Nouvelle tribune libre sur la situation ukrainienne de Mykola Cuzin, président du comité Ukraine 33 et du Comité pour la défense de la démocratie en Ukraine.
Alors que l’Ukraine mène seule un combat crucial contre le terrorisme, sur le plan international une certaine “normalisation” semble s’être mise en place. Les sanctions brandies pendant un temps pour faire reculer Moscou tardent à être appliquées et, au fur et à mesure que Kiev gagne du terrain à l’est, les chancelleries occidentales insistent de plus en plus pour obtenir un cessez-le-feu et une certaine légitimation des terroristes. Les opinions publiques marquent le pas également.
Il faut dire qu’en face la machine propagandiste poutinienne ne faiblit pas. Avec une constance jamais démentie, Moscou continue d’affirmer que la Russie “n’est pas impliquée” dans les conflits du Donbass. Or, à ce jour, l’armée ukrainienne a récupéré plusieurs tonnes de matériel militaire russe, de la documentation technique, des passeports et des prisonniers en nombre, tous ressortissants russes. Certains jours, ce sont plusieurs dizaines de cercueils qui franchissent la frontière ukrainienne, direction la Russie.
Les témoignages se multiplient en provenance de familles russes amères qui s’aperçoivent que Moscou ne reconnaîtra jamais le sacrifice de leur fils, parti en tant que volontaire mener en Ukraine une sale guerre qui ne veut pas dire son nom. Pour ces familles, il n’y aura pas non plus de pension. Seuls les militaires ont droit à une certaine “reconnaissance”, bien timide certes, à l’image de cette discrète cérémonie organisée à Moscou il y a quelques jours en hommage à 14 soldats du 45e régiment aéroporté, morts selon toute vraisemblance en Ukraine.
Pendant plusieurs semaines, les gardes-frontières ukrainiens ont perdu le contrôle de trois points de passage, par lesquels se sont infiltrés en masse les militaires et les mercenaires russes, tchétchènes, ingouches, les armes et les munitions… Tout cela avec l’aval et le soutien logistique des gardes-frontières russes répondant aux ordres de Poutine.
Le 10 juillet, le premier-lieutenant de l’armée de l’air ukrainienne Nadia Savtchenko, kidnappée fin juin dans la région de Donetsk, est apparue dans un tribunal de la ville (russe) de Voronej. Comment Vladimir Poutine peut-il encore mentir au monde entier, à l’Onu, quant à l’implication totale et entière de la Russie dans les troubles fomentés à l’est de l’Ukraine ? Ainsi Denis Pouchiline, l’ex-gouverneur adjoint de Donetsk, a-t-il déploré dernièrement sur Twitter le manque de soutien de Poutine, en contradiction avec les promesses faites au début du printemps par le maître de Moscou.
Ce n’est plus un mystère pour personne, le GRU et le SBU russes sont les clefs de voûte des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk ; mais, plus le temps passe, plus le soutien populaire leur fait défaut (1). Il n’y a aucun mystère à cela, dans la mesure où ces troupes, très largement exogènes, ne sont motivées que par l’attrait des destructions gratuites et de l’argent facilement gagné. Chaque ville, chaque village libéré dans cette région confirme la nature exacte des activités de ces terroristes : pillages, kidnappings, extorsions de fonds, cambriolages, viols, expropriations, utilisation de boucliers humains civils… Amnesty International a dénombré pas moins de 500 cas d’enlèvements et d’actes de tortures entre avril et juin 2014 dans les régions de Donetsk et Louhansk.
Pourtant, à mesure que le réduit de ses hordes barbares se rétrécit, la diplomatie russe franchit de nouveaux pas dans l’ignominie. Non contente d’avoir volé la Crimée au prix d’un simulacre de référendum en mars dernier, la Douma vient de pénaliser le “séparatisme” sur le territoire de cette même Crimée où les principaux dirigeants du Majilis des Tatars sont à présent interdits de séjour. Elle a récemment multiplié les déclarations sur le “génocide” commis par les autorités de Kiev contre les populations de l’Est.
