En cours jusqu’à fin décembre, le chantier de restauration de la statue équestre de Louis XIV est passé mercredi 26 juillet par sa phase la plus périlleuse, le retrait du Roi-Soleil de son destrier. Une opération qui ne s’est pas déroulée sans accroc, la statue ayant perdu une jambe au passage.
Difficile de séparer ce que deux siècles d’histoire ont scellé dans le bronze. Encore moins lorsqu’il s’agit de faire descendre le Roi-Soleil de son destrier, d’où il observe la place Bellecour depuis 1825, tel l’empereur Marc Aurel dominant la place du Capitole à Rome. À l’instar de la statue romaine dont s’est inspiré le sculpteur François-Frédéric Lemot, rênes à la main Louis XIV chevauche sans selle et étriers, reposant simplement sur son cheval grâce à des boulons, des vis et des rivets fixés sous la peau de bronze à l’abri des regards.
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2 heures pour lever le cavalier de 3 tonnes
Dans le cadre des travaux de restauration de la sculpture débutés le 12 juillet avec la dépose de la statue de son socle de marbre, ce mercredi 26 juillet les équipes de la Fonderie de Coubertin ont procédé au retrait du cavalier, non sans difficulté. Didier Reppelin, l’architecte en chef des monuments historiques, ne croyait sans doute pas si bien dire lorsqu’il nous avait confié le 12 juillet, "un chantier comme ça c’est toujours une aventure".
Ce mercredi matin, sous l’oeil parfois inquiet de l’architecte du patrimoine Lucie Duc-Dodon, pendant près de 2 heures l’équipe de la Fonderie de Coubertin a bataillé pour séparer les deux parties de la sculpture, aidée par une grue pour soulever le cavalier de 3 tonnes. Descendu la semaine dernière à l’intérieur de l'ouvrage de bronze, transformé en "sauna" alors que le mercure dépassait les 35°c à l’ombre, Philippe Pagnon, le chef du chantier, avait pris soin de préparer la statue pour l’opération de levage en défaisant chaque attache, mais tout ne s’est pas passé comme prévu.
Une facture qui s'envole
Chiffré à 750 000 euros dans un premier temps, le coût des travaux avait finalement été doublé au mois de septembre 2022, passant à 1 450 000 euros. En raison de l’envolée du coût des matériaux, mais aussi de découvertes fortuites qui ont fait gonfler la facture
Louis XIV, un roi unijambiste
L’excitation des premières minutes passée, à l’idée de voir le cavalier prendre son envol, on se rend rapidement compte que quelque chose coince lorsque les deux employés de la fonderie s’arment d’un pied-de-biche, d’un burin et d’un marteau. Petit à petit, en faisant levier à l’aide de ces outils le roi consent enfin à lever son postérieur, puis sa jambe gauche, la droite refusant quant à elle de bouger d’un iota. "Ils ont l’habitude du monumental, il n’y aura pas de soucis", souffle avec assurance Lucie Duc-Dodon en observant l’opération accoudée à l’échafaudage.
Dans le même temps, rivée au flanc du cheval, la jambe droite de Louis XIV menace de céder sous la tension exercée par la grue qui tire vers le haut la statue. Décision est alors prise de dévisser la jambe et de la laisser accrocher sur le destrier. On fait alors sauter les vis, la grue exerce une nouvelle traction et soudain dans un grand fracas Louis XIV perd sa jambe droite qui vient s’écraser au sol. Malgré les inquiétudes perceptibles, l’opération se poursuit et c’est un Louis XIV unijambiste qui prend enfin son envol avant d’aller reposer sur une structure en bois, désormais déséquilibré par la perte de sa jambe droite.
"Ça s’est détaché à l’endroit où il fallait. On est surpris, mais tout va bien, le bronze n’est pas abîmé"
Lucie Duc-Dodon, architecte du patrimoine
Tous les regards se reportent alors sur la jambe abandonnée entre les pattes du cheval. "Elle est en bon état. C’est l’essentiel", lâche soulagée Lucie Duc-Dodon. "Ça s’est détaché à l’endroit où il fallait. On est surpris, mais tout va bien, le bronze n’est pas abîmé", ajoute l’architecte restée de marbre malgré les circonstances.
Une structure "plutôt en bon état et saine"
Désormais, place à la consolidation de la sculpture avant sa restauration. "On va d’abord revoir les armatures internes, on verra ensuite les analyses extérieures sur la patine, les défauts du bronze et les reprises effectuées selon les époques. Cela nous permettra de faire une cartographie complète du cheval de Louis XIV pour connaître toute sa vie", explique Didier Reppelin. D’après, Philippe Pagnon, "le plus gros du travail" qui devrait être effectué fin août, consistera à "vérifier les fissures qu’il y a en bas des jambes, afin de voir dans quel état est l’armature à cet endroit". Car si, globalement, la structure intérieure est "plutôt en bon état et saine par rapport à ce que l’on pensait", précise le chaudronnier d’art Cyril Martinez, la corrosion du métal qui maintient la sculpture en place a fissuré par endroit les pattes du cheval.
Une réparation in situ
Tout au long des travaux, les Lyonnais et les touristes pourront assister au chantier de rénovation grâce à des fenêtres qui seront percées prochainement dans la palissade. En septembre, à l’occasion des journées du patrimoine, des temps d’échanges seront organisés avec les équipes travaillant à la restauration de ce monument emblématique de la ville de Lyon.
Le Roi-Soleil ne pouvant rester unijambiste, au risque d'altérer l'histoire, les artisans devront aussi lui rendre sa jambe avant de le remettre en selle et sur son piédestal pour la prochaine Fête des Lumières.
"rênes à la main Louis XIV chevauche sans selle et étriers" Donc à la romaine !