Philae
La surface de la comète "Tchouri" ©ESA

Philae : “le forage sera très délicat à réaliser”

INTERVIEW – Gilles Dromart, géologue à l’ENS Lyon, est l’un des rares Français à avoir participé à l’élaboration du robot Curiosity, qui s’est envolé pour étudier Mars, à 570 millions de kilomètres d’ici. Il nous parle de Philae, posé sur un “sol très chaotique et rugueux”. Pour lui, “au premier tour du carottier, c’est la sonde qui va se soulever”...

Lyon Capitale : Apparemment, Philae a atterri au bon endroit...

Gilles Dromart : Oui, mais Stephan Ulamec, responsable de l'atterrisseur Philae, a déclaré qu'"apparemment les harpons n'ont pas fonctionné, de sorte que Philae n'est pas ancré au sol". Les fluctuations dans les signaux radio, explique-t-il, "suggèrent soit que Philae a atterri dans un sol meuble, soit qu'il a doucement rebondi sur la surface avant de se reposer une seconde fois".

Pourquoi le petit robot a-t-il rebondi ?

Parce que les forces de gravité sont très faibles (le corps de la comète est de petite taille, 2x5 km) et que ce même corps a une très faible densité de l'ordre de 0,4-0,5 contre par exemple 5,5 pour la Terre. Ce corps est certainement, et pour l'essentiel, constitué de glace poreuse (la densité de la glace est de 0,9). La gravité sur la comète doit être de plusieurs dizaines de milliers de fois moindre qu'à la surface de la Terre.

A-t-on une idée du terrain sur lequel a “atterri” le robot ?

Oui, grâce aux premières photographies. Il s'agit d'un “sol” très chaotique et rugueux constitué, selon moi, d'une espèce de “brèche” mal consolidée.

Pas du tout le même sol que celui sur lequel se promène le robot Curiosity auquel vous avez participé ?

Sur Mars, il s'agit de terrains similaires aux terrains terrestres (véritables roches silicatées). Le sol de la comète, quant à lui, est constitué d'un agglomérat de poussières, de glaces d'eau et de dioxyde de carbone : une sorte de “neige sale”.

Philae ne pourra peut-être jamais forer le sol... C’est donc l'impuissance d'en savoir plus sur la géologie, les sols et les molécules organiques, précurseurs, dont l’eau liquide, qui ont constitué un océan primitif à la surface de la Terre ?

Si Philae n'est pas correctement arrimé, le forage sera très délicat à réaliser car, au premier contact et au premier tour du carottier, c'est la sonde qui va se soulever...

Effectivement, une comète est un corps fossile de la constitution du système solaire et contient des molécules hydrocarbonées dont on voulait analyser par exemple la chiralité (asymétrie) qui est typique des processus biologiques. L'intérêt d'analyser les molécules carbonées in situ sur la comète – par rapport à celles contenues dans les météorites indifférenciées qui arrivent sur Terre – est qu'il n'y a pas, à la surface de la comète, d'altération de ces molécules par choc d'impact, ou encore d'altération thermique par les composés alumino-silicatés, et pas de contamination par l'atmosphère terrestre !

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