Pascal Mailhos, Préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes

"Ne perdons pas les bénéfices du confinement" : Pascal Mailhos, préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes

Interview - À quelques jours de la fin du confinement et du début du déconfinement, le préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes répond aux questions de Lyon Capitale. Du bilan de ces dernières semaines, à la possible réouverture de lieux comme La Part-Dieu, il aborde les grandes questions du déconfinement à Lyon, mais aussi celles des changements qui pourraient arriver avant fin mai si certaines règles n'étaient pas respectées. Ne souhaitant pas voir le Rhône perdre les bénéfices du confinement, il refuse également le recours systématique à la voiture dans le cadre des futurs déplacement.  

Lyon Capitale : Ne craignez-vous pas une rupture du confinement dès ce week-end ?

Pascal Mailhos, préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes : Le confinement dure jusqu’à dimanche soir/lundi. Plus on respecte les conditions du confinement avant celles du déconfinement, plus on a des chances de capitaliser les bénéfices de ce qu’on a obtenu pendant 8 semaines. Si on est "vert", c’est grâce aux efforts considérables réalisés d’un point de vue sanitaire, du respect des gestes barrière. Il ne faut pas perdre, en quelques jours, en quelques semaines, le bénéfice de ce qu’on a réussi à obtenir ensemble.

Quel bilan faites-vous du confinement dans la région, en général ? Et particulièrement à Lyon ?

Je considère que ce confinement a été respecté par l’immense majorité de nos concitoyens. Un certain nombre de gens moins scrupuleux ne s’y est pas plié, dommage pour eux, pour nous. Cela a pu donner l’impression que les règles n’étaient pas respectées par tous. Chaque fois que je le pouvais, j’ai engagé des actions de contrôle, de pédagogie. J’ai mis en œuvre des fermetures administratives de commerces autorisés qui ne respectaient pas les mesures barrières. Avec le déconfinement, je vais continuer de le faire pour ceux qui ne respecteraient pas les règles.

Des consignes ont-elles été données aux forces de l’ordre à Lyon et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes pour ne pas intervenir dans certains quartiers ? 

Aucune consigne n’a été donnée aux forces de l’ordre, évidemment. Les consignes valent du 1er janvier au 31 décembre, ce sont celles du discernement dans les actions, des actions mesurées, équilibrées, qui ont lieu dans les meilleures conditions. J’ai veillé à ce que les actions soient menées dans tout le territoire, campagne, ville. Ce sont par définition des territoires différents, certains lieux plus peuplés que d’autres.

Gérard Collomb, lors du conseil municipal a expliqué vous avoir contacté concernant les incivilités à la Guillotière et que vous lui auriez notifié ne pas pouvoir agir à cause d’un manque d’effectif ?

Ce n’est pas tout a fait les échanges qu’on a eus. Je lui ai indiqué que nous avions fait des contrôles réguliers sur ces secteurs, à plusieurs reprises. J’ai affecté des policiers à ce territoire, mais aussi d’autres lieux, en fonction des effectifs dont je disposais et des forces nécessaires. Ça ne se limite pas qu’à des actions des forces de l’ordre, j’ai demandé des contrôles à la Direction départementale de la Protection des populations pour vérifier les conditions d’ouvertures de certains commerces. On essaye d’utiliser tous les moyens à notre disposition. Tout n’est pas facile. Le confinement a été considéré comme long pour certains, il fait beau, la perspective du déconfinement a aussi joué. 

Les masques peuvent-ils être contre-productifs ?

Je ne crois pas qu’ils puissent être contre-productifs si nos concitoyens les utilisent à bon escient. Le masque ne fait pas tout. Je vois certains qui en portent dans des conditions qui ne sont pas nécessaires, seul dans la rue, qui les tripotent, les mettent sous le nez. Si on n’utilise pas ce masque dans les bonnes conditions, dans les bonnes situations, il ne sert à rien. Porter un masque ce n’est pas s’affranchir des gestes barrière. Si on fait ça, on ruine les effets potentiellement positifs. Il faut rappeler d’abord les gestes barrière qui doivent être respectés.

L’ouverture des berges, parcs est sous conditions, peuvent-ils être fermés rapidement ?

Lorsque le président de la métropole de Lyon m’a parlé de l’ouverture des berges, je lui ai indiqué qu’on rentrait dans le cadre des autorisations générales pour les départements en vert. Il n’y a rien à dire là-dessus. Cependant, je lui ai aussi indiqué, comme au maire de Lyon pour Tête d’or, que des mesures doivent être prises pour faire respecter les gestes barrière. Il faut garder une distanciation physique. Ils ont proposé des dispositifs pour cela, j’espère que si de telles ouvertures se font dans le respect, sinon, je devrai indiquer que les conditions de fréquentations de ces lieux ne sont pas compatibles avec les règles.

Quels leviers avez-vous pour faire respecter la distanciation, les 100 km ?

