On pensait que l'affaire PermiGo s'était bien terminée. Le repreneur Arcan, qui s'était engagé à reprendre la formation des anciens clients devant le tribunal de commerce de Lyon, souhaitait relancer l'activité de cette auto-école nouvelle génération. Pourtant, début 2018, d’anciens clients PermiGo 1 doivent repasser à la caisse pour rester chez PermiGo 2.
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Enseigne PermiGo à Lyon
À l'origine, le Lyonnais PermiGo voulait révolutionner le monde des auto-écoles et les faire entrer dans l'ère de l'ubérisation. Avec un prix plancher de 699 euros et une formation théorique jouant la carte de l'autonomie du client, PermiGo se parait de belles promesses. Mais certains ont vite déchanté. Début 2017, l'entreprise ne parvient pas à trouver un modèle économique. Elle est placée en redressement judiciaire jusqu'à l'arrivée du groupe Arcan, qui s’engage à reprendre les élèves du permis voiture uniquement (les candidats permis moto non repris sont alors invités à se tourner vers le liquidateur). En septembre, portant de nouvelles promesses, les repreneurs, en les personnes de Ronan Le Boulaire et Cassandra Valmorin, viennent présenter PermiGo 2 à Lyon. Devant la presse, ils assurent que les anciens élèves "bénéficieront de la formation déjà payée », ne cachant pas leur volonté de faire « un travail de reconquête des clients". PermiGo 2 en profite pour annoncer un forfait heures de conduite illimité à 1 690 euros, destiné aux nouveaux élèves.
"Nous n'avons plus la possibilité de continuer de délivrer ces heures gratuitement"
Début janvier, c'est la gueule de bois pour les anciens clients. Plusieurs d'entre eux ont reçu un mail au message explicite : "Depuis 7 mois maintenant, PermiGo 2 permet aux anciens élèves PermiGo 1 de poursuivre leur formation. Cependant, nous n'avons plus la possibilité de continuer de délivrer ces heures gratuitement. Nous vous proposons donc la chose suivante : Nous vous demandons de souscrire à un nouveau forfait PermiGo 2 […] En échange, nous nous engageons à vous délivrer vos heures achetées, y compris sous PermiGo 1 […] En souscrivant à une nouvelle offre PermiGo 2, vous devenez nos élèves à part entière et faites partie de la liste d'élèves pouvant être remboursés en cas de défaillance de notre société". Le mail ne laisse qu'une seule alternative : "si vous ne souhaitez pas accepter ces conditions, nous vous invitons à récupérer votre dossier en agence. Une fois votre dossier retiré, l'engagement moral que nous avions pris pour vous délivrer des heures devient caduc." En outre, le mail précise que l'acceptation des nouvelles conditions permettra de bénéficier d'une "garantie financière d'un million d’euros", cette somme débloquée en cas de dépôt de bilan est néanmoins à relativiser dans un secteur où le coût du permis peut avoisiner les 1 000 euros. Par ailleurs, les clients n'ont plus accès à leur espace en ligne, un message leur demandant "de se présenter en agence". Là, on leur propose un nouveau contrat, qu'a pu consulter Lyon Capitale. Ce contrat stipule que les heures de conduite seront décomptées dans l'ordre suivant : "heures PermiGo 2, puis heures PermiGo 1".
La question des assurances
Contacté par Lyon Capitale, Ronan Le Boulaire, le président d’Arcan (repreneur de PermiGo), tente de clarifier la situation : "En France, il faut en moyenne 35 heures de conduite pour avoir son permis. Les forfaits initiaux ne peuvent suffire. On propose aux gens de prendre des heures supplémentaires et de signer un contrat." Pour le dirigeant, plusieurs faits entraînent cette situation : "Selon nos avocats, on n’avait pas contractualisé avec les anciens clients. S’il y a un accident, ça peut poser problème pour des raisons d'assurance. En même temps, les clients auraient pris ces heures en plus un jour ou un autre." Ainsi, selon Ronan Le Boulaire, le volume de ces heures supplémentaires se décide au cas par cas : "Ça va dépendre de chaque client. Si une personne avait une évaluation à 25 heures et qu'elle avait payé 25 heures, elle n'aura pas à repayer, mais elle doit signer le nouveau contrat. Si une personne a payé 20 heures et que l'évaluation estimait qu'il en fallait 30, elle peut payer 10 heures." Le chef d'entreprise ajoute : "On a donné des consignes aux moniteurs, on leur a dit qu’il fallait rester dans le cadre pédagogique pour le volume d'heures. On demande aux clients de passer en agence pour éviter les problèmes d'incompréhension, ça évite de raconter n'importe quoi sur les réseaux sociaux, je préfère discuter en direct." Or, selon plusieurs témoignages recueillis auprès des clients repris, les choses semblent moins simples. D’après eux, ce sont des forfaits entre 10 et 20 heures qui sont présentés aux anciens clients, pour de nouvelles factures entre 200 et 700 euros, sans qu'il y ait toujours adéquation entre le nombre d'heures prévues à l’origine et celles proposées désormais.