Ces accusations ignobles résonnent d’un écho particulier dans cette région. En effet, entre 1924 et 1961, Donetsk s’appelait Stalino (en référence à la sidérurgie) et cette ville s’est précisément retrouvée proche de l’épicentre du génocide perpétré par Staline contre les paysans ukrainiens en 1932-1933 (2). Aujourd’hui, pour la diplomatie russe, proférer ces accusations scandaleuses et infondées, c’est non seulement participer à la réhabilitation du stalinisme (qui bénéficie de façon collatérale au bourreau Béria), mais également renforcer le négationnisme du génocide ukrainien qui tient lieu depuis toujours de leitmotiv dans les relations de Moscou avec Kiev. Comble de l’amnésie, des organisations politiques “progressistes” européennes (dont le PCF) soutiennent ardemment cette dialectique (3). On ne peut imaginer de geste plus abject, alors que l’Ukraine a commémoré il y a tout juste sept mois le 80e anniversaire de cette tragédie.
Pendant ce temps, la diplomatie européenne semble patiner. La France (4) se trouve au premier rang, avec ce qu’il convient désormais d’appeler l’“affaire” de la vente des frégates Mistral. Ce contrat, d’un montant de 1,2 milliard d’euros, conclu en 2011 entre Paris et Moscou, est en voie de finalisation après de nombreux atermoiements puisque, depuis début juin, près de 400 marins russes sont stationnés à Saint-Nazaire pour parfaire leur formation sur le Vladivostok, premier des deux navires, qui devrait être livré à l’automne prochain. Régulièrement, des actions de protestation sont organisées près du site, en Loire-Atlantique, mais aussi à Paris et dans plusieurs capitales européennes (notamment à Prague le 14 juillet, photo ci-dessus).
La position française, commercialement légitimiste, reste diplomatiquement difficilement tenable dans la mesure où les plans d’invasion de la ville d’Odessa – en Ukraine – à partir de ces frégates de projection sont déjà prêts et largement médiatisés sur Internet, à défaut d’être précisément connus, bien entendu…
Chez nos voisins allemands, point de frégate mais une opinion plutôt encline à valider de larges concessions au bénéfice de Vladimir Poutine. Il faut dire que, pour les industriels d’outre-Rhin, la Russie est un partenaire économique majeur. À tel point que le président allemand, Joachim Gauck, s’en est publiquement ému. Cet ancien militant des Droits de l’homme en ex-RDA sait de quoi il parle… Il ne faudrait pas non plus oublier que l’Allemagne a une dette morale envers l’Ukraine, à qui le régime hitlérien a fait subir les pires sévices lors de la Seconde Guerre mondiale (5).
Tout ce que l’on peut souhaiter, c’est que l’Ukraine recouvre rapidement la paix, débarrassée des fauteurs de guerre et autres exécuteurs de basses œuvres dont l’uniforme de telle ou telle “république populaire” masque difficilement l’appât du gain et l’absence totale de moralité. L’Ukraine (un galop d’essai avant d’autres OPA hostiles du Kremlin en Europe ?) n’est pas à vendre, mais, malheureusement, les Ukrainiens en sont pour l’instant les seuls vraiment convaincus et les seuls à en payer le prix du sang et des larmes.
Dans cet article, je lis cette phrase: ' ll faut dire qu’en face la machine propagandiste poutinienne ne faiblit pas'. Mais moi, je trouve que la machine propagandiste des médias français ne faiblit pas non plus, bien au contraire. C'est tellement vrai que la plupart de nos médias (très euro-atlantistes) avaient par avance désigné les 'pro-russes' (et Poutine) comme responsables du crash du Boeing alors que l'enquête internationale n'avait pas commencé. Voilà bien une méthode de voyou !