Aurélien Durand, chargé d'études à l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes
Aurélien Durand, chargé d’études à l’Insee Auvergne-Rhône-Alpes

"On constate une baisse du nombre de médecins généralistes en Auvergne-Rhône-Alpes" assure Aurélien Durand

Aurélien Durand, chargé d'études à l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Dans sa dernière analyse, l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes indique que l'accessibilité aux soins se complique depuis 2015, notamment dans les zones rurales.

"On parle beaucoup de déserts médicaux dans le débat public. Cela traduit une certaine inquiétude de la population à travers l'accessibilité aux soins, et en particulier aux médecins généralistes. On a réalisé une étude à l'Insee sur cette question de l'accessibilité aux médecins. Pour cela, on a utilisé un indicateur créé par le ministère de la Santé qui prend en compte, pour les médecins généralistes, à la fois la présence des médecins sur un territoire et la possibilité d'y prendre un rendez-vous pour la population" explique Aurélien Durand, chargé d'études à l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes et coauteur de l'étude.

Conclusion : en 2022, 15 % des habitants de la région vivaient ainsi dans une commune sous-dotée en médecins généralistes, autant qu’au niveau métropolitain. Soit près d'1 personne sur 7. Pour définir une commune sous-dotée, il s'agit d'une commune pour laquelle chaque habitant accède en moyenne à moins de 2,5 consultations par an et par habitant, "un nombre particulièrement faible".

Cette même année, toujours en Auvergne‑Rhône‑Alpes, chaque habitant a eu accès en moyenne à 3,7 consultations chez un généraliste dans l’année, "un chiffre qui est dans la moyenne nationale".

Le manque en médecins généralistes devrait s’accroître

Plusieurs explications peuvent permettre de comprendre cette baisse. "On constate une augmentation des besoins en soins de la population, ce qui se traduit par deux choses. Tout d'abord, la population régionale augmente chaque année, on a un petit peu plus d'habitants que l'année précédente et, d'autre part, cette population vieillit également : les personnes âgées ont davantage de besoins d'aller chez le médecin qu'une personne de 30 ans par exemple en moyenne bien sûr, identifie Aurélien Durand. D'autre part, on constate sur la même période une baisse de l'offre de soins, ce qui se traduit en fait par une baisse du nombre de médecins généralistes de l'ordre de 2,2% dans la région d'Auvergne-Rhône-Alpes entre 2015 et 2022."

Le numerus apertus, qui facilite l’inscription en faculté de médecine, a été mis en place en 2021 pour remplacer le numerus clausus, "mais pour voir vraiment des effets significatifs et une amélioration de la situation ce ne sera pas avant 2035".

Il faut en effet une dizaine d'années pour former un médecin généraliste.

Lire aussi : Enquête - Pénurie de médecins généralistes jusqu’au cœur de Lyon


La retranscription intégrale de l'entretien avec Aurélien Durand

Bienvenue à tous dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono de cette nouvelle année 2025. J'en profite pour vous souhaiter tous mes voeux. Nous recevons aujourd'hui Aurélien Durand, chargé d'études à l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes. Merci d'être venu sur ce plateau. Alors on fait beaucoup référence dans le langage notamment médiatique des déserts médicaux. On parle d'accessibilité notamment aux soins auprès des médecins.Vous êtes l'un des coauteurs d'une étude sur le sujet. Quand on parle d'accessibilité aux soins déjà comment on calcule cette accessibilité aux soins ?

Alors c'est vrai qu'on parle beaucoup de déserts médicaux dans le débat public. Ça traduit aussi une certaine inquiétude de la population à travers l'accessibilité aux soins, et en particulier aux médecins généralistes. Donc c'est donc pour ça qu'à l'Insee on a réalisé une étude sur cette question de l'accessibilité aux médecins. Pour cela, on utilise en fait un indicateur qui a été créé par le ministère de la Santé et qui prend en compte, pour les médecins généralistes, à la fois la présence des médecins sur un territoire et la possibilité d'y prendre un rendez-vous pour la population.

Donc finalement c'est ce ratio que vous calculez enfin cette corrélation entre les deux. Selon votre étude, parue il y a quelques semaines, en 2022 15% de la population régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes vit dans une commune sous-dotée en médecins généralistes, et + 3,2%. Qu'est-ce qui explique cette baisse de l'offre médicale au final ?

Effectivement, dans l'ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes, on a 15% de la population qui vit dans une commune sous-dotée en médecins généralistes donc 1 habitant sur 7. Pour définir une commune sous-dotée, c'est une commune pour laquelle chaque habitant accède en moyenne à moins de 2,5 consultations par an et par habitant. C'est un nombre particulièrement faible.

C'est quoi la moyenne nationale ?

