Comment aider les jeunes à se motiver pour une discipline qui leur est souvent inconnue avant le bac ? Quelles clés leur donner pour les aider, en l’espace de quelques mois seulement, à s’approprier avec plaisir et sans douleur les principes du raisonnement philosophique ?
Appréhension, curiosité, angoisse… la philosophie déclenche chez les jeunes toutes sortes de sentiments contradictoires. En effet, l’enjeu est de taille : elle fait partie des rares épreuves écrites du bac, et le niveau de l’élève dans la matière peut faire la différence entre plusieurs dossiers, que ce soit dans le cadre de la sélection Parcoursup ou en dehors.
“Les appréciations du professeur de philosophie permettent aux écoles de savoir si l’élève a des capacités particulières dans la construction de sa pensée, la justification de ses propos, sa capacité à argumenter et rédiger… Autant de qualités recherchées aussi bien pour les études supérieures, que plus tard dans le monde du travail”, confirme Clémence Tournigand, professeure de philosophie dans un lycée lyonnais en filières générale et technologique.
La dissertation : creuser la dimension paradoxale d’un sujet
Pour cette épreuve écrite de quatre heures, les élèves ont le choix entre deux dissertations et une explication de texte. La dissertation consiste à réfléchir à une question soulevant un problème. Elle invite l’élève à développer sa réflexion, à argumenter, à aller mobiliser ses connaissances philosophiques, mais aussi sa propre culture générale. Si cet exercice effraie certains jeunes, ils doivent dépasser leurs a priori et ne pas hésiter à le choisir, car il permet une vraie créativité.
Qu’ils se rassurent : ils ne sont pas lâchés sans filet. “Chaque dissertation porte au moins sur l’une des notions vues au programme comme l’art, le bonheur, la conscience, la raison, l’État, la vérité…, rappelle Clémence Tournigand. Ils pourront ainsi mettre leur pensée en perspective avec leurs connaissances. Cette question dialectique invite l’élève au dialogue, un peu comme s’il se mettait à la place de deux interlocuteurs qui soutiennent des idées différentes sur le sujet, en les argumentant. Dans un premier temps, l’élève propose une réponse, qui correspond généralement à l’opinion commune, puis il présente des points de vue contradictoires, pour enfin identifier des solutions qui permettent de dépasser cette opposition binaire. Ses propos seront étayés par des éléments de cours et des exemples extraits de sa culture générale, ses connaissances dans les autres disciplines étant un vivier intéressant. L’objectif de cette épreuve est de montrer qu’il y a une dimension paradoxale dans le sujet proposé, et que l’on peut admettre différents points de vue, tant que ceux-ci sont solidement justifiés. Un des intérêts de cet exercice est de ne pas être assis sur des idées préconçues, de ne jamais rien tenir pour vrai.”
“Quand on parle aux élèves des concepts fondamentaux comme le bonheur, le travail, la liberté… cela va résonner dans leur existence personnelle”
L’explication de texte : analyser la pensée de l’auteur
Plébiscité par les élèves, puisque présentant un support de réflexion, l’autre exercice consiste à faire l’analyse d’un texte dont l’auteur peut ne pas avoir été étudié en classe. Le jeune doit alors être capable de déceler la pensée de l’auteur, sans qu’elle ne soit exprimée de manière explicite dans le texte.
La professeure explique : “Je conseille à l’élève de faire trois lectures différentes pour bien structurer son analyse avant de rédiger. Dans un premier temps, il identifie le thème abordé dans le texte, et la thèse que défend l’auteur par rapport à ce thème. Il sait alors à quel chapitre de son cours il peut se référer. Ensuite, il doit relever les concepts et mots-clés utilisés – car ils ne sont pas employés par hasard – et les définir. Enfin, il observe comment la pensée de l’auteur progresse tout au long du texte, éventuellement le type de raisonnement qu’il utilise et sa conclusion. Pour cela, il repère les connecteurs logiques, les exemples donnés, les grands moments du raisonnement de l’auteur… Même si le sujet peut sembler rassurant car le texte cadre le travail, c’est un exercice assez complexe avec un risque : celui de paraphraser l’auteur sans analyser son raisonnement, autrement dit de reformuler sans approfondir son analyse.”
“L’écoute en classe est la clé de la réussite en philosophie. C’est là que l’élève s’exerce à saisir la logique d’un raisonnement philosophique”
Creuser au-delà des évidences,
Pour se motiver à travailler une matière, il faut déjà en percevoir l’utilité. Or, la philosophie permet aux jeunes de développer bon nombre de compétences, qui leur seront utiles aussi bien dans un cadre scolaire que dans leur vie quotidienne.
“La philosophie aide l’élève à développer sa capacité à raisonner, à argumenter, de même que ses capacités rédactionnelles, souligne Clémence Tournigand. Elle incite à toujours se poser la question du pourquoi, à chercher plus loin, à apprendre aux élèves à se dire : ‘J’ai une idée mais je ne vais pas en rester là.’”
Creuser au-delà des évidences, se questionner en profondeur, construire une réflexion personnelle sont autant de compétences que l’élève peut transposer dans d’autres matières.
