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L’usine Arkema à Pierre-Bénite © Antoine Merlet

Pollution aux perfluorés : "Il faut que l'on parle tous d'une même voix"

Fin mai dernier, un député du Rhône a fait repousser la mise en place d'une règlementation des Perfluorés. Une décision incompréhensible pour les maires confrontés au quotidien aux inquiétudes des habitants.

Le 31 mai dernier, le député (Renaissance) de la 12e circonscription du Rhône, Cyrille Isaac-Sibille a fait voter un amendement pour repousser la limitation des rejets de PFAS dans l'environnement, de 2024 à 2026. Le député de la majorité s'est également opposé à un amendement du député EELV Nicolas Thierry demandant l'interdiction des PFAS en tant que famille. Le 12 juin, huit des neuf maires de sa circonscription (Pierre-Bénite, Charly, La Mulatière, Irigny, Oullins, Francheville, Vernaison et Sainte-Foy-Lès-Lyon) lui ont écrit un courrier. Son objet : "Les habitants de la 12e circonscription du Rhône veulent comprendre pourquoi le député Cyrille Isaac- Sibille a demandé, en commission, un report pour fixer les normes de rejets des perfluorés en France."

"Ce que l'on constate c'est que l'Etat français n'agit pas, il faut donc règlementer au niveau européen."

Le 12 juin toujours, c'est l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, (Amaris) qui a elle aussi appelé à "une révision urgente de REACH", le règlement européen entrée en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne, et qui n'inclut par les PFAS. "Nous sommes très étonnés de la prise de position du député, détaille Delphine Favre auprès de Lyon Capitale. Et d'ajouter : Ce que l'on constate c'est que l'Etat français n'agit pas, il faut donc règlementer au niveau européen."

Les PFAS, c'est quoi ?
Les PFAS sont une famille de plus de 4 700 molécules de synthèse produites par l'homme depuis les années 40. Leurs propriétés physico-chimiques, qui incluent leur résistance à la chaleur, aux acides, à l'eau et aux graisses, les rendent utiles dans de nombreux produits de consommation courante et applications industrielles tels que les textiles, les emballages alimentaires, les cosmétiques, les poêles anti-adhésives, les mousses anti-incendie, les imperméabilisants, les cires à parquet, les vernis et les peintures.
Cependant, leur large utilisation combinée à leur faible dégradation les rend omniprésents dans l'environnement, notamment dans les cours d'eau, faisant d'eux des "polluants éternels". Le Rhône, de l'aval de Lyon jusqu'à la Méditerranée, est particulièrement touché.
La littérature scientifique suggère que les perfluorés pourraient favoriser le cancer chez l'homme et causer des défauts de défense immunitaire chez les enfants.

"Depuis plus d'un an, le sujet des Perfluorés, c'est notre quotidien, explique le maire LR de Pierre-Bénite, Jérôme Moroge à Lyon Capitale. L'Etat prend un arrêté pour en stopper l'utilisation et on voit que le député de notre circonscription, qui est censé représenter nos habitants nous dit 'autant continuer un peu'. On aurait aimé qu'il prenne la peine de nous demander quelles étaient nos attentes." "On a des réunions toutes les quatre à six semaines avec tous les services impliqués dans la lutte contre le PFAS, j'ai été impliqué dès le départ, se défend de son côté Cyrille Isaac-Sibille. Je ne ferai pas de polémique, il faut que l'on parle tous d'une même voix."

Lire aussi : Pollution aux perfluorés : des associations attaquent Arkema en justice

Une interdiction "démagogique"

Médecin de formation, le député en est conscient, "les PFAS se diffusent très largement chez l'Homme et se concentrent. C'est un véritable enjeu de santé publique". Selon lui, voter une interdiction des PFAS serait "impossible", par manque de connaissance. "On ne sait pas où ils sont, on ne sait pas combien il y en a", détaille le député Renaissance. Pour Delphine Favre, déléguée générale d'Amaris, "l'argument du manque de connaissance ne tient pas". Il faudrait d'abord règlementer pour être en mesure de mieux connaître ces substances. "Si les PFAS avaient été intégrés dans la première règlementation de 2007, on ne serait pas arrivés à une diffusion aussi massive", assure Delphine Favre.

Quoiqu'il en soit, les PFAS ne seront pas règlementés en France avant 2026, Cyrille Isaac-Sibille défendant un choix "pragmatique" face à une proposition "démagogique" d'interdiction "inapplicable". "Je préfère que l'on appuie les pays européens en avance sur nous comme l'Allemagne, qui eux poussent pour faire avancer les directives européennes", détaille encore le député. "On va essayer prochainement de prendre un vœu commun pour demander à l'Etat et à l'industriel de prendre en charge toute une série d'études de l'eau, du sol et de l'air et de nous proposer une solution de dépollution", précise Jérôme Moroge, par ailleurs initiateur d'une plainte collective contre X.

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