Maxime Le Moing et Antoine Nanterme, co-fondateurs de l'Association pour le développement de la Presqu'Ile de Lyon
Maxime Le Moing et Antoine Nanterme, co-fondateurs de l’Association pour le développement de la Presqu’Ile de Lyon

Projet urbain "Presqu'Ile à vivre" : "on engage des millions sans étude d'impact!"

Maxime Le Moing et Antoine Nanterme, co-fondateurs de l'Association pour le développement de la Presqu'Ile de Lyon, sont les invités de "6 minutes chrono".

Le grand projet de "Presqu'Ile à vivre" portée par la Métropole et la Ville de Lyon fait décidément couler beaucoup d'encre.

Construite autour de deux grands axes - le réaménagement de la rive droite du Rhône et l' "apaisement" de la Presqu'Île -, l'opération urbaine est tout sauf apaisée. Elle a même été remise en cause par onze associations et dix-sept commerces qui ont déposé un recours, en mai dernier, devant le tribunal administratif de Lyon par Mélanie Halmon, du cabinet Admys Avocats.

Il y a quelques jours, Pierre Olivier, le maire (Les Républicains) du 2e arrondissement a présenté les résultats d'une concertation citoyenne que ses services ont lancée dans son arrondissement - en amont de celle organisée par la mairie centrale de juin à octobre 2022 (2 924 répondants au questionnaire en ligne, et 3 000 participants aux réunions publiques).

4 587 réponses ont été obtenues dans le seul 2e arrondissement. Amenés à noter les deux projets de 1 à 10, les habitants ont noté le projet Presqu'île à Vivre à 3/10.

Lire aussi : Plusieurs milliers de Lyonnais rejettent la transformation de la Presqu'île

Décision invalidée par le juge prochainement ?

Maxime Le Moing et Antoine Nanterme, co-fondateurs de l'association pour le développement de la Presqu'Île de Lyon (ADPL), soulèvent deux difficultés à ce projet urbain : d'abord, les reports de flux de circulation, par l'interdiction des véhicules la rue Grenette et le déport du hub de bus des Terreaux et ensuite, le fait qu'une étude d'impact préalable indépendant n'ait été menée. "On a appris récemment appris, en réunion publique, qu'effectivement, les études n'ont pas été faites en amont de la décision. Donc, a priori, on peut imaginer que le juge, dans les semaines à venir, va invalider la décision de la Métropole."


La retranscription intégrale de l'entretien avec Maxime Le Moing et Antoine Nanterme

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 Minutes Chrono. Nous accueillons Maxime Le Moing et Antoine Nanterme co-fondateurs de l'Association pour le Développement de la Presqu'île de Lyon (ADPL).

Bonjour monsieur. Bonjour.

En mars dernier, la Métropole et la Ville de Lyon ont présenté le projet "Presqu'île à vivre", autour de deux mesures d'envergure, à savoir le réaménagement de la rive droite du Rhône et l'apaisement de la Presqu'île, avec, dans cet "apaisement", la fermeture aux voitures de la rue Grenette et la piétonnisation de la Rue de la République entre Cordeliers et Terreaux.
Dernièrement, Pierre Oliver, qui est le maire du 2e arrondissement, a lancé sa propre concertation. À peu près 4 600 réponses obtenues qui ont toutes donné un 3 sur 10 à ces deux projets. Ma première question sera pour vous, Maxime Le Moing. Vous êtes à l'origine d'une pétition qui pointait du doigt justement ces deux sujets, fermeture de la Rue Grenette et piétonnisation de la Rue de la République. Pour quelles raisons ?

MLM : Ce n'est pas moi personnellement qui suis à l'origine, mais plutôt Antoine, effectivement, présent ici. L'idée, c'était d'attirer l'attention déjà des personnes sur ce projet qui était peu connu ou pas connu. Et deuxième chose, de prendre le temps aussi d'analyser, de comprendre vraiment ce qu'il y avait derrière. Quand on piétonnise une Presqu'île, il y a tout ce qui va avec. Et aujourd'hui, on avait l'impression, en fait, que beaucoup de gens n'étaient pas au courant, pas interrogés, etc. Et on a essayé d'alerter en fait sur les usages notamment de cette Presqu'île.

Antoine Nanterme, vous êtes avocat. Vous avez l'habitude de travailler les dossiers en profondeur. Qu'est-ce qui "cloche", j'allais dire, dans ce dossier-là ?

AN : À mon sens, plusieurs sujets. Premièrement, on déplace les problèmes. En fait, on fait des reports de circulation, des reports de flux. C'est un point qui est très important. La deuxième chose, c'est qu'on fait des sous-projets qui sont par zone et après on en tire une conclusion d'ensemble, sans peut-être faire de l'interconnexion. On a un sujet de concertation, on propose A, B, C ou D éventuellement, mais on ne peut jamais être contre ces concertations. Finalement, on recueille toujours de l'adhésion. Et enfin, on a un vrai sujet, à mon sens, de méthode. C'est-à-dire qu'on va engager des millions d'euros sur un projet sur lequel on n'a pas fait d'études d'impact préalables indépendantes. Donc là, en termes de légalité, il y a quand même une vraie question de fond.

Vous soulevez un point juridique. Ces études d'impact, c'est une obligation pour un tel projet ?

AN : Ça l'est sur un tel projet. On a 40 000 m2 qui vont être impactés. La Presqu'île, c'est un sujet énorme.