Pour situer un peu la région d'Auvergne-Rhône-Alpes, on est à 3,7 consultations par an et par habitant. C'est un chiffre qui est dans la moyenne nationale. Donc voilà la région Auvergne-Rhône-Alpes est dans la moyenne.

Les métropoles de la région sont moins dotées que les autres métropoles françaises. A quelle hauteur ?

Après il faut relativiser aussi parce que dans l'étude on dit que les métropoles sont quand même les territoires qui sont les mieux dotés de la région. Il faut savoir que l'accessibilité aux médecins généralistes, de manière générale, à l'échelle régionale, croît avec la densité. Donc, plus on va vers l'urbain, plus on va en ville et plus l'accessibilité aux médecins généralistes sera bonne. À l'inverse, quand on va vers le rural, à la campagne, l'accessibilité aux médecins est plus compliquée. Après, oui c'est vrai, que les métropoles de la région ne sont pas les premières au niveau national. Il peut y avoir différentes explications à ça : peut-être l'attrait d'une ville à une autre qui est différent. Mais je pense surtout qu'il faut relativiser ce chiffre car, quand même, dans les différentes métropoles de la région, que ce soit Lyon, Grenoble, etc., globalement l'accessibilité reste quand même assez bonne par rapport au reste du territoire.

Vous le disiez en introduction, c'est qu'on parle dans le débat public beaucoup de déserts médicaux et quand on pense déserts médicaux, vous l'avez encore souligné dans votre étude, on pense ruralité, les campagnes. Ceci étant dit, on a l'impression aussi que les déserts médicaux, il y en a de plus en plus en milieu urbain. Chacun, dans son quartier, a un médecin généraliste qui part à la retraite qui n'est pas remplacé. Est-ce que aujourd'hui cette tendance va se confirmer dans les années à venir ?

Alors, à l'avenir en tout cas, il faut avoir que les choses évoluent parce que si rien ne change, la situation actuelle va perdurer, voire même se détériorer, puisque dans les prochaines années, le manque en médecins généralistes devrait s'aggraver. Dans l'ensemble de la région, il y a quand même un nombre important de médecins généralistes qui sont âgés de 65 ans ou plus et donc qui vont partir à la retraite dans les prochaines années. Donc il y a un fort enjeu de renouvellement autour de ces médecins âgés qui vont partir. Alors il y a quand même des pistes un peu plus positives pour relativiser tout ça, je pense en particulier à la fin du numerus clausus en 2021 qui a en fait été remplacé par le numerus apertus donc c'est une mesure qui devrait produire des effets on le sait, mais pas dans l'immédiat parce que former un médecin c'est long ça prend du temps une dizaine d'années donc ça produira des effets mais pas dans les prochaines années.

Oui parce que je regardais dans votre étude, près de 10 000 étudiants étaient formés chaque année, ils seront 12 000 à la rentrée 2025, 16 000 en 2027 ce que vous disiez, il faut à peu près 10 ans pour former un médecin généraliste. C'est-à-dire que ces effets vont être produits à partir de quand ?

Concrètement, le numerus apertus a été mis en place en 2021 donc il faut compter quand même le temps de former ces nouveaux médecins donc le nombre de médecins devrait commencer à augmenter à partir des années 2030 mais pour voir vraiment des effets significatifs et une amélioration de la situation ce ne sera pas avant 2035.

Pas avant 2035 et finalement, on en a un peu parlé, mais quelles sont les raisons qui expliquent que cette accessibilité aux soins auprès des médecins généralistes se complique depuis une dizaine d'années ?

C'est vrai, le nombre de consultations accessibles pour la population a tendance à baisser d'année en année, notamment entre 2015 et 2022 le nombre est passé de 3,9 à 3,7 progressivement, alors il y a plusieurs explications possibles à cette baisse. Tout d'abord, on constate une augmentation des besoins en soins de la population ce qui se traduit en fait par deux choses. Tout d'abord, la population régionale augmente chaque année, on a un petit peu plus d'habitants que l'année précédente et, d'autre part, cette population vieillit également : donc les personnes âgées ont davantage de besoins d'aller chez le médecin qu'une personne de 30 ans par exemple en moyenne bien sûr. Le besoin de prise en charge également des maladies chroniques a bien progressé sur les dernières années, donc voilà on a vraiment une augmentation des besoins en soins de la population d'une part et, d'autre part, on constate sur la même période une baisse de l'offre de soins, ce qui se traduit en fait par une baisse du nombre de médecins généralistes de l'ordre de 2,2% dans la région d'Auvergne-Rhône-Alpes entre 2015 et 2022 donc c'est vraiment en fait un double effet des besoins qui augmentent et de l'offre de soins qui diminue.

L'émission touche à sa fin. Merci Aurélien Durand d'être venu sur ce plateau et si vous voulez plus d'informations dans le détail c'est évidemment sur www.lyoncapitale.fr.

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