Porno amateur : s’exhiber pour exister

Blogs, réseaux sociaux, télé-réalité… Nous succombons peu à peu à la tentation de l’exhibition et les limites de l’impudeur ont été largement franchies. Aujourd’hui, de plus en plus de couples filment leurs ébats sexuels et diffusent leurs vidéos sur Internet.

“Écran, mon bel écran, dis-moi qui est la plus coquine de mes voisines ?” “Connecte-toi sur Internet et tu le sauras”. Armés de leur appareil numérique et d’une connexion Internet haut débit, de parfaits inconnus se filment en plein ébat sexuel dans des vidéos homemade (faits maison) et en font profiter les consommateurs de porno. Décrocher un Hot d’or ou se remplir les poches n’est pas le but recherché. Ces nouveaux acteurs ne respectent pas les canons de beauté dictés par les films X professionnels et ne sont pas rémunérés. Ces vidéos amateurs se caractérisent par une faible qualité d’image, un son directement enregistré, qui témoignent de l’inexpérience du réalisateur. Une nouvelle manière de se mettre en scène pour ces individus qui n’hésitent pas à en parler. Ça tombe bien, nous étions là pour les écouter. Témoignages.

Tara et John, portrait de la pornographie au quotidien

Tara est une enseignante de 34 ans en couple avec John, cadre supérieur de 38 ans. À eux deux ils forment le couple emblématique du site Internet www.couplelibert-ain.com. Ensemble depuis 17 ans, ils entrent dans le monde amateur par le biais de petites annonces proposant de l’échangisme. Ils commencent à créer un site Internet pour mettre en valeur leur couple à travers les photos de leurs ébats. “Se filmer c’est assez excitant, cela fait partie d’un fantasme, on aime se dire que des gens sont excités par nos vidéos.” confie John. Devant le nombre croissant de visiteurs, ils se prêtent au jeu et se mettent à faire payer leurs vidéos. Le site finit par redevenir gratuit tout en hébergeant de la publicité. “On était tellement frustré de surfer sur un site avec des vidéos payantes qu’on a décidé de ne plus faire payer les nôtres.” précise John.

Bien sûr, ils ont apprécié de gagner 1 000 euros dans leurs meilleurs mois, mais cela reste, pour eux, du domaine de l’anecdotique. John raconte que d’autres sites constituent, quant à eux, un vrai business : “ Le site www.monabricot.com met en scène un couple amateur de Charente-Maritime. Ces deux là doivent bien toucher au moins 10 000 euros par mois et ne doivent vivre que de ça.

Aujourd’hui, Tara et John ont décidé d’arrêter toutes activités pornographiques et libertines pour s’occuper de leurs deux enfants en bas âge. Ils regardent leur passé de “stars-amateurs” avec des yeux nostalgiques et avouent avoir beaucoup apprécié cette expérience. L’heure est maintenant au bilan : consommées trop fréquemment, les vidéos pornographiques peuvent devenir une drogue. Une drogue dont John avoue aujourd’hui ne plus pouvoir se passer. “Cela me fait penser à un de mes patients qui m’évoquait cette dépendance. Je pense que nous sommes rentrés dans un cercle vicieux. Depuis que la pornographie a été autorisée en 1975, elle se démocratise de plus en plus. Avec Internet, elle entre dans notre quotidien. Les individus “accros” restent dans le fantasme et quand ils passent à l’acte, ils doivent être alimentés en permanence par une image idéalisée du sexe. Nous ne sommes plus dans la dimension de l’affectivité, de la volupté, mais dans celle du fantasme.” explique Claudie Caufour, sexothérapeuthe.

L’impudeur sexuelle, une nouvelle norme ?

Fruit d’une révolution sexuelle et d’un développement technologique extrêmement rapide, l’impudeur sexuelle qui s’est installée sur Internet renverse complètement les normes. La tendance change : la pornographie gagne du terrain et enfonce toujours un peu plus les barrières conventionnelles. Selon le sondage IFOP, 89 % des Français déclarent avoir déjà visionné un film pornographique.

Sites amateurs et autres blogs libertins foisonnent pour le plus grand plaisir des consommateurs. Ils mettent en scène des personnes qui pourraient bien être leurs voisins... Marc, 54 ans, travaille dans la communication dans la région lyonnaise. Outre son passe-temps de libertin auquel il s’adonne depuis 10 ans, Marc avoue être un consommateur de pornographie amateur. “Ce qui m’excite est tout ce qui est dans le domaine du possible, pouvoir imaginer que la femme que j’observe sur mon écran d’ordinateur puisse être ma voisine de palier, celle que je croise tous les matins.” explique-t-il. Son désir est caractéristique du phénomène appelé “the girl next door” (la fille d’à côté), qui se distingue par une volonté délibérée de ne filmer que des inconnus consentants.À la recherche de l’authentique moment intime, le consommateur s’improvise voyeur pour se projeter quelques instants dans un monde virtuel où tout semble réel. “Ce qui m’intéresse c’est de voir ce que font les vrais gens, comment ils le font et avec qui ils le font.

À l’ère du web 2.0, les petites annonces comme celle de Christian, formateur de chantier, abondent. Il propose ses services de photographe amateur à des femmes ou des couples désireux de mettre en scène leurs fantasmes gratuitement. Il lui arrive même de participer aux scénarios. “Ma femme est au courant et ça ne lui pose aucun problème. Elle respecte ma passion.” Quant à Mickaël, chef d’entreprise, il met à disposition son local professionnel de Dardilly pour servir de décor à des supports pornographiques en échange de son regard “d’expert”. Se mettre en scène de nos jours est devenu tellement courant que ces pratiques semblent presque être intégrées à un mode de vie caractéristique d’une société de consommation qui rend publique l’intimité.

Fred, fonctionnaire d’État et photographe de charme amateur, relate cette facilité à enchaîner les partenaires et les fantasmes insolites. Des couples l’ont souvent contacté avec des demandes bien précises. “Un couple m’a contacté car il cherchait un jeune homme blond entièrement épilé avec des talents de vidéastes mais aussi d’amant.” raconte-t-il. Une nouvelle forme d’exigence qu’analyse la sexothérapeuthe : “On est dans une société dans laquelle on est habitué à tout voir et à tout avoir très rapidement. Quand on se lasse d’un partenaire, on choisit de le zapper.” En effet, on n’est plus à un corps près.

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