Rémy Chabbouh, porte-parole du syndicat majoritaire des sapeurs-pompiers du Rhône, augure d'une grève jusqu'en mars ou avril 2025.
"S'il n'y a rien du tout qui évolue, on va partir sur une grève qui va durer extrêmement longtemps, jusqu'à mars ou avril l'année prochaine, puisque vous n'êtes pas sans savoir que le débat d'orientation budgétaire de la Métropole de Lyon a été repoussé de trois mois, idem pour le vote du budget, donc au mois de mars. On est complètement dépendant aujourd'hui du financement." Rémy Chabbouh, l'un des porte-paroles du syndicat SUD SDIS (service départemental d'incendie et de secours), comme 90% des sapeurs-pompiers, officiers compris, est en « grève illimitée » depuis le 1er octobre dernier.
Les soldats du feu déplorent le manque de moyens, les recrutements, demandent des hausses de salaires. Et un système qui, de l'avis même des deux principaux financeurs, Métropole de Lyon (80%) et département du Rhône (20%), et à "bout de souffle".
Entre 2014 entre 2020, la Métropole de Lyon a gagné 60 000 habitants, ce qui de l'avis des pompiers réclamerait trois casernes comme celle de Givors en plus. « On est passé de 90 000 interventions annuelles en 2014, pour 1 170 pompiers, à 140 000 dix ans plus tard, pour cent pompiers en moins » poursuit Rémy Chabbouh.
"L'Etat doit aussi prendre sa part de responsabilité"
Les pompiers mettent aussi en cause l'Etat "qui doit prendre sa part de responsabilité". Et Rémy Chabbouh d'expliquer : "aujourd'hui, on a énormément de missions sont plutôt du ressort de l'État. Lorsqu'on part, il faut bien comprendre que les sapeurs-pompiers, ce sont des fonctionnaires publics territoriaux. Nous dépendons donc des collectivités locales, donc que sont le département et la Métropole. Malheureusement, on a des sinistres aujourd'hui qui sont extra-départementaux. On l'a vu sur les feux ans le Midi, les inondations dans le Gard, la grêle dans l'Allier. On a même eu des épisodes de Covid avec les pompiers qui étaient engagés sur de la vaccination, sur des tests à l'aéroport. On a eu les Jeux Olympiques, la Coupe du monde de rugby. Toutes ces missions-là, ce sont des missions de l'État. Donc l'État doit prendre sa part également de responsabilité. Et forcément, même les collectivités locales doivent financer les sapeurs-pompiers."
Deux opérations chocs pour la Fête des Lumières
Rémy Chabbouh, en off de l'émission a promis une action choc et une autre "très visible" pendant la Fête des Lumières. "Je ne vais pas vous la dévoiler parce qu'on va avoir un comité d'accueil évidemment. On assumera. Et puis je vous assure que jusqu'à aujourd'hui, même en ayant bloqué l'autoroute, le boulevard périphérique et la gare, les gens nous ont applaudi et remercié. On jouit encore d'une certaine popularité. Et je remercie également la population puisqu'on lutte également pour elle."
La retranscription intégrale de l'entretien avec Rémy Chabbouh
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Rémy Chabbouh. Bonjour. Rémy Chabbouh, vous êtes pompier, l'un des représentants du syndicat majoritaire des pompiers Sud. Alors les pompiers de Lyon et de la métropole sont en "grève illimitée" depuis le 1er octobre. Vous déplorez un manque de moyens, une insuffisance des recrutements, vous demandez aussi une hausse des salaires. On va attaquer directement dans le sujet par un chiffre : le délai moyen d'intervention des pompiers est passé de 10 minutes en 2017 à 12 minutes 40 en 2024. Ces deux minutes 40, concrètement, quelles peuvent être les conséquences pour chacun des citoyens à Lyon et dans la métropole ?
Ecoutez monsieur Lamy, essayez simplement un petit exercice : retenir votre respiration pendant deux minutes 40 et puis on va voir ce que ça donne. Donc quand une personne souffre d'une hémorragie suite à un accident, ou quelqu'un s'étouffe et ne respire plus, ou quelqu'un est victime d'un arrêt cardiaque, deux minutes 40, elles seront fatales. Et sachant que c'est une moyenne, donc il faut imaginer que c'est beaucoup plus et, c'est en plus des délais d'intervention qui sont déjà assez élevés. On est passé de 10 minutes à 12 minutes 40.
Quelles sont les raisons qui expliquent cet allongement du délai moyen d'intervention des pompiers aujourd'hui ?
Il y a un document officiel qui est sourcé, vérifié par la préfecture, qui est sorti au mois de juin dernier. Ça s'appelle le SACR, c'est le Schéma d'Analyse et de Couverture des Risques. Donc c'est un document officiel auquel toute la population peut accéder. Et dans ce document, vous avez des cartographies de l'ensemble du département du Rhône et vous pourrez constater qu'on a une augmentation liée à, effectivement, peut-être les aménagements urbains, etc, qui forcément empêchent le cheminement normal des véhicules incendie. Donc on doit avoir des voies réservées, etc. Mais pas que. On a également forcément des conséquences de ces retards liées à du manque de personnel, du manque de moyens. Et c'est important, pardonnez-moi, mais c'est historiquement, c'est du jamais vu depuis l'histoire des sapeurs-pompiers.
