Sébastien Michel, maire d'Ecully
Sébastien Michel, maire d’Ecully et membre du bureau des maires de l’Association des maires du Rhône et de la métropole de Lyon

"Nous, maires, sommes sous la mainmise de l'Etat"

Sébastien Michel, maire (LR) d'Ecully et membre du bureau de l'Association des maires du Rhône et de la métropole de Lyon, est l'invité de 6 minutes chrono.

Depuis les élections municipales de 2020, plus de 1 500 maires ont démissionné de leurs fonctions. Cela représente 4% de l'ensemble.

Exigences croissantes du mandat, hausse des insultes, menaces et violences contre les élus locaux, désengagement de l’Etat dans les territoires... le blues des maires est une réalité que les rapports égrènent au fil des ans.

Au point que la crise des vocations qui affecte les potentiels candidats aux prochaines élections municipales de 2026 inquiètent au sommet de l'Etat.

Un sujet qui sera au centre du congrès annuel de l'Association des maires du Rhône et de la métropole de Lyon, lundi 18 mars, au Radiant de Caluire, en présence de David Lisnard, maire de Cannes et président de l'association nationale.

Le Sénat vote un statut de l'élu

Jeudi 7 mars, à l’unanimité, Le Sénat a adopté la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local "pour améliorer les conditions d’exercice du mandat local et sécuriser le parcours des élus locaux" (cette émission a été enregistrée lundi 4 mars) : extension de la revalorisation des indemnités de fonction des maires aux adjoints au maire, automaticité de l’octroi de la protection fonctionnelle pour l’ensemble des élus locaux victimes de violences, de menaces ou d’outrages, qu’ils aient ou non une fonction exécutive, notamment.

"Nous maires, on est sous la mainmise, sous la tutelle de l'État, alors qu'on veut pouvoir tout simplement décliner les politiques sur lesquelles on a été élu"
Sébastien Michel, maire (LR) d'Ecully
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Sébastien Michel, maire (LR) d'Ecully et membre du bureau de l'Association des maires du Rhône et de la métropole de Lyon, dont le congrès annuel se tient à Caluire, au Radiant, lundi 18 mars (en présence de David Lisnard, maire de Cannes et président de l'Association des Maires de France), est l'invité de 6 minutes chrono.

"Nous, maires, ce qu'on veut, c'est de pouvoir tout simplement décliner les politiques sur lesquelles on a été élu. Et aujourd'hui, on fait face à beaucoup trop de normes, beaucoup trop de contraintes, d'autres collectivités aussi parfois. Et donc là-dessus, on aspire à être responsable. Et qu'on on nous laisse notre autonomie. C'est garanti, soi-disant, par la Constitution."

"Aujourd'hui, on parle souvent de l'autonomie des collectivités locales. Force est de constater qu'elle se réduit à la portion congrue et que, de plus en plus, on est sous la mainmise, sous la tutelle de l'État ou de tout un tas d'organismes divers et variés. Et ce n'est pas bon, parce que, finalement, nous les maires, on croit au principe de subsidiarité, c'est-à-dire que c'est au plus proche du terrain qu'on peut prendre les bonnes décisions qui seront comprises par nos concitoyens. Et c'est ce qu'attendent nos concitoyens. Ils veulent des élus responsables et non pas des élus qui sont simplement là pour décliner des choses décidées à Paris ou ailleurs."

Lire aussi : Les maires du Rhône reçus au tribunal administratif de Lyon


La restranscription intégrale de l'entretien avec Sébastien Michel

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Sébastien Michel. Bonjour.

Bonjour.

Sébastien Michel vous êtes maire d'Ecully et membre du bureau de l'association des maires du Rhône et de la Métropole de Lyon qui organise lundi 18 mars son congrès annuel, avec la présence de David Liqnard, maire de Cannes et président de l'association nationale. Le Sénat a examiné un projet de loi qui vise à revoir à rénover à dépoussiérer le statut des élus locaux, notamment les maires. C'est un peu mieux les former et de revoir un peu la grille salariale. Aujourd'hui, est-ce que la fonction d'un maire s'est devenue de plus en plus complexe voire parfois plus dangereuse ?

Complexe, c'est certain. Je pense que, comme beaucoup d'acteurs d'ailleurs en France, c'est vrai aussi dans le monde de l'entreprise, c'est vrai dans le monde associatif, on fait face à une inflation permanente de normes de règlements en tous genres. Et aujourd'hui, quand vous êtes maire, quand vous devez prendre une décision, il faut d'abord passer de bonnes heures avec vos services pour qu'on vous explique les différentes normes qui s'imposent à vous. Et j'avoue que parfois ça peut être décourageant, c'est certain. Quant à la dangerosité, je dirais que là encore, on est dans une société où il y a de la violence, de plus en plus, et effectivement les maires ne sont pas épargnés. On le mesure à l'aune des nombreux faits divers.

J'ai regardé les chiffres : + 32% d'attaques envers les élus, 69% des maires se disent confrontés à des problèmes d'incivilité, c'est + 16% par rapport à 2020 Vous vous êtes maire d'Ecully, une grosse commune, est-ce que vous avez les mêmes problèmes qu'un maire d'une petite commune, d'un maire rural ?

