C'était en 2005 et ça s'appelle 'Vélo'v'. Depuis, plusieurs villes du monde ont été séduites par le concept, dont Paris qui l'a surnommé 'Vélib''. Depuis, les lyonnais entendent souvent cette petite phrase agaçante : 'Ah oui, vous aussi à Lyon vous avez le Vélib'!'. Les plus chauvins corrigent alors gentiment leurs interlocuteurs et rendent à César ce qui appartient à César: 'Oui, mais ça s'appelait Vélo'v avant de s'appeler Vélib''. En l'occurrence, ce qui appartient à César dans cette affaire appartient en réalité au maire de Lyon, Gérard Collomb, qui doit esquisser une belle grimace lorsqu'il entend Bertrand Delanoë commencer fièrement ses phrases par 'Lorsque j'ai lancé Vélib...' Mais pourquoi diable le Vélib' a-t-il donc détrôné le Vélo'v? Au premier abord, la question a l'air d'une simple querelle de clocher, d'une humeur anti-jacobine et on pourrait même y déceler comme une forme de chauvinisme chagriné. En réalité, il se cache là-dessous une véritable stratégie marketing.
Pour souffler la première bougie anniversaire du Vélib', le quotidien Libération y avait consacré sa 'Une' en titrant : 'Après le Vélib', l'Autolib''. C'était le 15 juillet dernier. A la lecture de la presse ce matin là, Gérard Collomb serait rentré dans une grosse colère et aurait fait savoir sa façon de penser à la rédaction de Libé. François Sergent, directeur adjoint de la rédaction de Libé, reconnaîtra dans Libélabo une 'Une' un peu trop parisienne et corrige le tir deux jours plus tard avec une interview de Jean-Louis Touraine, premier adjoint au maire de Lyon, vantant les mérites de la petite bicyclette au garde-boue rouge flanqué du logo du Grand Lyon. L'affaire est assez symptomatique du sort réservé à Vélo'v depuis l'arrivée de son cousin parisien, le Vélib'. Il n'y en a que pour lui!
Chez Decaux, on jure pourtant que Vélo'v et Vélib' sont traités de façon équitable. Un responsable de la société déclare ne 'jamais manquer de souligner que Lyon est pionnier avec Vélo'v'. Et il suggère plutôt que la responsabilité tient au parisianisme des médias dont la puissance est si forte qu'ils sont parvenus à faire oublier la paternité lyonnaise sur le système de vélos en libre service. Mais JC Decaux y trouve aussi son intérêt. Vélib', c'est 20 000 vélos et un réseau de plus de 1400 stations alors que Vélo'v comptabilise 4000 vélos répartis dans 343 stations. Et côté carte de visite, Paris restera toujours plus attractive que Lyon. 'Pour remporter des contrats dans d'autres villes du monde, mettre en avant Paris est un atout indéniable pour Decaux' explique un collaborateur du maire de Paris. D'ailleurs, un responsable de la société Decaux ne dit pas autre chose: 'Le volume d'activité généré à Paris nous garantit une certaine notoriété.'
En somme, Lyon aurait donc eu le mérite de lancer le système et Paris permettrait de le vendre. 'De toute façon, il n'y a qu'à Lyon que vous pouvez avoir la réponse à la question de savoir pourquoi Vélib' a détrôné Vélo'v', ajoute, un brin cynique, le collaborateur de Bertrand Delanoë. Ce qui, traduit en terme politique, revient à dire que la faute en revient essentiellement à Gérard Collomb lui-même. Est-ce Collomb qui n'a pas su imposer le Vélo'v ou est-ce Bertrand Delanoë qui a été le plus habile à s'approprier le concept ? Les deux options paraissent recevables. Mais à la décharge du maire de Lyon, ce n'est pas la première fois que Paris s'approprie une innovation sortie par la capitale des Gaules. Le premier spécimen d'une ligne de métro automatique a été lancé à Lyon en 1991. C'est la ligne D du réseau. A Paris, la ligne 14 (Meteor) est elle aussi automatique. Lancée beaucoup plus tard, elle a bénéficié de beaucoup plus d'échos médiatiques en France et... dans le monde.
Slim Mazni (avec Bastien Gouly et Solene Quennehen)
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