Plus de trois ans après leur exclusion des rues de Villeurbanne, les trottinettes en libre-service ne sont toujours pas en odeur de sainteté dans la ville voisine de Lyon, qui refuse de "céder aux sirènes" des opérateurs, malgré leur pression.
En 2019, tous les opérateurs de trottinettes en libre-service s’étaient vu mettre à la porte de Villeurbanne par le maire Jean-Paul Bret excédé par le stationnement sauvage des deux roues sur l’espace public et leur circulation sur les trottoirs. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, un nouveau maire est arrivé à la tête de la ville en 2020, le stationnement anarchique a été solutionné avec des parkings dédiés, à l’instar de ce qui se fait à Lyon, pourtant les trottinettes en libre-service n’ont jamais fait leur retour à Villeurbanne.
Lire aussi : Villeurbanne frappe les trottinettes en libre-service d'une interdiction
Malgré l’engouement de plus en plus marqué pour cet équipement, en attestent les 400 000 déplacements enregistrés à Lyon en 2021, selon l’adjoint aux mobilités Valentin Lungenstrass, la position de Villeurbanne sur l’ouverture de la ville aux opérateurs en libre-service n’a pas évolué. "Pour l’instant, c’est le statu quo. Nous n’avons pas l’intention de revenir sur cet arrêté", confie à Lyon Capitale Agnès Thouvenot, la première adjointe de Villeurbanne, alors que la ville a réétudié le sujet il y a quelques mois.
Accidentologie, stationnement, circulation
Malgré les avancées enregistrées à Lyon, qu’elle assure avoir scruté avec attention, l’élue villeurbannaise considère que l’usage de ces trottinettes en libre-service "reste trop accidentogène par rapport aux bénéfices", s’appuyant notamment sur l’exemple des nombreux accidents survenus à Lyon ces derniers mois. Autre point d’achoppement, la circulation des trottinettes sur les trottoirs, "on n’arrive pas à la contrôler, que ce soit avec les trottinettes en free floating ou celles des particuliers. Il faudrait presque un policier sur chacun des trottoirs pour pouvoir faire respecter l’interdiction", insiste Agnès Thouvenot.
"On considère que ça reste trop accidentogène par rapport aux bénéfices et on arrive pas à contrôler la circulation des trottinettes sur les trottoirs", Agnès Thouvenot, première adjointe de Villeurbanne
Outre l’accidentologie, la question de l’occupation de l’espace public reste également un point de blocage majeur pour Villeurbanne. "Il y a une vraie concurrence sur l’espace public", précise la première adjointe, expliquant que même si le stationnement est mieux encadré qu’avant "cela vient prendre pas mal de places sur d’autres usages, comme la végétalisation, les terrasses et les places de stationnement". D’autant que pour créer des places de stationnement réservées aux trottinettes, condition sine qua non à leur autorisation dans les rues de la ville, la municipalité serait contrainte de piocher dans les financements que lui accorde la Métropole de Lyon pour réaliser des travaux de voirie, ce qu’elle n’est pas prête à faire aujourd’hui. "Nous avons d’autres priorités avec notamment la sécurisation de la marchabilité ou encore la sécurisation des abords d’écoles", explique Agnès Thouvenot.
La ville confrontée à un fort lobbying
Si Villeurbanne est encore loin de faire office de dernier village Gaulois à résister aux sirènes des trottinettes en libre-service, Lyon, Caluire-et-Cuire et Rillieux-la-Pape étant pour le moment les seules communes de la Métropole à les autoriser, le lobbying des acteurs du milieu serait fort auprès des élus de la deuxième ville de l’agglomération. "Ils font bien leur travail [les opérateurs, NDLR], ils reviennent vers nous régulièrement, ils identifient bien les espaces où ils peuvent rencontrer les élus", confie Agnès Thouvenot. La pression aurait notamment été particulièrement forte au moment de l’arrivée de Dott et Tier à Lyon.
"Attendons, aujourd’hui ce n’est pas mûr et on assume de ne pas céder à ces sirènes-là, malgré leur fort lobbying auprès des élus", Agnès Thouvenot, première adjointe de Villeurbanne
Si pour l’heure le déploiement des trottinettes en libre-service n’est donc "pas mûr" dans la ville dirigée par Cédric Van-Styvendael, le sujet n’a pas non plus été complètement enterré. "On ne s’interdit pas de se réinterroger, reconnaît la première adjointe, mais ce ne sera pas tout de suite". En attendant ne franchissez pas les frontières de Lyon et Villeurbanne au guidon d'une trottinette en libre-service, vous ne pourrez pas y terminer votre trajet.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
Agnès Thouvenot, une première adjointe réaliste de Villeurbanne. A Lyon, cours Lafayette, les trottinettes s''arrêtent net avant le cours Tolstoï de Villeurbanne !
Jean Paul Bret avait parfaitement raison. Les trottinettes ne sont pas un bon moyen de transport.