Tata Chasselay
Le tata de Chasselay vu de la route © Patrice Robin

Nécropole de Chasselay : entre rivalités d’historiens et vérités historiques

En novembre 2022, la nécropole de Chasselay a, de nouveau, fait parler d’elle. Mediapart a dénoncé les recherches effectuées pour l’installation de deux plaques commémoratives. Retour sur la polémique avec Julien Fargettas, l’historien chargé de ces recherches.

L’historienne Armelle Mabon, spécialiste des tirailleurs sénégalais, a remis en question dans un article de Mediapart le travail effectué au cimetière de Chasselay. Pour rappel, deux plaques commémoratives à la mémoire de 25 tirailleurs sénégalais y ont été inaugurées en janvier 2022 par la ministre Geneviève Darrieussecq. Au sein de cette nécropole, 198 soldats africains morts pour la France durant la Seconde Guerre Mondiale sont enterrés. Parmi les différentes stèles, certaines portent la mention "inconnu", le corps n’ayant pas pu être identifié à l’époque.

Armelle Mabon a d’abord dénoncé le fait qu’aucune recherche génétique n’avait été conduite pour s’assurer que les noms des personnes mentionnées sur les plaques sont réellement enterrés dans le cimetière. Julien Fargettas, directeur du service départemental de la Loire de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre revient sur les propos de l’historienne. Lui aussi est spécialisé dans le traitement historique des tirailleurs sénégalais et il a mené les recherches pour retrouver les 25 noms inscrits sur les plaques.

Pourquoi installer de telles plaques ?

C’est une demande venant d’une famille ayant un ancêtre enterré dans la métropole qui a lancé la dynamique. Cette dernière est entrée en contact avec Julien Fargettas pour que le nom d’un soldat apparaisse sur sa stèle. Jusqu’alors il était mentionné comme "inconnu". Les recherches ont donc débuté et se sont élargies au fur et à mesure que des éléments étaient retrouvés. Finalement, ce sont 25 noms qui sont réapparus. Problème, comment savoir sur quelle stèle inscrire ces noms ? La solution trouvée a donc été d’installer les deux plaques au sein de la nécropole.

Lire aussi : Près de Lyon : Geneviève Darrieussecq, la ministre déléguée chargée des anciens combattants, en déplacement à Chasselay

En parallèle de tout cela, des photos sont apparues entre 2019 et 2020. Des images qui vont à l’encontre de la thèse première des historiens. En effet, ces derniers pensaient jusqu’à présent que le massacre de Chasselay avait été perpétré par un détachement SS. Cependant, les récentes découvertes semblent montrer que le crime aurait été commis par des soldats de la Wehrmacht.

Quelle méthode pour une telle entreprise ?

La méprise et le débat partent, au départ, d’une erreur dans le communiqué de presse du secrétariat d’État chargé des anciens combattants. Dans ce dernier, des recherches génétiques étaient mentionnées. Julien Fargettas a alors immédiatement démenti l’information. Il explique "de tels relevés n’ont pas été pratiqués en France depuis 1930. Les exhumations sont formellement interdites par la loi, ce qui rend les recherches génétiques impossibles."


"De tels relevés n’ont pas été pratiqués en France depuis 1930", explique Julien Fargettas


À cela, l’historienne Armelle Mabon prend l’exemple des cimetières australiens, américains ou britanniques dans lesquels ces recherches ont été effectuées. "Dans ces cimetières, c’est possible pour une raison simple. Bien qu’ils soient sur le territoire français, les nécropoles appartiennent à leurs nations respectives. C’est donc la loi de leurs pays qui s’applique", précise Julien Fargettas.

Pour retrouver les 25 noms inscrits sur les plaques commémoratives, un lourd travail de documentation et de recoupement a été effectué. "Nous avons regroupé toutes les archives présentes sur la zone : plaques d’identité, correspondances et papiers en tous genres. Par la suite, tout cela a été recoupé et vérifié", explique l’historien.


"Tout cela a été recoupé et vérifié", assure l'historien.


Armelle Mabon et Julien Fargettas sont deux historiens passionnés par l’histoire des tirailleurs sénégalais. Ce n’est pas la première fois qu’ils s’écharpent à propos de ce sujet. Cette rivalité entre spécialistes n’est pas terminée. Dans certains cas, c’est même cette dernière qui fait avancer les choses pour atteindre la vérité.

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