L'éditorial du rédacteur en chef de Lyon capitale.
Début novembre, le maire de Lyon allait à la rencontre de deux cents habitants du 3e arrondissement pour “rendre des comptes aux Lyonnais et aux Lyonnaises après trois ans de mandat”. “Mon objectif, c’est vraiment d’être à l’écoute. La démocratie, c’est une respiration, c’est un aller-retour entre les habitants et le politique, a harangué Grégory Doucet. C’est un exercice de transparence mais ce n’est pas non plus le moment où on va tout remettre à plat.”
Le 4 juillet 2020, dans son discours d’intronisation, le successeur vert d’un Gérard Collomb poivre et sel tournait la page et ouvrait un “nouveau chapitre”. Quel est-il au juste ? Celui du “changement d’échelle”, grâce à une approche écologique. Du miel, des fleurs et des biclous, bisqueront les mauvaises langues. Peace and Vélo’v.
L’attente était forte. La société était dans une fichue mauvaise passe. D’aucuns escomptaient un sursaut collectif. Avec, en mémoire, le fameux côte à côte qui rompait sous les coups de rasoir d’un inquiétant face-à-face. Beaucoup ont été déçus.
“Les rapports entre les gens sont très durs, les gens ne veulent plus vivre ensemble”, déplorait Gérard Collomb, alors place Beauvau, en lisant chaque matin les notes de police qui reflétaient une situation très pessimiste.
Le recours répétitif au “vivre-ensemble”, sorte de mantra des discours officiels et médiatiques sonne “comme une imprécation visant à conjurer le mauvais sort et à masquer le processus d’archipélisation à l’œuvre au sein de la société” (Jérôme Fourquet, analyste politique, dans nos colonnes).
Funérailles de Johnny, hommage au colonel Arnaud Beltrame, victoire des Bleus, chaque occasion est bonne pour tenter de ressouder la communauté nationale.
Le récit commun est mort. Alors, à défaut de trouver une trame fédératrice (et des occasions), on utilise, à l’envi, une sémantique rassembleuse : ateliers participatifs, outils collaboratifs, concertations, zones de rencontre… Au clair de la lune, prête-moi ta plume.
Mais quel récit commun au juste pour Lyon ? À la question posée par un journaliste de Lyon Capitale à Grégory Doucet, lors des comptes rendus aux Lyonnais à mi-mandat, la réponse a fusé : la rive droite du Rhône, le grand projet des trois prochaines années “qui va transformer la ville”.
Un peu court comme vision collective pour les 522 300 Lyonnais qui se sentent de moins en moins liés au reste de la collectivité par un destin commun. Et autant de récits différents pour lesquels il faut une trame d’ensemble pour faire société.
“[…] le récit est le moyen par lequel un peuple prend conscience de lui-même et s’inscrit dans le temps long. C’est ce qu’on peut appeler une ‘identité narrative nationale’, qui aurait tout à fait à voir avec l’art du roman quand celui-ci est un chef-d’œuvre : il y faut du style et du savoir, de la poésie et de la réflexion, de l’émotion et une bonne dose d’esprit critique. […] Par où l’on retrouve enfin une forme d’unité pour le peuple car rien ne rassemble autant que de raconter ou d’écouter des histoires”, écrit le philosophe Pierre-Henri Tavoillot.
Mais quelle histoire voulons-nous raconter à Lyon ? Notre perception du monde est façonnée par le récit commun qu’on nous donne à voir et à entendre. Chacun peut voir son histoire nationale, encore faut-il permettre à chacun d’acquérir la conviction d’avoir un projet plus grand que soi. C’est l’exemple de Jean Moulin, dont une exposition inédite s’ouvre au Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation de Lyon. Et c’est de la responsabilité de nos élus.
Ce “changement d’échelle” dont la société a besoin, c’est bel et bien ce récit commun. Les plus jeunes ne savent plus à quoi s’identifier, si ce n’est à la société du spectacle et du supermarché.
Le corps politique semble, quant à lui, recroquevillé sur des logiques électorales, incapable de proposer ce nouveau récit commun, ce nouvel imaginaire réussissant à embarquer tout le monde.
“Tel est le défi que le politique doit relever pour mériter son nom : le peuple ne vaut que par le récit qui le fait exister.” Et le psychanalyste Roland Gori d’interroger : “Un récit par lequel un peuple se donne une ‘identité narrative nationale’ est-il encore possible aujourd’hui où la globalisation et la fragmentation des cultures déstabilisent les frontières des appartenances ?”
Un éditorial de la novlangue !
Clémenceau, qui fonda un journal radical ("La Justice", je crois) engueulait un de ses rédacteurs en ces termes :
"Ecrire une phrase, ce n'est pas compliqué, quand même : un sujet, un verbe, un complément."
Puis il rajouta : "Quand vous aurez besoin d'un attribut, vous viendrez me trouver !"
Mais cette union, cette harmonie de pensée que vous évoquez comme à regret, Mr Lamy, a t'elle jamais existé ?
Pas trop si j'en crois l’œuvre de René Goscinny et Albert Uderzo (sauf peut être à la dernière page)
a quand le passage d'un permis de conduire pour les velos et des plaques d'immatriculations pour pouvoirles verbaliser
“Mon objectif, c’est vraiment d’être à l’écoute" Doucet Pour Hollande c'était "Mon ennemi, c'est le grand capital". On connait la suite !