La PMA occupe décidément le devant de la scène. Récemment, c'est la Direction générale de la santé (DGS) qui a jeté un pavé dans la marre, suite à une circulaire du ministère de la Justice. Elle rappelle que les gynécologues risquent de lourdes sanctions en informant leurs patientes sur les cliniques étrangères qui pratiquent la procréation médicalement assistée. Problème, en France, il y a au minimum deux ans d'attente pour les femmes stériles.
"Ce rappel à l'ordre est stupide", dénonce Jean-Michel Dreyfus, gynécologue spécialisé en fertilité à Lyon, qui représente le syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France. " On sait bien qu'internet existe, il suffit de taper ' don d'ovocytes ' sur un site de recherche pour trouver 3 000 adresses de cliniques étrangères. Evidemment que nous conseillons ces patientes. Car je sais au moins quels centres sont sérieux et lesquels font du bricolage dans des arrières boutiques. Si nous sommes coupables pour ça, nous devons tous aller en prison. "
Face à ce secret de polichinelle, Najat Vallaud-Belkacem a précisé que la circulaire ciblait en particulier les praticiens qui toucheraient de l'argent de ces cliniques étrangères, en échange de l'envoi de patientes. Le ministère dénonce un démarchage offensif des cliniques étrangères et rappelle que les gynécologues français risquent 75 000 euros d'amende et cinq ans de prison s'ils touchent des rétro-commissions.
" Je pense qu'il y a des gens qui en bénéficient, admet Jean-Michel Dreyfus. Il y a des moutons noirs dans notre profession. Et les médecins qui ont ces pratiques illégales et touchent de l'argent dans ce genre de situations, doivent être découverts et punis. Mais a-t-on le droit de jeter le discrédit sur toute une profession qui, globalement, fait bien son travail ? Pour ma part, je n'ai jamais touché de rétro-commissions. Quand une de mes patientes va subir une fécondation in-vitro en Espagne, je ne suis pas rémunéré, on ne m'envoie pas de chèque. Pourtant, j'ai des contacts avec les cliniques étrangères, ce sont des copains, on se voit dans les congrès. Ils travaillent sérieusement et ne m'ont jamais proposé d'argent."
28 donneuses prélevées en 2012 à Lyon
En France, cette mini-polémique a surtout permis de soulever une autre problématique : le manque de dons d'ovocytes. Les femmes stériles peuvent passer 3 à 4 ans sur une liste d'attente avant d'en bénéficier. Elles sont des milliers de demandeuses, pour seulement quelques centaines de dons chaque année. A Lyon, comme ailleurs, la pénurie est criante : seules 28 donneuses ont été prélevées en 2012.
Rien d'étonnant, au regard de la lourdeur du processus. Une donneuse doit être suivie psychologiquement pendant plusieurs mois, elle subit ensuite des prises de sang pour un bilan biologique, puis 5 à 15 jours de stimulation ovarienne avec des piqures quotidiennes. Enfin, elle est hospitalisée une trentaine d'heures pour l'opération chirurgicale, souvent sous anesthésie générale. Les ovules sont immédiatement données à plusieurs couples receveurs, anonymement, gratuitement, sans que la donneuse puisse savoir si son altruisme a permis une grossesse. En Espagne, un détail change tout : la donneuse est dédommagée à hauteur de 500 à 1000 euros.
" On ne doit pas remettre en cause la gratuité du don en France, affirme néanmoins Jean-Michel Dreyfus. Je suis totalement hostile à la marchandisation du corps humain. Mais il est normal, à partir du moment où vous faites un geste altruiste, où vous acceptez un certain nombre de contraintes, qu'au minimum ça ne vous coûte pas d'argent. Or, en France, vous avez des contraintes qui sont lourdes, et en plus, ça vous coûte des sous ! On peut imaginer donner de l'argent à la donneuse, non pas pour la payer, mais pour la dédommager. Ce serait normal que la collectivité prenne en charge l'arrêt de travail pour les deux jours. Ce serait bien le minimum. Mais ça ne doit pas devenir un échange lucratif."
" Créer une banque d'ovocytes comme on a des banques de sperme "
Pour pallier le manque de dons d'ovocytes, des solutions sérieuses commencent à voir le jour en France. La première d'entre elles : la vitrification des ovocytes. Le Docteur Lornage, chef de service de médecine de la reproduction à Lyon, explique : " Il s'agit d'une congélation très rapide qui ne détériore pas les ovules. La congélation classique affiche des résultats moyens, les ovocytes étant abimés par l'apparition de cristaux lors du refroidissement. Avec la vitrification, l'ovule passe directement d'une phase liquide à une phase solide en étant plongée dans l'Azote. Il est ainsi possible de conserver les gamètes."
Le premier bébé issus de cette technique, a vu le jour à Paris en mars dernier. A Lyon, le service de médecine de la reproduction prévoit ses premiers essais en juin ou juillet.
" Cela permettrait de créer une banque d'ovocytes comme on a des banques de sperme depuis 1973, explique Jean-Michel Dreyfus. Prenons une femme qui fait une fécondation in vitro, parce que son mari fait zéro spermatozoïdes. Elle subira la stimulation, les injections hormonales, l'anesthésie et la ponction. On lui recueille 15 ovules. Si la patiente accepte, elle peut décider de donner 5 ovocytes à une personne stérile. Elle va en garder 10 pour elle, et 5 pour la banque. Et on n'a plus de problème de don."