Étudiante en deuxième année de lettres à Lyon et militante de l’association Youth for Climate, Camille livre le témoignage d’une génération désenchantée par le monde politique et inquiète pour l’avenir de la planète.
Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?
Camille : Dans ma vie de tous les jours, j’ai plutôt l’habitude d’être discrète. Dans ma vie de militante, c’est différent puisque nous essayons de faire passer un message politique fort, même si notre association est apolitique. Mais je ne parle pas forcément de mon engagement à Youth for Climate aux gens que je côtoie au quotidien. Le militantisme tranche avec ma discrétion. Nous avons différentes formes de mobilisation. Nous pouvons faire de la sensibilisation. Les 3 et 4 mars, à l’occasion de la grève mondiale pour le climat, nous nous étions réunis devant le siège du service marketing de Total à Lyon pour dénoncer le greenwashing de cette entreprise. Ils ont un projet de pipeline en Afrique pour lequel ils exproprient des paysans et ils promettent de planter des arbres pour compenser leur impact carbone. Nous nous sommes assis devant leurs bureaux avec des pots de plantes pour dénoncer leur campagne de communication. J’ai bien conscience que nous n’avons pas eu un impact sur le groupe Total, mais nous avons pu sensibiliser les gens qui passaient devant nous sur le comportement de cette entreprise. Nous avons aussi des actions moins tranquilles, plus radicales et plus risquées. Le lendemain, des militants de Youth for Climate et de Dernière Rénovation [une association environnementale qui opère par des actions coups-de-poing comme le blocage du tunnel sous Fourvière, NdlR] ont bloqué le site de production de l’entreprise Béton lyonnais.
Ces actions coup-de-poing divisent, à Lyon, jusque dans les rangs des écologistes. Grégory Doucet, le maire de Lyon, considère qu’il ne s’agit que “d’un peu de gêne” au regard de l’importance du combat mené quand Bruno Bernard, président de la Métropole, trouve que la forme dessert le fond. Pour vous, quel est le champ d’action pertinent pour faire avancer la cause climatique ?
Tous les modes d’action ont leur pertinence. À Youth for Climate, nous tenons au principe de la diversité des tactiques. Les opérations plus calmes permettent de sensibiliser l’opinion publique et d’introduire des gens dans le militantisme. Les actions plus radicales sont importantes dans la mesure où elles ont une portée plus forte médiatiquement et peuvent inverser le rapport de force. La question du mode d’action est perçue différemment selon les générations. Les militants les plus anciens dans nos mouvements étaient plus sur des opérations de sensibilisation. Cette question des modes d’action nous divise. Récemment, de nombreux militants sont partis, car après quelques années, ils ne croient plus à l’impact que peut avoir leur combat. Les nouveaux sont peut-être plus radicaux comme chez Dernière Rénovation. Ils n’ont pas peur de déranger les gens dans leur quotidien. À Youth for Climate, nous sommes plutôt en désaccord avec ce type d’actions. Quand ils bloquent le périphérique, ils dérangent des gens qui veulent juste aller au travail. Nous nous sommes rejoints sur l’action Béton lyonnais car nous visions une entreprise qui continue d’exercer dans la métropole alors qu’elle n’en a plus le droit et qu’elle pollue l’eau des environs.
“Les boomers ne sont pas les seuls à avoir pillé la planète. Notre génération le fait aussi”
Avez-vous l’impression de crier dans le désert ?
Il y a un épuisement des militants qui étaient là depuis le début, une fatigue s’est créée entre ce qu’ils ont fait et les résultats. Certains ont l’impression de crier dans le désert. Ils ont été très actifs lors des grèves pour le climat après l’appel de Greta Thunberg, mais ils n’ont vu aucun changement. Ces grèves, moi, je ne les ai pas faites. Je viens de la campagne et personne ne faisait grève le vendredi après-midi dans mon lycée.
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