Jean-Olivier Viout, président du conseil d'orientation du mémorial national de la prison de Montluc, est l'invité de la quotidienne de Lyon Capitale, 6 minutes chrono. Il revient sur la polémique qui a éclaté autour de la rénovation de la prison de Montluc, dans le 3e arrondissement de Lyon.
Pendant plus d’un an, entre février 1943 et août 1944, la prison de Montluc, dans le 3e arrondissement de Lyon, réquisitionnée par l’armée allemande, a été transformée en antichambre de la mort. En an et demi, environ 10 000 détenus ont été emprisonnés dans la prison du 3e arrondissement de Lyon par le "boucher" de Lyon, le chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie. Parmi eux, en 1943, le plus célèbre résistant français, Jean Moulin, arrêté à Caluire quelques jours plus tôt. Ou encore en 1944 les 44 enfants d'Izieu, raflés dans l'Ain, et qui seront tous exterminés quelques journées plus tard.
"On ne peut pas mélanger dans le même espace l'évocation de la Shoah et de la guerre d'Algérie"
Depuis 2010, la prison de Montluc est devenu un mémorial de la seconde guerre mondiale, de l'histoire de la résistance. Une mémoire de ce qui c'est passé dans ce lieu pendant un an et demi... Une polémique a éclaté ces dernières semaines autour de la rénovation de la prison de Montluc. Jean-Olivier Viout, président du conseil d'orientation du mémorial national de la prison de Montluc, nous explique pourquoi. "Initialement, dans l'aile "dite des hommes", on sanctuarisait la mémoire de Montluc autour de la répression nazie : on évoquait le sort des juifs, des résistants, des raflés... Il était prévu, que dans l'aile dite des femmes, serait évoquée toute la période postérieure à 1945 : l'épuration, la guerre d'Algérie... etc Les choses étaient très claires. De même qu'il était prévu que l'on referait le bâtiment dit des ateliers, on y installerait l'évocation des enfants d'Izieu car c'est dans les ateliers que les 44 enfants d'Izieu, le 6 avril 1944, ont été incarcérés".
Lire aussi : Lyon : c'était un 24 août, la libération de la prison de Montluc "antichambre de la mort" en 1944, récit
Pourquoi la polémique alors ? "Au mois de novembre dernier, sans que personne en soit visé, notamment le conseil d'orientation de Monltuc que je préside, on nous indique que le bâtiment des ateliers ne sera pas prévu pour une de ses parties par l'évocation des enfants d'Izieu mais sera transformé en salle pédagogique. Surtout, dans la partie sanctuarisée (l'aile dite des hommes), on va évoquer la période postérieure à 1945. Alors qu'elle était prévue de tout temps dans l'aile des femmes", regrette Jean-Olivier Viout.
"Les lieux de mémoire ne se monnaient pas"
"Doit-on mélanger les mémoires ? "s'interroge le président du conseil d'orientation du mémorial national de la prison de Montluc. "La mémoire d'une nation, c'est une juxtaposition des mémoires, ce n'est pas une confusion des mémoires [... ] On ne peut pas mélanger notamment à destination des nombreux scolaires qui visitent Montluc l'évocation de la Shoah et l'évocation de la guerre d'Algérie dans le même espace", ajoute-t-il.
La volonté du gouvernement de mettre fin à la gratuité du lieu choque également le président du conseil d'orientation du mémorial national de la prison de Montluc. "Je suis très inquiet. Ca me choque. On entre à Auschwitz gratuitement, on entre à Oradour-sur-Glane gratuitement, on entre au mémorial de la Shoah gratuitement, et nous à Montluc on devrait faire exception ? Les lieux de mémoire ne se monnaient pas".
La cancel culture atteint même l'indicible pour niveler le niveau de conscience et de victimisation.
Démagogie populiste.