Manuel Valls
Manuel Valls

Numéro 23 : une Valls à trois temps, c’est beaucoup plus troublant

Pourquoi la gauche met-elle si peu d’empressement à dénoncer l’escroquerie de la chaîne Numéro 23, offerte par le trio Sarkozy-Boyon-Bygmalion au lobbyiste désargenté Pascal Houzelot, afin qu’il la revende deux ans et demi plus tard au duo Weill-Drahi ? Pourquoi le pacte d’actionnaires frauduleux, où l’on trouve un oligarque russe, des fonds transitant par Chypre ou encore l’émir du Qatar a-t-il été dissimulé au CSA durant dix-huit mois, sans qu’aucune autorité indépendante n’y trouve jamais rien à redire, Conseil d’Etat compris ? Pourquoi la commission d’enquête parlementaire demandée par le député Rogemont depuis le mois de janvier est-elle sans cesse repoussée ? Premiers éléments de réponse.

Les familles recomposées c’est tendance, mais ça coûte cher. Et puis il y a les pensions alimentaires, d’autant plus élevées que les enfants sont nombreux. Dans le couple Valls-Gravoin, ils sont au nombre de cinq, à tel point que les émoluments du Premier ministre sont un peu justes, eu égard à son rang et à ses besoins. C’était sans compter sur la Providence : voilà qu’Anne Gravoin, violoniste de talent, est nommée directrice artistique de l’Alma Chamber Orchestra, dont l’ambition affichée n’est pas seulement musicale, qui souhaite aussi propager dans le monde « un message de paix et de fraternité ». Jusque là, rien d’extraordinaire.

Sauf que, quelques jours après la nomination de Manuel Valls à Matignon, l’orchestre passe du statut d’association 1901 à celui de société anonyme. Fleur Pellerin, alors ministre de la Culture, dote la formation de subventions se chiffrant à plusieurs centaines de milliers d’euros. Ennuyeux, quand on sait que Fleur Pellerin, sous l’autorité du Premier ministre, est à la fois très proche de Pascal Houzelot – qu’elle a fait chevalier des Arts et Lettres alors qu’il tentait (déjà) de s’enrichir personnellement en revendant sa chaîne fantôme au duo Weill-Drahi – et que le même Pascal Houzelot est aussi très proche du couple Valls, chargé à ce titre par monsieur, qui travaille beaucoup, de promener madame et de lui présenter le tout-Paris. Un exercice dans lequel le lobbyiste excelle, qui réunit régulièrement sa dizaine de convives très hype, dont le couple, dans son loft parisien du quai Henri IV.

De drôles de mécènes

Encore plus ennuyeux quand on sait que l’Alma Chamber Orchestra est, outre le ministère de la Culture, largement financé par des personnes dont l’exotisme et le parcours sulfureux n’ont rien à envier à leurs homologues de Numéro 23. Ainsi Zouhir Boudemagh, un homme d’affaires d’origine algérienne représentant en France le groupe koweïtien Al Sayer, actionnaire du petit constructeur automobile du Gard PGO, en train de mettre la clé sous la porte : 50 millions d’euros perdus en dix ans et quarante salariés en « chômage technique » depuis début février.

Aux côtés de Zouhir Boudemagh dans cette extravagante aventure lyrique, on trouve aussi un certain François Gontier, p-dg des Eaux et Electricité de Madagascar (EEM), qui sous-loue des bureaux, avenue Victor-Hugo dans le seizième arrondissement de Paris, à la société d’Anne Gravoin, AG Productions. Président d’une entreprise qui fournit des tenues militaires aux armées d’Afrique, deux fois condamné par la justice et plusieurs fois poursuivi par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), il est actuellement mis en examen pour “exercice illégal de la profession de banquier”.

Pour couronner le tout, l’Alma Chamber Orchestra compte parmi ses mécènes Jean-Yves Olivier, (qui a récemment reçu les insignes d’officier de la Légion d’honneur des mains de Manuel Valls), personnage clé de la « Françafrique » et bras droit du grand démocrate Sassou-Nguesso, président du Congo-Brazzavile… ou encore Ivor Ichikowitz, le président de la bien-nommée Paramount, tentaculaire conglomérat d’armement africain, qui fournit blindés et avions de combat au même Sassou-Nguesso.

La position de Manuel Valls est aujourd’hui très délicate : on se souvient que le Premier ministre avait jugé au mois d’octobre, en marge d’une réunion de cabinet, que la revente de Numéro 23 au groupe NextRadioTV pour 88,3 millions d’euros, aurait été “une insulte faite aux Français”. Il avait également salué “la fermeté” du président du CSA Olivier Schrameck dans cette affaire. Plus que jamais, la commission d’enquête demandée par le député Rogemont s’impose. Il ne s’agirait pas que les Français se laissent une nouvelle fois insulter, qu’ils soient sans-dents ou canards sauvages.

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