Pourquoi cette affaire est-elle jugée si tard ?

"Le système a gagné", estime Etienne Tête, désabusé par la lenteur de la justice.

L’affaire de l’appartement de Millon ne sera pas la fierté de notre système judiciaire. Charles Millon sera jugé plus de 10 ans après les faits, et pour une partie minime de l’affaire, le reste étant prescrit. Dans d’autres cas similaires, la justice a pourtant été nettement plus prompte. Ainsi lorsque l’on découvre en 1996 que le Président de la Région Île-de-France, Michel Giraud, avait fait affecter deux salariés de la Région à son château de Morsang-sur-Seine, la Justice ouvre rapidement une enquête préliminaire. Mis en examen en 1997, il sera condamné en mai 1999 pour prise illégale d’intérêts par le tribunal correctionnel de Paris à huit mois de prison avec sursis et 800 000 francs (122 000 euros) de dommages et intérêts.

"Millon a multiplié les procédures"

Trois ans donc après la découverte des faits. Pour Millon, l’affaire mettra 12 ans pour arriver en correctionnelle. Alors, comment expliquer le “fiasco” lyonnais ? “Millon a multiplié les procédures” argue-t-on du côté de la Justice. “On a voulu enterrer l’affaire” estime Étienne Tête. Désabusé, il ajoute : “Franchement, la justice fonctionne très très mal. On le voit avec Bernard Rivalta, qui n’a toujours pas remboursé ses indemnités illégales. Ou l’affaire Saint-Fons, après des années d’instruction, le procès est renvoyé parce que le préjudice n’a pas été évalué… Dans l’affaire Millon, quand je vois le nombre d’heures que j’ai passé, le pognon que j’ai perdu… C’est “inrentable” ! Le système à gagné.” Il faut dire aussi que la Justice n’a pas vécu, toutes ces années, sous une intense pression politique et médiatique.

La gauche, pas trop prompte

La gauche, qui avait voté ces avantages indus à Charles Millon, a globalement fait profil bas… Et n’avait pas intérêt à sortir trop tôt du jeu le diviseur de la droite lyonnaise, qui lui a de fait permis de conquérir la mairie de Lyon en 2001. La presse, elle, a attendu que la justice se saisisse du scandale pour embrayer. Lyon Capitale a ainsi sorti l’affaire, débusquée par l’élu écologiste Étienne Tête, en mai 1998, dans la plus totale indifférence. La polémique ne commence vraiment qu’en 2001, avec une nouvelle enquête de Lyon Capitale, suivie d’une autre dans Libération, et surtout avec une première décision de la justice administrative (lire la chronologie).

Ce n’est qu’à ce moment qu’une procédure pénale est lancée, alors que l’essentiel de l’affaire est déjà prescrit. De rebondissements en rebondissements, elle n’arrivera devant un tribunal pénal que le 5 février prochain. Douze ans après les faits. Mieux vaut tard que jamais, paraît-il. Poursuivi pour “prise illégale d’intérêt par personne investie d’un mandat électif public”, Charles Millon, déjà contraint par la justice administrative à rembourser le gros des avantages en nature dont il a illégalement bénéficié, encourt 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

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