A l'occasion de la Semaine du cerveau, dont le but est de sensibiliser à l'importance de la recherche sur le cerveau, plusieurs neuro mythes seront déconstruits.
"On sait que l'être humain n'utilise que 10 % des capacités de son cerveau. Que se passe-t-il si l'on arrive à aller au-delà ?" Voilà le pitch de Lucy, le film de Luc Besson sorti en 2014, porté par une Scarlett Johansson devenue surpuissante, voire omnipotente, grâce à une nouvelle drogue expérimentale, le CPH4, qui colonise les cellules de son cerveau, lui faisant acquérir des capacités cérébrales extraordinaires, dépassant les limites humaines connues. Le film a été réalisé pour 40 millions de dollars et en a rapporté 463,4 millions dans le monde (alors plus gros succès d'un film français à l'étranger).
D'un côté l'opinion, de l'autre la réalité, plus complexe
Luc Besson dit avoir eu l'idée de ce film après avoir discuté avec un scientifique spécialiste du cerveau. Selon une opinion très répandue, nous n'utilisons qu'un dixième de nos capacités. On a souvent attribué à Albert Einstein cette idée. L'idée selon laquelle l'homme n'utilise que 10% de son cerveau viendrait plus probablement du psychologue et philosophe américain William James qui, dans son livre The Energies of Men, paru en 1908, a écrit: "Nous n'utilisons qu'une petite partie des ressources mentales et physiques dont nous disposons." [(...) "Bien sûr, il y a des limites : les arbres ne poussent pas jusqu'au ciel. Mais il n'en reste pas moins que les hommes du monde entier possèdent des quantités de ressources que seuls des individus très exceptionnels poussent à l'extrême."]
La réalité est plus complexe. "Toutes les structures de notre cerveau ne fonctionnent pas à un même rythme, en même temps." explique Rémi Gervais, professeur émérite de neurosciences à Lyon et conseiller scientifique de la Semaine du cerveau, 26e édition du nom.
Pour lutter contre ce neuro-enchantement, plusieurs neuromythes seront déconstruits ou vérifiés dans cet atelier ludique, à la lumière d’études récentes sur le sujet.
La restranscription intégrale de l'entretien avec Rémi Gervais
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Rémi Gervais. Bonjour.
Bonjour
Vous êtes conseiller scientifique de la Semaine du cerveau, 26ème édition. On dit que c'est une semaine qui se tient au niveau national, coordonnée au niveau national par la Société des neurosciences. Dans l'agglomération lyonnaise, ça dure un petit peu plus longtemps quasiment un mois.
En fait, en fonction de la disponibilité de nos salles d'accueil et de nos intervenants, il y a des manifestations qui ont commencé le 4 mars et se poursuivent jusqu'au 28 mars.
Donc qui s'étale sur quasiment un mois... Conférences, café des sciences, cinés débats. À quoi va ressembler justement cette manifestation à Lyon dans l'agglomération lyonnaise ?
Alors la première chose que je vais signaler c'est que nous avons 24 actions grand public, car c'est l'objectif. Donc pas besoin d'être spécialiste. Donc c'est ouvert à tous. Sur le programme qui est indiqué sur les sites web, c'est marqué à partir de quel âge, en général c'est à partir de 10-12 ans. Voilà pour arriver à comprendre. Donc il y a différents formats, il y a des conférences, il y a des ateliers, il y a des laboratoires qui font des journées portes ouvertes, il y a des cinés-débats avec films qui sont suivis de débats. Donc il y a un petit peu toutes les formules.
L'objectif principal de la Semaine du cerveau, c'est donc quand même finalement d'apporter tout ce qu'on connaît en recherche du cerveau au grand public. Vulgariser un petit peu c'est un petit peu ça ou pas ?
Tout ce qu'on connaît - on connaît beaucoup de choses - et à la fois peu de choses. Mais à chaque action, il y a un thème. Par exemple, sur la perception ou la conscience ou bien sur les sens ou sur les émotions ou le cerveau amoureux, qu'est-ce qui se passe ? Donc chaque soirée, chaque action, ne peut pas aborder toutes les neurosciences mais un certain thème. Il y a des spécialistes de la question qui viennent faire une présentation ou discuter avec le public.