Les délais d'intervention qui augmentent. En fait, historiquement, on a une baisse de ces délais. C'est historique, c'est comme ça, c'est comme l'espérance de vie qui progresse. Et là, on a une baisse naturelle sauf que, avec la technicité, les moyens, les véhicules qui montent en gamme. Et historiquement, là, depuis les deux dernières années, c'est la première fois que les délais d'intervention des sapeurs-pompiers augmentent. Et c'est, ça peut être fatal pour la population.
Vous confirmerez ou pas mes propos, mais c'est que votre cœur de métier, c'est quand même le secours, le secours en matière de secours aux personnes. Il y avait une mission flash en mai dernier sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours qui estimait que "la pression liée aux besoins d'assistance des personnes âgées dépendantes ou de patients atteints d'un transport sanitaire urgent pourrait basculer l'équilibre opérationnel des SDIS". La première des priorités, ça serait aussi de, on parlera un peu des financements après, mais de recentrer finalement votre cœur de métier.
C'est exactement ça. Nous sommes actuellement à 85% d'activité sur du secours à victimes. On est loin de l'image du soldat du feu parce que finalement, sur les 15 autres %, oui, c'est du feu, des interventions diverses. 85% de secours à victimes et malheureusement énormément de "carences 15", ce qu'on appelle les "carences 15" ou transports sanitaires sanitaires, c'est les personnes qui nous attendent pour aller à l'hôpital. Donc les pompiers interviennent pour aller emmener des personnes à l'hôpital ou simplement voire même faire des renouvellements d'ordonnances, emmener des personnes faire des renouvellements d'ordonnances chez le médecin. C'est lié à la désertification médicale, malheureusement, et les pompiers prennent cette société de plein fouet.
Sur le financement, c'est quand même le nerf de la guerre, l'argent, vos principaux financeurs, c'est la Métropole de Lyon à 80%, le département du Rhône à 20%, on va dire ça comme ça à 20%. Il y a un petit schéma qu'on va peut-être voir à l'écran, sachant qu'après il y a les communes, les intercommunalités. En gros, c'est ça, 80 à 20. Un cadre d'Avenir secours, un pompier, parlait de "guéguerre politique". Je reprends sa formule de "guéguerre politique". Aujourd'hui, comment on fait ? Parce que finalement, personne n'a d'argent, ni l'État, ni la Métropole, le département ne peut pas non plus, donc on fait comment ? C'est quoi la solution ?
Alors le financement, c'est le mal racine, monsieur Lamy, c'est ça, c'est le mal racine, c'est de là que découleront les problèmes et les solutions. Effectivement, nous avons, et je rajouterai même dans l'équation, un troisième interlocuteur qui est l'État. avons effectivement la Métropole à 80%, le département 20%, et l'État également qui doit prendre sa part de responsabilité. Aujourd'hui, sur les missions que tout à l'heure on a évoquées ensemble, énormément de missions sont plutôt du ressort de l'État. Lorsqu'on part, il faut bien comprendre que les sapeurs-pompiers, ce sont des fonctionnaires publics territoriaux. Nous dépendons donc des collectivités locales, donc que sont le département et la Métropole. Malheureusement, on a des sinistres aujourd'hui qui sont extra-départementaux. On l'a vu sur les feux ans le Midi, les inondations dans le Gard, la grêle dans l'Allier. On a même eu des épisodes de Covid avec les pompiers qui étaient engagés sur de la vaccination, sur des tests à l'aéroport. On a eu les Jeux Olympiques, pardonnez-moi je fais une liste, mais les Jeux Olympiques. On a eu également la Coupe du monde de rugby. Toutes ces missions-là, des missions de l'État. Donc l'État doit prendre sa part également de responsabilité. Et forcément, même les collectivités locales doivent financer les sapeurs-pompiers.
Mais c'est vrai qu'on a l'impression que chacun se renvoie la balle. La Métropole dit que c'est le département, le département que c'est l'État, ainsi de suite. Donc cette grève, elle est là depuis le 1er octobre. Vous avez dit que si rien n'est réglé, vous auriez une action choc pour la fête des Lumières. C'est quoi cette action choc ?
Je ne vais pas vous la dévoiler parce qu'on va avoir un comité d'accueil évidemment.
Vous allez faire une fête des non-Lumières ?
On pourrait le faire. Pourquoi pas, mais on a des idées plein la tête. Et je vous assure que là, on a une réunion de négociation très prochainement. S'il n'y a rien du tout qui évolue, on va partir sur une grève qui va durer extrêmement longtemps jusqu'à mars ou avril l'année prochaine, puisqu'on nous a dit qu'il fallait attendre ces moments-là pour avoir des budgets. Puisque vous n'êtes pas sans savoir que le débat d'orientation budgétaire de la Métropole a été repoussé de trois mois, idem pour le vote du budget donc au mois de mars. on est complètement dépendant aujourd'hui du financement.
La fête des Lumières, ce sera le dernier mot parce que l'émission touche à sa fin. Mais fête des Lumières, vous savez que c'est effectivement, vous allez toucher la population comme ça. En revanche, ça va être quand même assez mal perçu s'il n'y a pas de fête des Lumières.
Alors oui, on assumera. Et puis je vous assure que jusqu'à aujourd'hui, même en ayant bloqué l'autoroute, le boulevard périphérique et la gare, les gens nous ont applaudi et remercié. On jouit encore d'une certaine popularité. Et je remercie également la population puisqu'on lutte également pour elle.