Ni belle, ni écolo : La Tour sera-t-elle ratée ?

La première pierre posée jeudi 29 mars à 18 heures, la tour Oxygène devrait voir le jour en 2009. Contrairement à la nouvelle génération des tours françaises, la nouvelle tour de la Part-Dieu ne sera pas très décoiffante.

La première pierre posée jeudi 29 mars, la tour Oxygène a désormais toutes les chances de voir le jour en 2009 à la Part-Dieu. Mais Lyon va pondre une tour assez standard et déjà dépassée.
Oxygène avec ses 115 mètres de haut, sera bien la deuxième plus haute construction de Lyon, après la tour du Crédit Lyonnais, 162 m à la pointe. Alors qu'un tel bâtiment, construit en cœur de ville, aurait dû constituer un enjeu majeur d'urbanisme et d'image, la tour ne marquera pas les esprits par son audace. C'est ce qui apparaît en étudiant les simulations volumétriques. Gilles Buna, adjoint à l'urbanisme (Les Verts) en est conscient : "Cette tour ne sera pas aussi belle que la prochaine tour de Marseille mais elle ne défigurera pas la Part-Dieu !" défend-il. Pour l'adjoint, qui se félicite d'un "exploit administratif", l'essentiel n'est pas là mais dans le fait que cette tour "peut enfin être construite et qu'elle dynamisera économiquement le secteur" (lire entretien).
Un raisonnement purement économique, très en vogue à l'Hôtel de ville de Lyon et qui mène à des lacunes, pour ne pas dire à des contresens. Dans beaucoup d'autres villes françaises, les enjeux d'urbanisme vont bien au-delà et sont également symboliques, sociaux, esthétiques et maintenant écologiques.
Toutes les grandes villes qui se relancent depuis quelques années dans la construction de tours, prennent grand soin à l'esthétique... Il s'agit de faire oublier certains ratages cuisants des années 70, comme la tour Montparnasse à Paris.
Dans la première couronne parisienne mais aussi à Marseille, à Lille, au Havre, on prépare une nouvelle génération de tours. Très inventives d'un point de vue architectural, elles font l'objet de concours d'architectes. Pour l'architecte Denis Valode dont l'agence va construire deux tours particulièrement ambitieuses à la Défense : "Ça a fait du bien à l'architecture française de se confronter à la concurrence internationale".* Si les villes sont très attachées à ce qu'il y ait émulation et créativité, c'est qu'il en va de leur image. Marseille, par exemple, va construire quatre magnifiques bâtiments de grande hauteur, choisis sur concours... Le plus imposant est une tour de 148 mètres de haut que l'on doit à la très célèbre architecte irakienne Zaha Hadid, première et seule femme à avoir obtenu en 2004 le prix Pritzer (Nobel de l'architecture). Hautement qualitatives, remarquables, les tours marseillaises marqueront le paysage urbain. "Après les concours, il y a eu une validation politique sur la qualité de ces tours dont une est très proche de la mer" nous a-t-on confirmé à l'Hôtel de Ville de Marseille. Rien de tel à Lyon. Le promoteur Sogelym-Steiner a choisi un architecte, l'agence Arte Charpentier, qui, malgré de très solides références**, n'a pas signé, avec Oxygène, son meilleur projet.
Malgré l'importance du projet, la Ville de Lyon n'a pas su exiger de mise en concurrrence. Et elle a cédé aux promoteurs le soin de décider du niveau d'exigence, en terme de qualité architecturale et de développement durable. Cette méthode a accouché d'un projet insatisfaisant, sur lequel ont été bricolés, sur le tard, quelques aménagements très cosmétiques.

Oxygène manque d'air
Au-delà de l'esthétique, la nouvelle génération de tours françaises se veut "très écolo". "Les tours sont l'occasion d'appliquer une véritable démarche pour la "très" Haute qualité environnementale" affirme André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux qui va voir pousser pas moins de 5 tours dans sa ville. Chez Generali qui construira bientôt une tour de 300 m à Paris, "on cherche à tendre vers l'autonomie énergétique". Les nouvelles tours de la défense comme celles d'Issy-les-Moulineaux, de Marseille ou du Havre multiplient donc panneaux voltaïques, éoliennes, fenêtres productrices d'énergie, recyclage de l'eau... C'est à qui construira la tour la plus "propre".
Du côté de Sogelym-Steiner, promoteur de la tour Oxygène, on ne souhaite pas encore "communiquer" mais on s'apprête à le faire dans quelques semaines sur le thème : "Oxygène, la tour entièrement HQE" - haute qualité environnementale.
En réalité, comme le reconnaît honnêtement Gilles Buna, la tour sera écologiquement "au goût du jour mais pas plus". Elle sera bien "labélisable HQE", mais, comme l'explique le spécialiste lyonnais en la matière, l'architecte Frédéric Ragot, "ce label indique un effort mais pas une exemplarité. Ça ne donne pas forcément de bonnes réalisations bioclimatiques parce que ce label n'est pas très ambitieux. C'est juste quelques critères, un minima". L'un des architectes de la tour Oxygène, Abbès Tahir, précise à Lyon Capitale : "14 cibles sont examinées pour l'obtention du label. Il suffit d'avoir des notes maximales dans 6 pour être labélisables. Nous avons choisi ces cibles en fonction des demandes des futurs locataires, la SNCF" précise-t-il en énumérant les priorités retenues***. Pour autant, le cabinet Arte qui connaît bien la construction HQE pour avoir travaillé à l'étranger, est resté à Lyon dans l'épure fixée par le promoteur et la Ville.
Et on est loin de l'exigence environnementale des autres tours françaises et plus encore des 6 000 bâtiments allemands dits"passifs", puisqu'ils produisent plus d'énergie qu'ils n'en consomment. On est même loin des exigences environnementales que devront respecter le futur siège de la Région ainsi que trois immeubles de logements au Confluent.
Ni vraiment belle, ni vraiment écolo, la tour Oxygène manquera décidément d'air !

* Cité dans le Figaro du 4 décembre 2006.
** Arte Charpentier a construit l'Opéra de Shanghai en Chine.
*** Les priorités écolos d'Oxygène : la mise en place d'un chantier vert (pour éviter les nuisances de bruit et de pollution) ; la rétention des eaux de pluie, grâce notamment à une toiture végétale au-dessus du centre commercial ; les économies d'énergie grâce à une façade vitrée, en double peau, pour moins de clim' l'été et moins de chauffage l'hiver.

Oxygène en bref
Livraison : été 2009.
Localisation : angle boulevard Vivier Merle et la rue de Bonnel.
Surface : 28 000 m2 de bureaux, 11 000 m2 de commerces.
Hauteur : 115 mètres (28 étages + 4 étages de parkings en sous-sol). Crédit Lyonnais 162 m, tour Suisse 80 m.
Occupation : 1 800 personnes travailleront dans Oxygène. 2/3 de la surface de la tour sera louée par la SNCF. Les trois étages de commerces reliés au centre commercial de la Part-Dieu seront consacrés à l'habitat.
Investissement : 121 millions d'euros.
Promoteur : Sogelym-Steiner.
Architecte : Cabinet Arte Charpentier.
Obtention du permis : Septembre 2006.

Première pierre : 29 mars 2007

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