Un groupe sur Facebook
Dans les faits, l'incompréhension sur ces nouveaux forfaits demeure et les témoignages négatifs prennent de l'ampleur. Sur les 5 500 anciens clients en septembre, il en reste encore aujourd'hui 4 000 en attente de finir leur formation, qui doivent signer ce nouveau contrat. C’est le cas de Juliet, en formation d’éducatrice spécialisée à Lyon et administratrice de la page Facebook "Victimes du redressement de PermiGo", qui regroupe plus de 300 élèves en difficulté face à l'entreprise. Lors de son évaluation pédagogique sur un logiciel de PermiGo à Lyon, 35 heures de conduite ont été préconisées à la jeune femme. Elle a donc opté, en décembre 2016, pour un forfait 30 heures avec préparation et examen du Code de la route, pour un total de 1 100 euros. Elle n’a effectué que 4 heures de conduite avec PermiGo 1. Le repreneur lui demande aujourd’hui d’en repayer 20, soit 700€. "Les employés de l’agence PermiGo à Lyon m’ont expliqué que PermiGo 2 avait besoin d’une rentrée d’argent, puisqu’ils n’avaient jamais rien perçu de la part de PermiGo 1. Les élèves doivent tous payer entre 10 et 20 heures de conduite, selon la formule qu’ils ont choisie", confie Juliet. "C’est inadmissible que l’on me demande de payer 50 heures de conduite et un total de près de 2 000 euros. On est beaucoup dans ce cas, c’est pour ça que l’on se mobilise sur le groupe Facebook. On souhaite faire passer un message aux élèves pour ne pas qu’ils donnent à nouveau de l’argent à PermiGo", ajoute-t-elle. Pour Mélissa, étudiante en troisième année de médecine à Lyon, c’est le même combat. Elle dit faire partie des "anciens élèves de PermiGo", et être inscrite depuis avril 2017, quelques jours avant le redressement judiciaire de la start-up lyonnaise. "Sur le site Internet, il était indiqué que je pouvais payer mon forfait en plusieurs fois. Mais, quand je me suis rendue à l’agence de Lyon, les employés m’ont assuré que le paiement en plusieurs échéances était impossible. J’ai donc payé 799 euros d’un coup pour 20 heures de conduite. Je n’en ai effectué que deux", explique l’étudiante. Le 9 janvier, elle reçoit un mail pour se rendre en agence, prendre connaissance des "nouvelles conditions" de l’auto-école. "Il y avait presque une bagarre générale quand je suis arrivée", décrit la jeune femme. "On m’a expliqué qu’il fallait que je paye 499 euros en plus des 799 euros que j’avais déjà payé pour débloquer les 17 heures de conduite restantes. Les employés m’ont dit que la direction avait changé de discours et qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi. Ils m’ont expliqué que pour le nouveau PermiGo, je n’avais rien payé puisque j’avais réglé mes heures de conduite au PermiGo d’avant le redressement judiciaire." Melissa compte porter plainte contre l’auto-école en ligne : "Je ne comprends pas qu’ils s’engagent à reprendre les élèves puis qu’ils réclament de l’argent. Je veux porter plainte contre PermiGo parce qu’ils ont menti".
"Juridiquement, on est inattaquable"
Selon plusieurs sources, PermiGo 2 utiliserait aujourd'hui cette méthode pour "faire entrer des revenus", mais aussi "éviter de voir certains clients terminer les heures payées sous PermiGo 1 qui ne dégagent aucun revenu pour l'entreprise, puis les voir partir dans des auto-écoles concurrentes pour finir leur formation". Face aux menaces de plainte brandies par certains clients, Ronan Le Boulaire tempère : "Juridiquement, on n’est pas attaquable. On s'est bien gardé de reprendre les anciens contrats, c'est pour ça qu'on demande d’en signer un nouveau." Dans le jugement du tribunal de commerce de mai 2017, il est précisé que "les contrats de formation au permis de conduire auto ne seront pas repris, mais le service de prestations correspondantes aux acomptes qui ont été versés par les clients avant l'ouverture du redressement judiciaire de PermiGo est assuré. Mais abstraction faite de tout assujettissement juridique aux contrats qui ont pu être précédemment signés entre PermiGo et ses clients". Si futur conflit devant une juridiction il y a, l'interprétation de ces lignes devrait être au cœur des échanges. À la barre du tribunal de commerce, la volonté d'Arcan de reprendre l'ancienne clientèle a probablement été déterminante quand d'autres entreprises n'avaient pas souhaité faire un tel effort. Aujourd'hui, Ronan Le Boulaire croit au bouche-à-oreille pour la suite du développement : "Il faut que ça se passe bien et que les gens soient tellement heureux qu'ils nous envoient leur ami, leur famille". Pour l'instant, ce même bouche-à-oreille est surtout négatif et les prochaines semaines seront décisives. Toute recherche de "PermiGo" sur Internet mène vers un lot de commentaires et de mises en garde qui pourraient décourager les nouveaux clients.
mise à jour du 18/01/18 à 10h30 : ajout de la vidéo des repreneurs rappelant les promesses faites lors de la reprise
En clair, Permigo 2 demande simplement à ses élèves de prendre leur surplus d'heures restantes chez eux