Assemblée nationale

Pédophilie : une proposition de loi contre la prescription

L’affaire Barbarin réactive le débat relatif à la prescription pénale des crimes pédophiles et leur dénonciation par les personnes en ayant connaissance. Les associations Enfance et Partage et La Parole Libérée proposent une modification de la législation.

Passé trois années, une personne n'ayant pas dénoncé des actes pédophiles dont elle a eu connaissance ne peut plus être inquiétée. Un délai de prescription parfois jugé restreint et récemment mis en lumière dans le cadre de l'affaire Barbarin, qui secoue le diocèse de Lyon depuis plusieurs semaines. L'association de victimes du père Bernard Preynat, La Parole Libérée, s'est engagée dans un combat contre la prescription des actes pédophiles et de leur dénonciation. De son côté, Enfance et Partage, association reconnue d'utilité publique, avait proposé la modification de ces délais en 2013. Ensemble, les deux organisations réactivent aujourd'hui cette proposition.

"Le poids et les ravages du silence ne sont plus à démontrer", écrivent les deux associations dans un communiqué commun. Aussi est-il, à leur avis, "temps de changer la loi". Elles mettent en avant le long processus que doivent suivre les victimes pour en venir à exprimer un passé douloureux puis le transcrire en procédure judiciaire. Mais surtout, elles déplorent, à l'instar de l'avocate Me Agathe Morel, le décalage entre la prescription de l'infraction et celui de la non-dénonciation. Aujourd'hui, une victime d'agression sexuelle quand elle est mineure a vingt ans à compter de sa majorité pour porter plainte contre l'auteur des faits, mais seulement trois pour se pourvoir contre celui qui en a eu connaissance sans rien dire.

Premiers amendements

"Nous demandons l'alignement du délai de l'infraction sur celui de la non-dénonciation", explique l'avocate à Lyon Capitale. Elle précise que cette requête ne concerne pas seulement les crimes ou délits de nature sexuelle. Mais ainsi, pour le crime d'agression sexuelle sur mineur, la personne qui n'a pas dénoncé les faits dont elle a eu connaissance pourrait être inquiétée jusqu'à vingt ans après la majorité de la victime.

De quoi aussi "permettre qu'il y ait beaucoup moins de victimes", selon la porte-parole de l'association Enfance et Partage, Christine Ruel, pour qui cette mesure permettrait d'inciter à la dénonciation des pédophiles. D'un point de vue législatif, la proposition de loi portant sur la réforme de la prescription en matière pénale a été enregistrée par la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mars 2016. Certains amendements ont été adoptés lors de la séance du 10 mars.

Imprescriptibilité

L'association La Parole Libérée va plus loin, évoquant "la nécessité de l'imprescriptibilité" sur les faits de pédophilie. Un combat a priori difficile puisque, pour l'heure, l'absence de prescription s'applique uniquement aux crimes contre l'humanité, comme le rappelait Colette Capdevielle, députée PS des Pyrénées-Atlantiques, devant l'Assemblée nationale le 2 décembre 2014.

 

Une pétition a été mise en ligne par Séverine Mayer et l'association La Parole Libérée. Adressée au ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, elle dénonce ce délai de prescription. "Nous ne pouvons plus tolérer que des faits d’une gravité insupportable ayant des conséquences sur la vie entière des victimes puissent être prescrits et que donc, les coupables puissent ne jamais avoir à répondre de leurs actes", estime l'auteure de la pétition. Et d'ajouter : "On ne peut pas décider quand une victime est prête à parler."

"On doit vivre à perpétuité avec ce qu'on nous a fait, pourquoi alors devrait-il exister un délai à respecter pour porter plainte ?" argue encore Séverine Mayer.

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