C'est ça après il peut y avoir des échanges entre les chercheurs c'est aussi ça l'intérêt entre chercheurs et publics ?
C'est très important, c'est même obligatoire. C'est-à-dire que dans chaque action il y a un fort pourcentage de temps qui est consacré aux discussions entre les chercheurs et le public.
Ça permet quoi ? Ça va permettre justement de rapprocher d'éviter qu'il y ait un gap trop important entre la science d'un côté et le grand public de l'autre ?
Oui parce que les chercheurs en neurosciences à Lyon et ailleurs en France sont quand même payés par les impôts des citoyens. Donc c'est normal qu'on rende compte un petit peu de ce qu'on fait. Et aussi, on peut rendre compte des avancées et aussi des questions qui restent à résoudre.
Alors justement, on en est où ? Quel est l'état actuel des recherches sur le cerveau ?
C'est une question extrêmement vaste. Par exemple, quand on va aux colloques des neurosciences américains, il y a 30 000 participants. Donc même à Lyon, on a fait le colloque des neurosciences l'année dernière le colloque national il y a 1500 participants. Donc ça va de la biologie moléculaire à la cognition. Donc c'est difficile de répondre à la question. Je peux donner quelques exemples. Par exemple, on a fait beaucoup de progrès grâce à l'imagerie cérébrale sur la connectivité neuronale, sur comment le cerveau est connecté, comment il est connecté à un hardware je pourrais dire mais aussi comment la connectivité est fonctionnelle.
Et ça finalement c'est bien de connaître comment ça fonctionne mais ça nous apprend quoi au final ?
Dans la recherche en neurosciences, comme dans toutes les recherches, il y a toujours deux aspects, l'aspect fondamental et l'aspect clinique. Pour réparer quelque chose, il faut savoir un petit peu comment il fonctionne. Donc en neuro-imagerie, notamment fonctionnelle, on voit que ce sont les parties du cerveau qui fonctionnent ensemble quand on parle, quand on veut une déduction mathématique, quand on a une intention, quand on planifie l'avenir par exemple.
Est-ce que je voulais vous poser une question alors qu'il va peut-être vous paraître bête parce que vous êtes scientifique mais je ne sais pas si vous l'avez vu ce film de Luc Besson qui s'appelait Lucy où le pitch c'était de dire qu'on n'utilisait que 10% de notre cerveau. EC'est une idée qui est assez répandue dans le grand public. Info ou intox ?
J'en profite, y a une action j'ai oublié la date précise qui s'appelle "Les neuro mythes", où des chercheurs vont venir discuter présenter ces neuro mythes. Donc un des neuro mythes les plus célèbres c'est qu'on n'utilise que 10% de notre cerveau. Quand on regarde le cerveau en fonctionnement avec nos caméras d'imagerie, tous les cerveaux fonctionnent. Heureusement, si on avait 10% de notre cerveau, ce serait une catastrophe. Mais, par contre, toutes les structures ne fonctionnent pas à un même rythme, en même temps. Là lorsqu'on dialogue, je ne fais pas de calcul mathématique.
Donc il y a une partie du cerveau qui est en repos. D'où vient cette idée ces neuro mythes ?
Je ne sais pas qui a dit ça. Ce n'est pas Einstein qui a dit ça non ? Je ne sais pas. Alors ça c'est un vrai neuro mythe : notre cerveau fonctionne 24 heures sur 24.
En tout cas c'est ça aussi l'intérêt de la semaine du cerveau, on va dire le mois du cerveau parce que ça commence dès cette semaine. Donc il s'y tiendra un peu de partout. Merci beaucoup. Plus d'information sur la Semaine du cerveau à Lyon, ici.
C'est sur que pour certain, 10% cela parait beaucoup quand on voit nos dirigeants va en guerre ou plus proche certains maires de grandes villes.