Après “paye ta shnek”, des étudiants lancent “paye ta fac”, un tumblr participatif qui recense les remarques sexistes dans l’enseignement supérieur. Les universités et écoles lyonnaises ne sont pas épargnées.
En 2012, Anaïs Bourdet lançait le tumblr participatif “paye ta shnek”, qui recense les diverses expériences des femmes face au harcèlement sexiste dans l'espace public. On y retrouve des phrases aussi charmantes que : "Je vais te dire un truc : toi t’es pas une chienne comme les autres."
Depuis, de nombreuses initiatives se basant sur le même concept ont émergé : "paye ta robe" dénonce le sexisme ordinaire dans le milieu de la magistrature, "paye ton journal" dans les rédactions, "paye ta blouse" dans le milieu hospitalier...
Récemment, les étudiants du master Stratégies du développement culturel de l'université d'Avignon ont lancé leur propre tumblr : "paye ta fac". Le but est de récolter des témoignages de sexisme ordinaire dans les universités et grandes écoles françaises.
L’enseignement supérieur lyonnais n’est pas en reste
Le sexisme n'a pas épargné les universités lyonnaises. "Les lobbies sont les objets de beaucoup de fantasmes. Bon, après c'est vrai que le lobby des infirmières fait carrément plus fantasmer que les autres", se permet un professeur de droit à Lyon 2, "qui a visiblement trouvé sa remarque très drôle". Autre anecdote, un professeur de basket refuse que les filles soient cheffes d'équipe : "Ah non, je veux pas de filles cheffes d'équipe. Après je vous connais, vous choisissez vos copines pour discuter et les équipes ne sont pas équilibrées."
Les enseignantes aussi y ont droit. "Non, mais c'est toujours pareil, quand c'est des nanas qui donnent les cours, soit elle se font pas respecter, soit c'est des harpies", s'est entendu dire une professeure lyonnaise alors qu'elle évoquait des difficultés avec ses étudiants.
Le milieu universitaire n’est pas épargné par le sexisme
Pour Muriel Salle, maîtresse de conférences en histoire "Genre et médecine" à l'université Claude-Bernard Lyon 1, ces initiatives sont primordiales pour "sensibiliser le public non militant" et "montrer aux victimes qu'elles ne sont pas seules".
"La redondance des témoignages permet de se dire que ce n'est pas normal, ensuite quand on s'y retrouve nous-mêmes confrontées, on se sent plus légitimes pour le refuser et le combattre", explique Diane, étudiante du master Egales à Lyon 2. Un membre de l'association féministe Egal'in partage ce point de vue : "Rendre visible, c'est vraiment le début, on ne peut pas combattre quelque chose d'invisible ou dont les gens refusent de reconnaître la véracité."
"Ça paraît surprenant dans ces espaces-là, développe encore Muriel Salle. On est avec des gens éduqués. Puis on découvre que le sexisme n'est pas qu'un truc de jeunes issus de l'immigration vivant en banlieue." Diane partage cette analyse : "La collecte de témoignages met en exergue les comportements sexistes de personnes établies comme "respectables" du fait de leur position sociale et universitaire."
“Paye ta fac” a ainsi fissuré l'illusion d'égalité qui régnait jusque-là dans l'enseignement supérieur. "On a l'impression que ce n'est même pas un sujet, bien sûr, tout le monde est pour l'égalité femme-homme ! explique la maîtresse de conférences à Lyon 1. Mais ces différentes anecdotes mettent à jour tout un système de domination." Une manière, d'après cette historienne, de réinventer un slogan des années 1970 : “Le privé est politique.”
Efficace, la pression étudiante ?
Dans les universités et écoles lyonnaises, des associations féministes étaient déjà mobilisées. "On avait la démarche de récolter les citations depuis deux ans facilement", raconte Lili, membre du collectif Pamplemousse de Sciences Po Lyon. Une mobilisation étudiante qui a payé puisqu'un professeur de droit a été convoqué pour ses remarques. Hugo, en 5e année à l'IEP, affirme que son comportement inapproprié a par la suite cessé, même s'il a nié ses propos devant le directeur de l'école.
À l'ENS, les Salopettes sont en discussion avec la direction pour instaurer un mécanisme qui permettrait de faire remonter les problèmes de manière systématique. "Cela pourrait prendre la forme d'un formulaire à envoyer, explique Anne, membre de l'association. Mais les élus peuvent aussi servir de relais. La hiérarchie est très marquée à l'ENS et certain-e-s peuvent avoir peur de parler directement à la direction."
"Je crois beaucoup à l'efficacité d'une pression étudiante, confie Muriel Salle. Les institutions ne feront rien s'il n'y a pas de vraie demande citoyenne." Pourtant, les administrations doivent aussi prendre le problème à bras le corps.
Un problème pris au sérieux par les administrations
La loi oblige désormais les universités à se doter d'un référent en charge de l'égalité, mais les applications sont très diverses. Lyon 3 s'est doté d'une chargée de mission à l'égalité. À l'ENS, deux enseignantes-chercheuses font office de référentes, Anne regrette cependant qu'elles ne soient "pas assez visibles". "La présidence a l'air prête à bouger s'il y a des preuves, même si on constate quelques réticences pour des choses considérées comme moins graves", explique-t-elle encore.
Le collectif féministe de Sciences Po Lyon salue également l'écoute de la direction de l'établissement. Renaud Payre, entré en fonction en 2016, entend se saisir du problème. "Je me suis dit qu'il fallait qu'on construise quelque chose ensemble, explique-t-il. Nous voulons lancer une véritable campagne de prévention avec l'aide du collectif." Une “charte d'égalité” pourrait également être instaurée à la rentrée prochaine, que tous les étudiants et enseignants devraient signer. "On n'a pas d'autre choix que d'être extrêmement ferme face à ces questions", assure le directeur. Des sanctions sévères sont à craindre, à la fois pour les élèves et les professeurs qui outrepasseraient les règles.
À Lyon 2 aussi, les choses avancent. En avril 2016, Nathalie Dompnier est devenue la première femme présidente de l'université. "Il semble qu’elle avait dans son programme à cœur les questions liées à l’égalité femmes-hommes", raconte Diane. Yannick Chevalier, spécialiste des questions de genre, a été nommé vice-président en charge de l'égalité et de la vie citoyenne. Sa nomination signifie déjà beaucoup et M. Chevalier a de nombreux projets. "Nous allons mettre en place une cellule de veille et de lutte contre les discriminations, les 21 prévues par la loi, et l'inscrire dans les nouveaux statuts de l'université pour garantir sa pérennité." Une grande enquête est en cours sur les écarts de salaire et des "protocoles rédactionnels non discriminants" ont également été instaurés. Plus question à Lyon 2 de parler des "étudiants" quand 68 % d'entre eux sont en réalité des étudiantes, conclut Yannick Chevalier.
C'est scandaleux !
C'est triste, comme les mentalités n''evoluent point ! Une chose qui parait anodine mais qui y contribue, c'est la mode. Qui, pour mieux vendre, 'sexifie'.la femme, en general, alors que son collègue homme reste plus habillé, ou plus sobre, comme s'il était plus posé alors que non, il ne l'est pas plus que la femme.. Quand une femme dévoile plus ou moins, parmi les gens en face, il y en a qui focalisent davantage leur attention sur son physique que sur ses dires. Ainsi, que retiennent-ils de ce qu'elle a dit ? Mais il n'ya pas que ça. ll y a encore des mentalités coriaces malgré les grands changements.