Patrick Drahi
© ERIC PIERMONT / AFP

Patrick Drahi, PME serial killer

Chute vertigineuse d’Altice en Bourse (-55 % en six mois), procès de la “fausse fibre”, hémorragie des abonnés SFR, grève et licenciements massifs à L’Express, abrogation de l’autorisation de la chaîne TNT Numéro 23, important reflux de RMC et maintenant mise à l’index par Bercy de SFR et de Numericable pour “méthodes inacceptables”… L’illusion Drahi a fait long feu.

La méthode Drahi repose sur trois piliers intangibles parfaitement revendiqués : primo, il s’agit d’acheter à crédit des marques phares en racontant des sornettes aux banquiers, qui contre toute attente se sont laissé séduire, avant de réviser, un peu tard, leur jugement ; deuxio, intervient le cost killing, c’est-à-dire que les “masses salariales” sont essorées comme de vieilles serpillères répugnantes ; tertio, on ne paie plus aucun fournisseur et “on voit ce qui remonte”.

Sauf qu’Emmanuel Macron, le titulaire de Bercy, s’est vraiment fâché et a mis sa menace à exécution en dévoilant le nom des entreprises condamnées le plus lourdement pour des retards de paiement. Evoquant les “méthodes inacceptables” de SFR et de Numericable, le ministre de l’Économie vient ainsi de faire condamner les deux poids lourds (premiers ex-aequo plus mauvais payeurs de France) – via la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée notamment de surveiller les dérapages en matière de délais de paiement – à 375 000 euros de sanction chacune.

Selon la technique dite du name and shame, le nom des fautifs a été mis en ligne par Bercy – une première – et Patrick Drahi n’a pas contesté la décision. Au premier trimestre 2015, les achats externes de Numericable-SFR s’élevaient à 1,5 milliard d’euros, soit 54 % du chiffre d’affaires. En réalisant 10 % d’économie sur chaque facture, Patrick Drahi pouvait espérer récupérer 600 millions d’euros à la fin de l’année.

15 000 PME par an en faillite à cause des retards de paiement

Pas assez cependant pour le financier et ses killers boys, qui ont tenté d’imposer des renégociations jusqu’à 40 % (et même jusqu’à 80 % pour Dalkia, une filiale d’EDF, ce qui a provoqué la colère de son PDG, Jean-Bernard Lévy). Cette pression, qui s’apparente à du chantage, est loin d’être isolée : 8 millions d’euros de loyer étaient en souffrance vis-à-vis de la mairie de Paris et des dizaines de fournisseurs, au bord de la faillite, ont eu recours à la médiation inter-entreprises via l’organisation professionnelle Syntec Numérique.

Rappelons qu’en France 15 000 petites entreprises font faillite chaque année à cause de ces retards de paiement. Les délais ont d’ailleurs fortement augmenté en 2015, suscitant l'inquiétude des chefs d'entreprise vis-à-vis de leur trésorerie, selon une étude récemment publiée par le cabinet ARC. En 2015, le retard de paiement moyen pour les PME a atteint 13,9 jours, contre 10 jours en 2014 et 10,4 jours en 2013, selon ce baromètre sur le recouvrement des créances, réalisé en partenariat avec l'Ifop. Pour les grandes entreprises, le retard moyen est passé à 12,1 jours, contre 8,2 jours en 2014 et 7,3 jours en 2013.

Le directeur général de SFR-Numericable, Éric Denoyer, n’est pas homme à s’émouvoir, qui assume pleinement la méthode, laquelle génère, a-t-il récemment confié à la presse, “plusieurs centaines de millions d’euros d’économies”. Il est vrai qu’en comparaison les 750 000 euros d’amende ressemblent à un pourboire.

Nos confrères de Challenges ont consacré un dossier aux rémunérations des dirigeants français, en épluchant la valeur des options et actions attribuées, ainsi que le fixe et le variable dus en 2014. Dans le top 10 des patrons les mieux payés, on retrouve sans surprise Patrick Drahi, numéro 1 du classement avec 10,65 millions d’euros (uniquement en options et actions attribuées), et à la 10e place… Éric Denoyer, avec 6,04 millions d’euros. Comme le dit la publicité, “SFR et tout s’accélère”.

Au secours, Goldman Sachs revient !

C'est peu de le dire : comme nous l’avions indiqué en séance publique au CSA il y a quelques semaines, Altice N.V., la maison mère de Numericable-SFR domiciliée aux Pays-Bas, vient d'annoncer que son principal actionnaire, Next Sàrl, la holding personnelle de Patrick Drahi, a décidé de se délester d'une grande partie du capital de l'entreprise.

Dans un communiqué rédigé en anglais, Altice explique que Next a lancé une opération consistant en la revente de 81,2 millions d'actions de l'entreprise, ce qui représente un total de 7,5 % du capital d'Altice et près de 14 % de celui jusqu'ici détenu par la holding personnelle de Patrick Drahi. Au cours actuel de l'entreprise (12,9 euros par action), cette vente représenterait un total d'environ un milliard d'euros.

En réaction à cette nouvelle et à celle d'une prise de participation dans le groupe NextRadioTV (RMC, BFM...), les marchés font grise mine : ils viennent de sanctionner l'action d'Altice avec une baisse de près de 10 %. Depuis son introduction sous sa nouvelle forme, le 10 août 2015, Altice a perdu environ 55 % de sa valeur.

Patrick Drahi a sans surprise mandaté la banque Goldman Sachs en lui confiant 61 millions d'actions, à charge pour elle de les placer auprès d'investisseurs crédules. À l'issue de la transaction, Patrick Drahi restera, via Next, le principal actionnaire du groupe avec 61,4 % du capital.

Rappelons que Goldman Sachs s’est enrichie pendant la crise des subprimes en pariant sur la faillite des ménages américains et qu’elle a été l’un des instigateurs de la crise de l’euro en maquillant les comptes de la Grèce, puis en misant contre la monnaie unique. Rappelons aussi que Matthieu Pigasse conseille la Grèce depuis 2010, passant de George Papandreou à Alexis Tsipras sans l'ombre d'un état d'âme.

Dans son ouvrage Éloge de l'anormalité, paru en 2014, Matthieu Pigasse écrivait pourtant : « Dans un grand élan de démagogie, Syriza propose tout simplement de raser gratis : hausse des salaires, baisse de la TVA... Son discours présente des points d'intersection avec l'extrême droite, notamment l'anticapitalisme, le rejet de l'Europe et le populisme.» Parole d'expert.

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