dix chirurgiens et huit infirmières se sont relayés au bloc opératoire pendant 17 heures © HCL

Première patiente greffée d'un larynx à Lyon : "Mes filles ne m'avaient jamais entendu parler"

La première greffe du larynx de France, qui a eu lieu à Lyon les 2 et 3 septembre derniers, semble réussie. Après deux mois de surveillance, la patiente a pu rentrer chez elle.

Voilà deux mois que Karine, une mère de famille âgée de 49 ans, réapprend à vivre normalement. Elle a bénéficié en septembre de la première greffe du larynx de France aux Hospices civils de Lyon (HCL), une transplantation réalisée à seulement trois reprises dans le monde. Cet exploit, rendu possible par le professeur Philippe Ceruse, est le fruit de dix ans de travail et de recherches.

Opérée en 1996 pour un arrêt cardiaque, Karine fut victime d'une sténose du larynx à la suite de complications liées à son intubation. Respirant depuis par trachéotomie, elle a souhaité se faire greffer "pour retrouver une vie normale". Retrouvant doucement l'usage de sa voix, elle participe à des séances de rééducation quotidiennes. "Mes filles ne m'avaient jamais entendu parler", a-t-elle indiqué au professeur Ceruse.

17 heures d'intervention

Après le prélèvement du larynx, dix chirurgiens et huit infirmières se sont relayés au bloc opératoire pendant 17 heures pour réaliser la transplantation. Ils étaient coordonnés par Philippe Ceruse, chef du service ORL de l'hôpital de la Croix-Rousse, et Lionel Badet, chef du service transplantation de l'hôpital Edouard Herriot. Pour maximiser leurs chances de réussite, ceux-ci ont eu recours à une technique française élaborée par le professeur Jean-Paul Marie, chef du service ORL du CHU de Rouen.


"C'est un succès sur le plan de la vascularisation, sur le plan nerveux il va falloir attendre encore un peu"

Professeur Philippe Ceruse, directeur du service ORL
de l'hôpital de la Croix-Rousse

En plus du fait qu'une telle greffe soit une première en France, le larynx est un organe fragile et complexe, ce qui rend l'opération difficile. "Il fallait rattacher les nombreuses veines et artères du larynx à celles de la patiente", détaille Philippe Ceruse. Et d'ajouter : "c'est un succès sur le plan de la vascularisation, sur le plan nerveux il va falloir attendre encore un peu". En effet, la sensibilité de la patiente devrait revenir après six mois et sa motricité après au moins un an. "Ce sera un véritable succès quand elle aura à nouveau la capacité de parler, respirer et manger comme avant", insiste le chef du service ORL.

Bloc opératoire de l'hôpital de La Croix-Rousse pendant la transplantation © HCL

Un projet de longue haleine

Pour rendre cette opération possible, un groupe d’étude de transplantation laryngée (ECLAT) s'est créé en 2012, réunissant 14 chirurgiens de toute la France. Ensemble, ils ont mené de nombreuses recherches et se sont entrainés sans relâche à la pratique de cette greffe, jusqu'à l'élaboration d'un protocole opératoire. Dès 2014, les HCL ont obtenu un programme de recherche clinique permettant l'inclusion de patients dans le projet. Ce n'est qu'en 2019 que Karine sera inscrite sur la liste d'attente de greffe du larynx. Crise sanitaire oblige, la transplantation n'a pu se tenir qu'en septembre 2023.


"Demander un larynx ce n’est pas quelque chose qu’on fait tous les jours, mais les proches de la donneuse étaient totalement préparés"

Docteur Antonio Rodriguez, coordinateur hospitalier des prélèvements d’organes et de tissus

Par ailleurs, le projet n'aurait jamais abouti sans la donneuse, une patiente de l'hôpital Edouard Herriot qui a souhaité faire don de son larynx à sa mort. "Tout ce qui peut aider doit être donné", aurait-t-elle confié à son entourage. "Demander un larynx ce n’est pas quelque chose qu’on fait tous les jours, mais les proches de la donneuse étaient totalement préparés et ont tout de suite acceptés", explique le docteur Antonio Rodriguez, coordinateur hospitalier des prélèvements d’organes et de tissus.

Un avenir prometteur pour les greffes lyonnaises

"Nous avons le budget pour transplanter encore deux larynx", indique Philippe Ceruse. Ainsi, lorsque les HCL seront certains du succès de la greffe, d'autres transplantations pourront être envisagées. Bien que le programme ne soit ouvert qu'aux patients ayant un larynx traumatique, les HCL souhaitent l'ouvrir à ceux atteints de cancers. Pour l'heure, ils travaillent actuellement sur des greffes d'utérus et de pénis, dont les premiers essaies devraient avoir lieu d'ici un ou deux ans.

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