C'est très différent, mais il y a un fil conducteur : c'est, je le disais, que la société est de plus en plus violente, dans l'ensemble de ces aspects. Et le maire, qui est souvent en première ligne, y est confronté. Alors, ça peut être de l'agressivité d'un concitoyen qui n'est pas satisfait du service public rendu, ça va être des insultes, des menaces. Malheureusement, on est dans une société où c'est le lot quotidien et donc il faut y faire face. Et je sais que, pour certains collègues, c'est difficile à vivre, et que parfois certains renoncent parce que c'est trop compliqué. Quand on fait le choix de s'engager, vous savez, vous êtes là pour prendre des décisions, pour faire preuve de responsabilité, pas forcément pour être livré à la vindicte.

C'est peut-être un thème que vous allez aborder cette année pour votre congrès, je crois qu'il avait déjà été abordé en 2023 : les candidats aux élections municipales de 2026. Est-ce qu'il y a un risque assez grand pour qu'il y ait de moins en moins de candidats à l'élection du maire ?

Le président de l'Association des maires David Lisnard le dit souvent et on y travaille beaucoup avec notre présidente locale Claire Peigné. On voit qu'aujourd'hui, il y a de plus en plus une crise d'évocation sur certains territoires. C'est compliqué de trouver des femmes et des hommes qui font le choix de s'engager pour la collectivité. C'est encore plus le cas dans les territoires ruraux et les petites communes, parce que là vous êtes souvent très seuls en réalité. Dans les communes un peu plus importantes, vous avez un stade, vous avez une équipe de direction, vous avez des adjoints, vous êtes vraiment entourés. Dans le monde rural, c'est plus compliqué. Et puis le niveau de proximité et d'exigence est pas le même. Et c'est vrai qu'on le disait, il y a cette espèce de désinhibition par rapport à la violence, qui fait que de plus en plus ça devient risqué.

Vous dites souvent qu'aujourd'hui les citoyens se comportent plutôt comme des consommateurs de services publics, que voulez-vous dire ?

C'est un sentiment partagé avec de nombreux collègues maires. Is viennent consommer du service public, comme ils consomment d'ailleurs du loisir, comme ils consomment de l'activité associative. Et je pense que ça doit nous interpeller parce qu'on a la chance, jusqu'à présent, d'avoir une société qui tient beaucoup grâce aux bénévoles dans les associations, grâce aux élus locaux, et le maire en est la preuve vivante, il est l'élu préféré des Français. Mais il y a eu des découragements. Et attention, parce que si demain on ne trouve plus de femmes et d'hommes pour être élus, et si on ne trouve plus de bénévoles dans nos associations, je fais ce parallèle à dessein, ça deviendra très très compliqué de mener à bien ces missions essentielles au lien social.

Selon une enquête du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), le profil d'un maire est le suivant : âge moyen d'un maire 60 ans, 20 000 maires ont une activité professionnelle, à côté dont 2/3 à temps plein 1/3 à temps partiel. Je crois que vous avez été reçus fin d'année par le tribunal administratif justement pour évoquer tous ces problèmes, notamment la responsabilité administrative de plus en plus grande. Qu'est-ce qu'il en est ressorti ?

Moi, je fais partie de ces maires qui ont gardé une activité professionnelle. Et c'est vrai qu'aujourd'hui c'est très compliqué. Moi je suis passé à temps partiel à 80%. Et pour autant je suis quand même très très sollicité. Et donc c'est compliqué. Et c'est effectivement le travail d'un certain nombre d'acteurs. On recevait aussi il y a quelques semaines Eric Woerth qui a été chargé d'une mission en tant que parlementaire pour travailler sur le statut de l'élu. Ce qui est certain c'est qu'aujourd'hui on ne peut pas continuer avec le statu quo parce qu'on voit bien que ça n'est pas opérant, ça n'est pas efficace, ça n'est pas efficient. Et donc si on veut redonner de l'attractivité à cette fonction d'élu, il faut tout simplement poser tous les sujets sur la table. Ça passe bien évidemment par la rémunération. Mais ce n'est pas que ça. Nous, en tant que maires, ce qu'on veut, c'est pouvoir tout simplement décliner les politiques sur lesquelles on a été élu. Et aujourd'hui, on fait face à beaucoup trop de normes, beaucoup trop de contraintes, d'autres collectivités aussi parfois. Et donc là-dessus, on aspire à être responsable. Et qu'on on nous laisse notre autonomie. C'est garanti, soi-disant, par la Constitution.

C'est ce que dit David Lisnard quand il parle parlait de "recentralisation" et de "mise sous dépendance" ?

Totalement. Aujourd'hui, on parle souvent de l'autonomie des collectivités locales. Force est de constater qu'elles se réduisent à la portion congrue et que, de plus en plus, on est sous la mainmise, sous la tutelle de l'État ou de tout un tas d'organismes divers et variés. Et c'est pas bon, parce que, finalement, nous les maires, on croit au principe de subsidiarité, c'est-à-dire que c'est au plus proche du terrain qu'on peut prendre les bonnes décisions qui seront comprises par nos concitoyens. Et c'est ce qu'attendent nos concitoyens. Ils veulent des élus responsables et non pas des élus qui sont simplement là pour décliner des choses décidées à Paris ou ailleurs.

D'où la défiance après de manière générale envers le politique. Merci Sébastien Michel d'être venu sur le plateau.

Merci à vous.

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