Dissous le mercredi 30 mars lors du Conseil des ministres, le Groupe antifasciste de Lyon et environ, la Gale, a déposé un recours en référé liberté, mardi 5 avril dans la soirée, devant le Conseil d’État. Les avocats du groupe d'ultragauche lyonnais dénoncent une "atteinte à la liberté d’expression", une décision "électoraliste" et "démontent" tous les points du dossier du ministère de l’Intérieur.
Tout juste une semaine après sa dissolution lors de l'un des derniers conseils des ministres organisé avant l’élection présidentielle, le 30 mars, le mouvement d'ultragauche connu sous le nom de Groupe antifasciste Lyon et environs (Gale) a déposé, par le biais de ses avocats Me Forray et Me Bouquin, un référé liberté devant le Conseil d’État. Cette volonté de déposer un recours et de combattre la décision du ministère de l’Intérieur, le groupe lyonnais l’avait affichée dès l’officialisation de la procédure, c’est désormais chose faite.
"On a pris fait après fait et on les a tous démontés les uns après les autres. Ils étaient faux, ils étaient tronqués, ils étaient manipulés, tous. Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre", Olivier Forray, avocat de la Gale
Concrètement les deux avocats contestent tous les points apportés par le ministère de l’Intérieur au dossier de dissolution de la Gale, premier groupe d’ultragauche à faire l’objet d’une telle procédure "depuis 40 ans et la dissolution d’Action directe en 1982", souligne Olivier Forray. "On a pris fait après fait et on les a tous démontés les uns après les autres. Ils étaient faux, ils étaient tronqués, ils étaient manipulés, tous. Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre", lâche l’avocat enregistré au barreau de Lyon.
🏴🚩Aujourd'hui a été notifié de manière définitive la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs.
De ce fait nous sommes privés de nos moyens de communications.
Nous ne pouvons plus communiquer sur nos réseaux. pic.twitter.com/NL9H5Vd8oO— Groupe Antifa Lyon (@antifa_lyon) April 1, 2022
Une décision "purement électoraliste"
Au moment de rapporter les travaux du Conseil des ministres le 30 mars, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement avait fait valoir que la Gale était "connue pour ses actions violentes, ses appels à la haine et son incitation virulente et incessante à s'en prendre à nos forces de l'ordre". "Nous ferons respecter l'ordre républicain jusqu'au bout et face à tous ceux qui le menacent", avait alors assuré le porte-parole, en insistant sur "l'engagement pris devant les Français" de "continuer à les protéger jusqu'à la dernière seconde du quinquennat".
Lire aussi : Le groupe antifasciste lyonnais, la "Gale", officiellement dissous par le gouvernement
Une décision "purement électoraliste", dénonce Me Forray, qui, selon lui, porte une "atteinte majeure à la démocratie sur des motifs qui sont tous fallacieux. […] Il s'agit de donner des garanties à l'électorat de droite et de droite extrême, comprenant les syndicats policiers". À en croire l’avocat lyonnais, le Conseil des ministres aurait d’ailleurs pris son décret sans même attendre la réception du courrier de réponse écrit par lui et sa consoeur, après que la directrice des Libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur ait notifié le groupe de son intention de dissolution. "On estime que le principe du contradictoire n’a pas été respecté donc qu’il y a un problème de légalité de la procédure", explique-t-il.
"Critique" ou "appel à la haine" ?
Parmi les faits reprochés à la Gale et sur lesquels s’appuie cette dissolution, on retrouve notamment le relais d’un appel à manifester contre le siège de Monsanto-Bayer dans le 9e arrondissement, en mars 2022, et qui s’était soldé par des dégradations dans le quartier. "Ce n’est pas leur manifestation, ce n’est pas eux qui ont appelé à manifester, ils n’ont pas créé ce mouvement, mais le seul groupe dont on a demandé la dissolution c‘est la Gale", dénonce Olivier Forray. Pourtant, c'est bien à l’issue de cet événement que la dissolution du groupe avait été demandée, le ministre de l’Intérieur Gerald Darmanin utilisant alors la loi séparatisme votée en août 2021 et qui permet désormais de cibler les "agissements violents contre les personnes ou les biens".
"Il y a du monde qui s’est mobilisé. EELV l’a fait avec un communiqué que je qualifierais d’assassin pour le ministère de l’Intérieur mais l’union populaire et le NPA l’ont fait aussi. Ils ont bien conscience qu’à travers la dissolution de la Gale ce que l’on vise c’est la liberté de parole", Olivier Forray, avocat de la Gale
À cela s’ajoute "l’idée qu’ils appelleraient à la haine contre la police", assène Me Forray, mais, "pour eux, appeler à la haine c’est les critiquer. Et ça, c’est un motif de dissolution". C’est sur ce point, entre autres, que la Gale a été soutenue le 4 avril par les sénateurs EELV Thomas Dossus et Raymonde Poncet qui pointent du doigt "des accusations floues mélangeant police et politique". Dans un communiqué, les deux élus insistent sur le fait que le Groupe antifasciste de Lyon "n’a jamais fomenté et ne fomente pas de coup d’État : elle [la Gale, NDLR] dénonce, avec une vigueur qu’on est en droit de ne pas partager, les abus des forces de l’ordre et la violence de l’extrême droite dans nos rues". "Ce que dénonce la Gale c’est ce que dénoncent Amnesty International et le défenseur des droits, poursuit Olivier Forray. Donc en fait si l’on dissout la Gale, dans cette logique-là, la prochaine institution à y passer c’est Amnesty International".
Les sénateurs et sénatrices @tomdoss et @PoncetRaymonde d'EELV communiquent contre la dissolution de La GALE.
"Cette décision tristement historique a été prise dans un contexte politique où les idées d'extrême-droite sont aux portes du pouvoir" @antifa_lyon #dissolution #lyon pic.twitter.com/rwMitBceSg— comite soutien 2309 (@comitesoutien69) April 5, 2022
Une réponse sous 48 heures
Contactés dans la soirée du mardi 5 avril, peu après le dépôt et l’enregistrement de leur référé, les avocats de la Gale nous confiaient attendre désormais une réponse dans les 48 heures, si leur dossier ne fait pas l’objet d’une ordonnance de tri. Auquel cas, cela voudrait dire que le juge des référés aurait rejeté leur appel sans audience, l’estimant infondé. "Je ne comprendrais pas que ce soit le cas compte tenu des enjeux et de l’atteinte à des libertés fondamentales", fait valoir Me Forray, qui espère donc qu’un "débat se déroulera sous 48 heures avant le 1er tour des élections présidentielles".