Philippe Valentin, Président de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne
Philippe Valentin, Président de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne

Piétonnisation de Lyon : “on joue un peu à l’apprenti sorcier”

S'il n'est pas opposé au projet de zone à trafic limité, le président de la CCI Lyon Métropole, Philipe Valentin, le juge "trop violent".

Le grand projet “Apaisement de la Presqu’île”, premier axe de l’opération globale “Presqu’île à vivre”, qui prévoit en parallèle le réaménagement de la rive droite du Rhône, est en passe de voir le jour. Si les écologistes réfutent le terme de piétonnisation, de peur de se mettre à dos une partie des Lyonnais, ce qui est pourtant aujourd’hui le cas, les contours du projet parlent d’eux-mêmes. D’ici 2025, neuf kilomètres de rues seront réservés aux piétons, soit la plupart des voies de l’hypercentre. Seuls quelques axes traversants resteront accessibles aux voitures comme la rue de la Barre, les voies sur berges Saône et Rhône ou les trémies de Perrache. L’outil de régulation des circulations motorisées prendra la forme d’une zone à trafic limité (ZTL), délimitée par des bornes, et dont l’accès sera contrôlé par vidéosurveillance. Le périmètre de près de 170 hectares s’étendra du bas des pentes de la Croix-Rousse – à la limite de la rue des Capucins – au nord de la place Bellecour.

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Lyon Capitale : La CCI vient d’envoyer un courrier à la Ville et la Métropole de Lyon sur le projet de zone à trafic limité. Quelle est sa position ?

Philippe Valentin : Depuis plus d’un an, une dizaine d’élus de la CCI ont concerté les commerçants de la Presqu’île. Il en est ressorti de nombreuses inquiétudes. Cette mutation est louable, nous ne sommes pas contre, mais elle est trop violente. On a l’impression que c’est à marche forcée, et cela crée inévitablement des crispations. Le projet, dans sa configuration et sa temporalité rapide, notamment au vu du contexte économique complexe, pourrait avoir des conséquences négatives sur l’équilibre économique de la Presqu’île.

Quelles sont celles que vous avez identifiées ?

Il y a d’abord un impact négatif sur l’accessibilité à la Presqu’île. Les fenêtres de tir horaires dont il est question pour entrer ou sortir du centre-ville nous semblent incompatibles avec le contexte économique. Ensuite, le risque est celui d’une modification du tissu commercial, de la typologie des commerces. Cela risque de forcer un peu le commerce digital et de faire les bons jours d’Amazon. C’est tout l’enjeu de l’uniformisation commerciale de la Presqu’île. Les experts disent qu’en dessous de 50 % de commerces indépendants, une ville est en déclin. Aujourd’hui, on doit être autour de 60 %/65 %. L’équilibre est fragile. Quand vous modifiez les flux qui irriguent une économie, il faut donc le faire avec beaucoup de précaution et d’accompagnement. Là, on joue un peu à l’apprenti sorcier.

Les commerçants font souvent état de leur crainte d’une désertification de la Presqu’île. Est-ce justifié ?

Cela peut s’envisager, bien sûr, dans certaines rues secondaires à tout le moins. Cela impacterait alors lourdement l’attractivité de toute la Presqu’île. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés à ce projet mais il y a des incohérences pratico-pratiques, techniques qui méritent d’être entendues par les collectivités. Il nous faut avoir, ensemble, une intelligence de progression, pas de rupture. Tout l’enjeu consiste à concilier ce projet à l’économie locale.

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