Avant le 11 mai, les choses apparaissent presque plus simples, avec des interdictions et autorisations. Nous aurons désormais plus de choses autorisées sous réserve de respecter les règles barrière. Mis à part les contraventions pour le non respect des déplacements au-delà 100 km, ou le masque dans les transports en commun, il faut s’assurer avec l’ensemble des partenaires, entreprises, collectivités, associations… que les gestes barrière soient respectés. Rappelez en permanence pendant trois semaines que va se jouer une part importance de notre vie sociale et économique. 

Comment le risque de "deuxième vague", est-il pris en compte ? 

Il sera pris en compte dans le bilan fait dans trois semaines des mesures de déconfinement. Nous verrons alors si les conditions dans lesquels ce déconfinement se sont faites, permettent d’envisager soit un maintien des choses, soit des autorisations supplémentaires, soit un retour sur des mesures qui auraient été prises.

Ne risque-t-on pas de voir un retour de la voiture, en cas de pic de pollution, allez-vous prendre des décisions comme la mise en place de la circulation alternée ?

Nous allons signer une convention ces prochaines heures avec les entreprises pour inciter les gens à prendre les transports en commun. Ces derniers vont adapter leur offre. Si la demande augmente, ils répondront à cette demande. C’est un élément important que je martèlerai : personne ne doit inciter les gens à prendre leur voiture.

S’il y avait un pic de pollution, je ne reviendrais pas sur la nature des mesures que je prenais avant l’arrivée du virus. J’espère qu’on n’en sera pas là, on rajouterait une difficulté et une contrainte supplémentaire.

La Part-Dieu va-t-elle rouvrir lundi ?

Il faut bien voir qu’il y a deux types de structures commerciales, celles de moins de 40 000 m², comme Confluence, qui peuvent rouvrir et celles de plus de 40 000 comme la Part-Dieu qui doivent demander une autorisation. L’analyse du dossier Part-Dieu laisse penser que le centre pourrait ouvrir à nouveau lundi. Les instructions du gouvernement sont récentes, on est en train d’affiner tout cela. Le centre devra fluidifier les flux, faire en sorte que les distances soient respectées.

 N’oublions pas que des contrôles seront organisés pour vérifier que les règles sont respectées tout comme les engagements. Si ce n’était pas, je me retrouverais dans l’obligation de fermer ce centre. Je mise sur le sens des responsabilités des gestionnaires pour ne pas me retrouver dans cette situation. Le but reste de réamorcer la vie économique.

La région Auvergne-Rhône-Alpes a été l’une des premières touchées avec le cluster de Contamines. Quelles expériences en tirez-vous ?

Deux choses, une plus difficile, une plus positive. On y est depuis longtemps comme on dit le directeur général de l’ARS, on est sous pression depuis de nombreuses semaines avec de moins en moins de monde, c’est lourd, ça dure depuis longtemps, mais on a pu tenir nos postes.

La partie la plus positive, c’est qu’on a l’expérience de tout cela. Au moment où une partie du territoire national était à l’écart de ce virus, on connaissait le système du cluster, le "contact tracing". Ça va nous donner de l’avance, de l’expérience, pour la partie qui s’ouvre devant nous, comme l’identification des cas contacts et éviter la propagation du virus.

Quel conseil donneriez-vous pour ne pas rater le déconfinement ?

Pour ne pas rater ce déconfinement, il faut poursuivre les efforts et grâce à ces efforts, nous bénéficierons de dispositifs plus favorables pour continuer les activités économiques et sociales. Nous devons faire preuve de la même détermination, le même sens des responsabilités que nous avons eu durant le confinement.

Dans une situation plus contrainte, nous avons obtenu des résultats. Je mise sur le sens des responsabilités de l’intérêt général de tous. Ce n’est pas au moment où on laisse chaque individu maître de son destin et un peu de celui des autres qu’on va apporter la preuve que c’était un mauvais pari. On a vu de belles initiatives pendant le confinement, des choses de belles qualités, des élans de solidarité, certains de nos concitoyens ont su montrer qu’ils pouvaient répondre présents pour les autres. On vous fait confiance, on a déjà eu des résultats, je suis persuadé que l’immense majorité des gens vont continuer dans ce sens.

Une initiative vous a-t-elle marquée durant le confinement ?

Au début, on était tous très inquiets collectivement pour les plus précaires et les plus fragiles. L’une des premières sorties que j’ai faites c’était pour suivre une maraude. Tous nous nous sommes demandés comment on allait faire pour venir en aide aux gens les plus en difficulté. L’une dernière visite que j’ai faite c’était pour distribuer des masques à Notre-Dame-des-sans-Abris avec le président de la métropole. Semaine après semaine, on a répondu à cette inquiétude pour les plus fragiles.

Je trouve que Lyon a bien répondu à l’attente, à la fois par les dons, les initiatives des particuliers, des entreprises, des collectivités. Nous nous sommes rassemblés. Les choses ne sont jamais parfaites, on vous dira que des points peuvent être améliorés, mais ensemble dans tout le domaine, on a bien pris en compte cette inquiétude pour y répondre.

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