Pascal Isoard-Thomas, directeur général d'Alynea, association porteuse du Samu social 69, revient pour Lyon Capitale sur la situation des sans-abris à Lyon et dans le département du Rhône.
Quelle est la situation aujourd'hui des sans-abris dans la Métropole de Lyon et le département du Rhône ?
Pascal Isoard-Thomas : C'est une situation inédite de par sa gravité. On n'a jamais vu ça. Les chiffres officiels indiquent qu'il y a aujourd'hui, dans le département, 14 000 personnes en attente d'hébergement. C'est un chiffre qui a doublé en cinq ans et qui est dramatique. On est sur une accélération du phénomène sans précédent.
Comment se passe le travail du Samu social 69 aujourd'hui sur le terrain ?
P.I-T. : Dans la rue aussi on constate une évolution très importante du nombre de personnes sans domicile fixe. C'est très préoccupant. Aujourd'hui, on en vient, en tant que professionnel, à devoir faire du tri, à devoir faire des choix.
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Il y a encore deux ou trois ans, on arrivait à mettre à l'abri quasiment immédiatement des personnes en situation de handicap ou encore tous les enfants de moins de trois ans. Aujourd'hui, le seul critère d'urgence, c'est d'avoir un enfant de moins d'un an. Un enfant de 1 an et 2 jours n'est plus prioritaire. C'est l'unique critère car tout est saturé. Et c'est paradoxale car il n'y a jamais eu autant de places d'hébergement sur le territoire (12.000 au total, ndlr).
"La politique migratoire en France est devenue une usine à sans-abris"
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
P.I-T. : Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ce phénomène. Le premier c'est le prix du logement classique. Le prix de l'immobilier a un impact énorme sur ce qu'on constate dans la rue. En acceptant depuis des années d'avoir laissé devenir le logement un produit spéculatif, sans pour autant développer le logement social à côté, on a envoyé indirectement plein de gens dans la rue. Le coût du logement a augmenté deux fois plus vite sur le territoire que les salaires. Les personnes que l'on rencontre ne parviennent plus aujourd'hui, après être passées quelque temps dans nos centres d'hébergement, à trouver un logement classique. Ainsi, les personnes restent plus longtemps dans ces hébergements d'urgence. Les gens dans la rue se retrouvent bloqués. Il y a un cercle vicieux qui s'est installé. C'est un vrai blocage systémique.
Le deuxième facteur c'est la complexification de certains parcours, notamment les parcours migratoires. On a vu une réduction drastique des moyens humains en préfecture dans les services qui servaient à régulariser les situations. Aujourd'hui, ça devient extrêmement compliqué d'avoir un rendez-vous en préfecture. Les durées de séjour de ces personnes explosent. La politique migratoire en France est devenue une usine à sans-abris.
Les personnes touchées par cette grande précarité sont-elles différentes d'il y a quelques années ?
P.I-T. : Oui très clairement. On rencontre beaucoup de personnes assez vieilles qui se retrouvent à la rue. On a le cas d'une dame de 75 ans, expulsée cet été de chez elle et qui depuis, dort une nuit à l'abri et trois nuits dehors, faute d'avoir pu lui trouver une solution d'hébergement. C'est inimaginable.
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On a aussi beaucoup de personnes en situation de handicap ou qui souffrent de pathologie psychiatrique. Il n'y a pas longtemps on a croisé une maman avec son fils autiste dans la rue. Aujourd'hui son fils n'est plus prioritaire non plus. On l'a laissé sur le banc avec cette femme. Il y a encore quelques mois on parvenait à trouver des solutions pour ce type de personnes.
Le choix de supprimer 100 000 lits en psychiatrie ces dernières années a envoyé ces personnes-là, autrefois prises en charge à l'hôpital, directement dans la rue.
Que vous répondent les pouvoirs publics concernant cette problématique ?
P.I-T. : On nous répond aujourd'hui que la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence coûte trop cher. Les besoins, les politiques les connaissent, ils sont au courant depuis longtemps car ils ont des remontés de nombreux indicateurs.
Vous en venez donc à lancer un appel au don pour aider les personnes sans-abris ?
