Avec la venue de Brice Hortefeux le 8 octobre à Lyon, le projet de police d'agglomération est ressorti des cartons. Avec celui-ci, Rillieux-la-Pape notamment pourrait basculer en zone police. Mais la commune n'est pas prête à se séparer de ses gendarmes.
Echanger leurs gendarmes contre des policiers. On leur avait déjà posé la question au milieu des années 2000, mais les habitants de Rillieux-la-Pape ne sont toujours pas prêts à abandonner leurs quarante-deux képis. Quatre ans plus tard, la question revient sur le tapis. A l'occasion du passage à Lyon de Brice Hortefeux. Le ministre de l'Intérieur, venu motiver ses troupes, jeudi 8 octobre, police et gendarmerie. Un journaliste lui a posé la question de savoir s'il souhaitait toujours mettre en place une police d'agglomération à Lyon, sur le modèle du Grand Paris. Le projet est toujours à l'étude.
Une pétition circule
Le projet impliquait au départ que neuf communes de l'Est et de l'Ouest lyonnais basculent en zone police. Mais selon Le Progrès, ce projet ne concernerait plus aujourd'hui que Tassin-la-demi-lune, Ecully, Chassieu et Rillieux-la-Pape. En tous cas, le ministre avance à pas de loup. "Cela ne se fera qu'après une longue, utile et indispensable concertation avec les élus concernés", assurait-il le 9 octobre dans les colonnes du quotidien. "S'il n'a pas plus développé sur le sujet, c'est que le dossier est directement suivi par l'Elysée", souffle de son côté Renaud Gauquelin, maire socialiste de Rillieux-la-Pape.
L'édile est farouchement opposé au projet (lire notre interview). Il apprécie ses gendarmes qui participent aux comités de quartier, aux réunions avec les bailleurs sociaux, la police municipale et les élus. Surtout ils "habitent sur place", ce qui ne serait pas le cas des policiers. Les sections locales de l'UMP, du PS et du Modem sont au diapason, dans un bel élan d'unité communale, elles demandent le maintien de la brigade.Une pétition circule même dans la ville. Elle a recueilli plus de 6000 signatures. Jean-Jack Queyranne, député de la circonscription, s'est fendu d'une lettre de protestation au ministère de l'Intérieur. Bref, c'est la mobilisation générale pour maintenir Rillieux-la-Pape en zone gendarmerie.
Il est vrai que les forces actuelles affichent des performances flatteuses : un taux d'élucidation de 52% l'an dernier contre 40% dans l'ensemble du Rhône et une baisse de la délinquance de 13% en 2008 (+ 1,1% dans le Rhône). "Rillieux est à présent une ville calme, on peut s'y promener la nuit. Il y a sept ou huit ans, le climat était beaucoup plus tendu", affirme le colonel Jean-Philippe Guérin, commandement du groupement de gendarmerie de Rillieux Ce qui fait dire au maire qu'on ne doit pas changer "une équipe qui gagne".
"Les gendarmes ne cherchent pas la petite bête"
Quant aux habitants de Rillieux-la-Pape, nous sommes allés à leur rencontre dans le quartier Ville-nouvelle, au milieu des barres d'HLM. Rachid, 45 ans témoigne : "ça fait quarante ans que j'habite ici et je n'ai jamais eu de problème avec les gendarmes. Ils n'interviennent que lorsque tu as vraiment fait quelque chose. Ils ne cherchent pas la petite bête à ceux qui restent tranquille".
Mohamed, 29 ans, reste dubitatif. Les yeux embués, il vient tout juste de prendre connaissance du projet de Police d'agglomération. "Pourquoi veulent-ils mettre la police ici, tout se passe bien avec la gendarmerie. On voit parfois les policiers traverser le quartier, mais on sait bien qu'ils n'ont pas le droit d'intervenir. Et si
demain, on remplace la gendarmerie par la police, ça va nous faire gamberger". A trop réfléchir, les jeunes pourraient en devenir violents, selon Rachid qui ressort de la boulangerie où il était entré chercher du pain. "Si les policiers viennent ici, les jeunes vont leur tirer dessus. Ma parole, s'exclame-t-il, ça fait quarante ans que j'habite le quartier !".
"La police, c'est pas bon"
Ibrahim, 35 ans, père de famille de passage dans le quartier vit en banlieue parisienne. "Les flics, je les connais bien, raconte-t-il en expert devant les copains. Je les vois dans ma banlieue tous les jours. Ils ne traitent pas les vrais problèmes, ils préfèrent embêter ceux qui n'ont rien fait. Résultat, il y a tous les jours des affrontements entre la police et les jeunes. Croyez moi, je ne sais pas comment ça se passe ici, mais, la police, c'est pas bon".
Un seul son de cloche discorde. Celui d'Eve, 36 ans, célibataire, d'origine asiatique qui s'exprime avec l'accent. "Moi je pense qu'il y a beaucoup de problèmes ici. Je laisse ma voiture garée dans la rue souvent et je la retrouve parfois abîmée ou fracturée. Je trouverais cela très bien moi, s'il y avait plus de policiers", avoue la jeune femme à demi-mots.
Enfin, Célestin et Adelaïde, un couple croisé à l'arrêt de bus, clôt le débat. "Qu'est-ce que ça va changer ? ça ne va rien changer, s'emporte le mari. Gendarmerie ou police, ils arrivent toujours quand tout est fini. Et puis, il y a des problèmes plus importants quand même. La hausse des prix par exemple", dans un quartier qui compte 15 % de chômeurs, 6 points de plus que la moyenne nationale.
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