de l'extermination de millions de Juifs comme étalon de la maladresse communicationnelle gouvernementale, il fallait oser. En paraphrasant Niels Bohr, le contraire d'une critique pertinente, c'est l'outrance stupide.
Edito auquel je souscrits a 100%. Les propos du porte-parole du gouvernement sont d'une incroyable gravité, et je me désole que cela ne fasse pas plus de bruit que cela dans les media.Une oeuvre s'étudie tout d'abord dans son ensemble strict, puis dans son contexte historique, vient ensuite la vie publique de l'auteur, et peut etre en dernier lieu sa vie privée. La tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté, point besoin de savoir que l'auteur fut ceci ou cela pour apprécier, pour comprendre. En prétendant que nous devions savoir l'orientation LGTB pour etudier Rimbaud (ce qu'aucun eleve appréciant ce poete n'ignore), Mme Belkacem a mis le petit doigt dans un engrenage infernal dont Mr Moisto nous montre quelques aspects. Un des aspects qui m'est venu a l'esprit, c'est d'imaginer un prof de 3eme de banlieu aborder l'etude de Rimbaud par le coté LGBT du personnage, avec une audience qui n'accepte deja plus qu'on enseigne l'histoire française ou la musique...
@stivostine69 Sauf que ce n'est pas Mme Belkacem qui parle de Rimbaud, c'est Maïsto qui divague sur un exemple fictif. Apprenez au moins à le lire avant de le soutenir. Plus d'un quart des ados qui se suicident le font pour des questions d'identité sexuelle. Faire que ceux et celles qui se pensent homos se sentent un peu moins 'anormaux' est l'enjeu que soulevait, sans doute maladroitement, Mme Belkacem. Mais à vous lire et à lire l'éditorialiste, la vie de quelques ados pédés ou goudous c'est finalement quantité négligeable. Vous qui ne savez vraiment comment s'enseigne la littérature (Baudelaire sans ses paradis artificiels et Proust sans son asthme, c'est un peu dur, non ?), comment pouvez-vous savoir ce qu'il en est de l'histoire et de la musique ?
@ Didier Maïsto. Très bonne article, bravo. Et pourtant qu'il est délicat de ne pas être d'accord avec les bobos, si vous n'êtes pas de leur avis, c'est que vous êtes, ou bête, ou vous ne connaissez rien à la culture et si vous insistez vous serez traité automatiquement de fasciste. M.Onfray et quelques autres en ont fait les frais en critiquant la psychanalyse et Freud en particulier. Finalement la dictature pseudo intellectuelle a t-elle encore de beaux jours devant elle, ou pas ?
@vasquez : je me permets de vous retournez le compliment, c'est toujours etonnant de voir des personnes affirmer des choses sans savoir, alors ce lien vous prouve que vous avez tort dans les faits, c'est bien Mme Belkacem qui donne l'exemple de rimbaud : http://lelab.europe1.fr/t/homosexualite-najat-vallaud-belkacem-veut-passer-en-revue-les-manuels-scolaires-5496Votre façon de travestir une actualité datant de 48h est stupefiante, car vous prenez en plus des grands airs en me demandant d'apprendre a lire, ce qui est une remarque inutile, qui vous revient comme un boomerang. Toute façon avec le bobo de base c'est toujours le probleme, il se croit superieur alors qu'il est très approximatif.Concernant l'approche d'une oeuvre, je n'ai rien inventé, c'est un professeur de prepa khagne du parc d'il y a 20ans que je me permettais de 'citer'. Vous semblez moyennement savoir lire car j'ai bien dit que la composante 'personnelle' de l'auteur peut etre etudiée, sans etre mis en avant.
@stivostine69 Pour Rimbaud : dont acte, Maïsto ne signalait pas dans son édito qu'il empruntait cet exemple à la ministre. Et, personnellement, je préfère ne pas écouter Europe 1. Quant à bobo, qu'en savez-vous ? Et d'abord, qu'est-ce que ça désigne pour vous ? En tout cas, pour ma part, je n'ai pas fait de prépa khâgne au Parc -qui est le bourgeois cultivé, dans cette histoire ? Surtout, toutes ces barbarinades nous amènent loin de mon premier message : l'imbécilité et l'indécence d'utiliser un terme aussi lourdement connoté que 'révisionnisme' pour stigmatiser les bafouillages d'une apprentie-ministre. Ciao
@vasquez : vous me classez dans les bourgeois cultivés ? Je suis metisse, ma mere est arrivé en France a l'age de 12ans orpheline de pere, je m'arrete la car cela ferait très 'les miserables' si je continuais.Je vous accorde que le mot de revisisonniste est inapproprié, comme votre argument précédent sur le suicide des ados LGBT, qui soit dit en passant meriterait un lien pour prouver vos propos, et qui n'a rien a faire dans ce debat, car la vraie cause du suicide des ados c'est evidemment un contexte global et pas leur orientation sexuelle. On commence par les manuels scolaires et on finit comment ? avec des logos dans les musées a coté des tableaux 'tableau gay' tableau trans' ?? on pourrait mettre une ptite croix rose sur le revers des chemises des LGBT a la télé aussi non ? Serieusement, vos idées sont dangeureuses.