Nous ne nous supportons plus

Le mariage pour tous, le mur des cons, l’amnistie sociale... Que de clivages nets, irréconciliables et surtout accompagnés, de part et d’autre, d’arguments violents… mais aussi d’une insigne pauvreté intellectuelle.

L’indigence de la pensée est partout : un député de droite, Philippe Cochet, accuse la gauche d’assassiner des enfants en autorisant le mariage des homosexuels. La présidente du Syndicat de la Magistrature, Françoise Martres, parle d'humour potache en ce qui concerne le “mur des cons et surtout se plaint du viol de l’intimité (!) d’un local prétendument privé, alors que ce n’est évidemment pas le sujet. Un responsable socialiste, Gérard Filoche, justifie les violences syndicales au cours desquelles a notamment été saccagée une sous-préfecture, en se référant aux luttes sociales et aux occupations d’usines de 1936, en oubliant qu’aucune dégradation n’avait été commise alors, les ouvriers de l’époque en étant d’ailleurs légitimement fiers.

“Salopard”

Au-delà de la faiblesse de la pensée, la mauvaise foi et les partis pris idéologiques sont avérés et révélateurs : nous ne nous supportons plus, pire nous nous haïssons. Et ce partout, ce n’est pas un homme de droite qui a traité le ministre socialiste de l’Économie et des Finances de salopard”, mais François Delapierre, un responsable du Front de gauche, approuvé en cela par l’ineffable Jean-Luc Mélenchon. Nous sommes désormais le dernier pays où se déroule encore la lutte des classes, même la Chine y a renoncé. Où allons-nous ? Et comment y allons-nous ?

Avons-nous oublié que nous sommes une nation de violences éruptives et de vaines révolutions avec leurs cortèges de massacres, de la Saint-Barthélemy à la Terreur, des Trois Glorieuses à la Commune ? On peut ne pas être d’accord, on peut discuter, argumenter, défendre des points de vue divergents, faut-il nécessairement se haïr, se mépriser, s’injurier, bientôt se battre? Bon, à 12 ans dans une cour de collège, mais des magistrats, des parlementaires, des responsables syndicaux ? Veut-on vraiment en revenir aux ligues des années 30, aux affrontements physiques qui laissaient des morts sur la chaussée ?

Pendant ce temps-là, l’économie s’enfonce, tous les voyants sont au rouge vif, nous ne progressons plus en rien, la qualité des institutions dont nous étions si fiers, l’enseignement, les hôpitaux se dégradent, notre démocratie est à bout de souffle, en bout de course avec ses politiciens professionnels inefficaces qui se relaient au pouvoir de mandature en mandature, que leurs promesses non tenues déconsidèrent quand ce ne sont pas leurs comportements révélant parfois des âmes profondément corrompues. Mais rien ne relève du hasard, on ne peut pas tout faire en même temps, se déchirer, s’invectiver, construire et redresser la barre. Dominique de Villepin, dans un discours qui a laissé des traces dans les mémoires, disait : “Je viens d’un vieux pays”. Certes, mais aussi épuisé.

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