Effectivement, il y avait un recours qui avait été déposé en justice il y a quelques mois contre le projet de piétonnisation de la Presqu'île. On en est où aujourd'hui ?

AN : Eh bien, vous avez raison. Donc le recours a été déposé en mai 2023 par un cabinet spécialiste. Le principal grief qui était soulevé, c'était justement cette absence d'études d'impact. On a plusieurs fois attiré l'attention des élus sur ce sujet-là. Pas de réponse à ce stade. Six mois après, on n'a toujours pas de réponse. Puis on apprend cette semaine, en fait, à une question qui a été posée par Maxime Le Moing en réunion publique, qu'effectivement, les études n'ont pas été faites en amont de la décision. Donc, a priori, on peut imaginer que le juge, dans les semaines à venir, va invalider la décision de la Métropole. Donc c'est quand même un vrai sujet. On engage encore une fois beaucoup d'argent dans un projet qui n'est pas légal.

Finalement, on est tous citadins, on habite tous en ville. Donc on est tous d'accord pour dire que moins de voitures, moins de pollution, plus de végétation. On est tous d'accord sur le principe. Est-ce que ce n'est pas finalement le sens de l'histoire, la piétonnisation des centres-villes, et notamment du centre-ville de Lyon ?

MLM : Le sens de l'histoire, à quel point ? En fait, il faut se poser aussi la question des usages actuels, c'est-à-dire pourquoi aujourd'hui les personnes prennent leurs véhicules, pourquoi ils se rendent en Presqu'Ile ou pourquoi ils passent par la Presqu'Ile. Parce qu'on apprend que la globalité, en fait, une grande partie du trafic est un trafic de transit sur la Presqu'Ile. Mais on voit que ça bouchonne déjà. Et on va finir par bouger beaucoup de flux qui passaient par la rue Grenette, sur d'autres axes, notamment Perrache, qui est déjà saturé et qui a déjà énormément de pollution.

Avec un projet de piétonnisation du cours Charlemagne également.

MLM : Et également par le sud de Bellecour, où là on va faire passer encore des véhicules sur les quais du Rhône après. Et donc on se retrouve avec des quais qui sont déjà saturés, une pollution énorme. Et notamment, on le voit aussi du côté de la Croix-Rousse, du tunnel de la Croix-Rousse, avec l'école Michel Servet qui avait fait remonter d'ailleurs des problématiques liées au pic de pollution. Qu'est-ce que ça donnera demain quand on va injecter dedans de nouveaux trafics et également quand on va aller réduire le nombre de voies ? Je pense que logiquement, on peut s'attendre à ce que la pollution augmente encore davantage sur ces axes-là, et voir même qu'on arrose à nouveau des gens qui n'étaient pas touchés jusqu'à maintenant par certains pics de pollution.

Parce que l'idée de Grégory Doucet, maire de Lyon, Lyon Capitale avait fait un gros sujet, c'est effectivement de prendre l'exemple barcelonais, finalement Collomb était déjà sur le modèle barcelonais, Grégory Doucet ne change pas aussi. C'était de faire des superblocks, c'est-à-dire de déporter la circulation en dehors de la Presqu'Ile.

AN : Donc c'est ce qu'on dit, on ne règle pas le problème, on le déporte. Sur des axes, ils sont déjà largement saturés. C'est un vrai sujet de mobilité, on a un équilibre qui est très précaire sur ce quartier-là, ces changements, qui sont des changements monstrueux, vont avoir un impact à la fois en mobilité sur les commerces, sur les professions libérales, on a un vrai sujet, il suffit d'en regarder à Saint-Jean : aujourd'hui Saint-Jean, c'est une zone touristique, pourtant c'est déjà piétonnisé.

Le président de l'association Renaissance du Vieux Lyon, qui disait que ce projet de piétonnisation allait "tuer le centre-ville des Lyonnais". Partagez vous son avis ?

MLM : Je pense qu'on peut tous le partager, quand on voit ce qui est devenu Saint-Jean aujourd'hui, c'est vrai que c'est un lieu agréable, mais un lieu principalement touristique. La Presqu'Ile de Lyon a été reconnue aussi au patrimoine de l'Unesco, la ville de Lyon et le centre-ville via la Presqu'ILe a été reconnu au patrimoine mondial de l'Unesco. Pourquoi ? Parce qu'elle est habitée, c'est aussi sa spécificité, et c'est aussi ça qu'il faut prendre en compte dans l'ensemble des projets de piétonnisation, c'est qu'il y a des gens qui sont habitants. Comment on fait pour ne pas réduire leurs usages, leur permettre quand même de prendre leur voiture de manière mesurée, les week-ends, sortir éventuellement de la ville, et puis d'autre part, comment on peut leur permettre aussi d'accéder à tous les services qui sont présents ici en Presqu'île, qui sont très utiles à l'ensemble des Lyonnais, et des grands Lyonnais même plus largement.

Les dernier mot Antoine Nanterme ?

AN : J'ajoute que c'est un vrai sujet sur les activités d'étages, les professions libérales, les médecins, les avocats, les huissiers, les notaires, ce ne sont pas vraiment qu'on ne les a jamais vraiment interrogés sur ces sujets-là, et en termes de clientèle, c'est un problème.

Ce sera le mot de la fin. Merci messieurs d'avoir accepté notre invitation.

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