“La philosophie m’a aidé à mieux rédiger, ce qui me sert aujourd’hui dans mes études supérieures. Ça m’a appris à mieux organiser mes idées. Le fait aussi de réfléchir avec les idées des autres, d’utiliser les points de vue des philosophes pour argumenter, cela m’a décomplexé et m’a appris à moins me restreindre quand je dois rédiger sur un sujet”, se souvient Martin, 20 ans.
Mais au-delà de l’aspect purement scolaire, la philosophie s’invite dans notre vie quotidienne, lorsqu’on prend des décisions, que l’on fait des projets, quand on échange avec les autres, qu’on se lance dans des discussions existentielles, ou pour le plaisir tout simplement.
“La particularité de cette discipline, c’est qu’on se l’approprie dans son individualité, ajoute la professeure. Quand on parle aux élèves des concepts fondamentaux comme le bonheur, le travail, la liberté… cela va résonner dans leur existence personnelle, et ils auront chacun un ressenti différent. Ils pourront découvrir un auteur qui donne du sens à ce qu’ils pensent, à leurs expériences, et qui leur permettra de trouver des clés de compréhension pour leur vie. La philosophie peut leur montrer qu’ils ont le pouvoir de changer les choses et leur donner confiance en l’avenir.”
“J’étais curieuse de découvrir la philosophie mais je ne savais pas trop à quoi m’attendre, je pensais que ce serait une matière très abstraite, explique Capucine, actuellement en terminale. En fait, nos cours sont vivants et concrets, on peut facilement faire le lien avec notre vie de tous les jours. Ça me fait réfléchir sur certains sujets qui m’intéressent et me concernent, comme par exemple notre liberté dans la société, le regard des autres…”
Comprendre et s’entraîner
Pour bien travailler la philosophie, il est nécessaire de maîtriser les dix-sept notions au programme (en terminale générale), pourquoi pas en faisant des fiches. La méthodologie doit être comprise et les raisonnements des auteurs revus.
En effet, l’élève doit être en mesure de restituer la pensée des philosophes pour justifier ses propos. Pour Clémence Tournigand, il est indispensable d’être attentif en cours : “L’écoute en classe est la clé de la réussite en philosophie. C’est là que l’élève s’exerce à saisir la logique d’un raisonnement philosophique, à argumenter, à faire preuve d’esprit critique et à ancrer une pensée théorique dans une forme de réalité. Aussi, avant d’apprendre son cours par cœur, il doit le comprendre. Il peut également s’entraîner à analyser un sujet, à problématiser ou à rédiger régulièrement un paragraphe et le soumettre à son professeur. C’est un bon moyen pour se familiariser avec le fait de transposer ses pensées à l’écrit, ce qui peut créer des angoisses chez certains, surtout dans le cadre d’une épreuve de quatre heures. Par ailleurs, les jeunes ne doivent pas hésiter à étoffer leur culture générale.”
Expositions, spectacles, littérature, cinéma… Tout est bon à prendre pour fournir des exemples concrets qui rendront une copie vivante, donneront du poids à la pensée et ainsi ajouter de la valeur à la réflexion.
Et si les parents ont des enfants plus petits, qu’ils n’hésitent pas à semer quelques graines, afin de les familiariser avec le raisonnement philosophique.
La professeure explique : “Les petits ont naturellement en eux cette faculté de questionnement. Ils ont un besoin de comprendre le monde qui les entoure, vont chercher des réponses dans leur existence et montrent une capacité étonnante à penser. Ils peuvent aussi apprendre par la même occasion les règles d’un débat d’idées, où l’on doit d’abord écouter le point de vue de l’autre et exposer sereinement le sien.”
Les parents qui souhaitent entretenir cette capacité à se questionner pourront surfer là-dessus. De beaux moments d’échange et de dialogue en perspective.
Quelques ressources :
• Chaînes YouTube : Parle-moi de philo, Monsieur Phi, L’Antisèche
• Bande dessinée La Planète des sages, Jul et Charles Pépin, éditions Dargaud
• Philosopher et méditer avec les enfants, Fréderic Lenoir, éditions Albin Michel
C'est abo qui va être heureux, apprendre à argumenter et questionner le monde, son soucis donner des réponses cohérentes, fondées ?? Et ce n'est pas gagné !!!. mais aussi sa propre culture générale insondable.
Oui, le sujet de la philo est à mettre sur la table, dans le débat public.
Sinon ce sont les sectes qui s'emparent du sujet et profitent du néant scolaire.
Rappelons que des tests ont été faits dans des écoles primaires et même à la maternelle, qui ont été couronnés de succès, mais ça n'a jamais été généralisé.
La raison de cet abandon ? Le fric.
Mettre des cours de philo dans toutes les écoles demande des formations de professeurs, peut-être des créneaux horaires en plus donc, des budgets monétaires en plus,
et cerise sur le gâteau :
apprendre la philosophie nuit au commerce. Car lorsqu'un humain est équilibré, heureux, il n'a pas besoin de consommer pour avoir le sentiment d'exister, pour "obtenir (s'acheter) du bonheur".
Rappelons aussi qu'actuellement, la philo n'est enseignée qu'en dernière année avant le bac (dans le meilleur des cas) et que ces cours dégoûtent plus de la philo qu'ils ne la portent.
Tout est fait pour faire des crétins qui gardent le nez dans le guidon et ne savent même pas pourquoi ils détruisent l'environnement.