P.I-T. : Oui et c'est inédit pour nous. Alynea et le Samu social 69 n'ont jamais demandé d'argent au particulier jusqu'à présent. On estimait que c'était les pouvoirs publics qui devaient payer pour ce droit fondamental qu'est le logement. Mais aujourd'hui, on n'a même plus assez d'argent pour acheter des couvertures.
"La solution est entre les mains des propriétaires de logements vides. Lyon 53 000 logements vacants. Avec seulement 10% de ces logements, le problème est résolu."
Quelles solutions pourraient être mises en place pour résoudre, au moins en partie, ce problème ?
P.I-T. : Il faudrait des décisions gouvernementales fortes concernant la production des logements sociaux. Sur notre territoire, la préfecture a pris conscience de ce problème. Quand la préfète a annoncé vouloir retirer la compétence des signatures des permis de construire à certaines communes qui ne respectent pas la loi sur les logements sociaux, on a applaudi des deux mains. Mais quoi qu'on fasse aujourd'hui, ça produira des effets dans 5 ans au mieux, ce ne sera pas immédiat.
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Il existe aucune solution immédiate pour pouvoir loger rapidement les 14 000 personnes à la rue dans le département ?
P.I-T. : Si, la solution existe. Et elle est entre les mains des propriétaires de logements vides. On aimerait aujourd'hui sensibiliser ces propriétaires pour nous permettre de leur louer leur logement contre une garantie de loyer pendant plusieurs années, une garantie d'entretien. On a les budgets pour ça, il nous manque juste des propriétaires volontaires. Tout ça nécessite un éveil citoyen sur la situation dramatique des SDF dans notre territoire. Il faut parvenir à sensibiliser les propriétaires de ces logements à cette cause.
D'après le dernier fichier des impôts, il y aurait sur le territoire de la métropole de Lyon 53 000 logements vacants. Avec seulement 10% de ces logements, le problème est résolu.
Les politiques et les pouvoirs publics n'en font pas assez ?
D'évidence non. La France n'est même pas au rendez-vous des engagements qu'elle a pris devant l'ONU et devant sa propre constitution. Car le droit au logement est un principe constitutionnel.
Une campagne de communication à Lyon à partir du 15 novembre
"On lance à partir de ce mercredi 15 novembre un appel au don. À travers des affichages sur des panneaux JCDecaux à Lyon, les gens, avec un QR code, seront amenés à donner un peu d'argent pour aider le Samu social 69 et les personnes à la rue. On demande 10 euros pour une couverture, 50 euros pour trois nuits d'hébergement...
En plus nous organisons un événement le 21 novembre prochain sur la place Louis Pradel durant lequel nous allons constituer une œuvre de 7000 pièces en cartons. Ces 7000 pièces représenteront les 7000 ménages en attente d'une solution d'hébergement dans le territoire".
L'heure est venue de taxer les grandes fortunes, faisons large au dessus de 200.000€ annuels ont prend tout , on supprime toutes les niches fiscales , avant que le vent de révolte ne se lève.
En 10 ans, 3 mandats socialo-libéraux: terrorisme islamistes, GJ, pandémie, confinements, dette, manifestations, violences, casses, pillages, immigration, guerres en Europe + P0. Stop ou encore..
Depuis le 1.07. 2022, l'émolument d'un.e député s'élève à 7493,30€ brut/m. Ne pas trop cracher dans la bonne soupe !
"La politique migratoire en France est devenue une usine à sans-abris" RAS !
La cour des miracles .
En France en 2023 .
Bonjour
Une question ouverte à la rédaction plutôt qu'un commentaire. Est-ce que la préparation des jeux de Paris 2024 pourrait expliquer, au moins en partie, une telle croissance du nb de sans-abris à Lyon ? On lit trop souvent que la réhabilitation des quartiers insalubres dans le cadre d'un tel événement s'accompagne d'un déplacement de la misère. Sinon, est-ce qu'on observe le même phénomène dans les autres métropoles en France ? Merci
Je regrette, pas les moyens d'élargir la distribution, Plus un seul centime aux associations je donne à mes petits enfants.