Les primaires "citoyennes", avec près de 2,5 millions d'électeurs, constituent un vrai succès pour les socialistes et plus largement pour la démocratie. Chaque fois que le peuple est consulté on ne peut en effet que s'en réjouir et même l'UMP, qui avait un temps raillé cette innovation, s'est rangée à cet avis.
Pour autant, le plus difficile reste à accomplir : les socialistes doivent maintenant transformer l'essai, faire la preuve de leur capacité à se rassembler autour d'un projet solide et cohérent, puisqu'aucun leader naturel n'est parvenu à se détacher. Le deuxième tour reste très ouvert et Arnaud Montebourg, qui s'exprimera ce soir sur ses intentions, est d'ores et déjà la personnalité la plus courtisée de France.
On peut imaginer que les voix qui se sont portées sur la candidature du bouillonnant bourguignon se reporteront plus facilement sur Martine Aubry, perçue par les socialistes plus à gauche que François Hollande, lequel a, sur le papier, moins de réserves de voix. Tous deux semblent pourtant en capacité de battre Nicolas Sarkozy en 2012, ce qui complique encore les choses et rend caduque la notion de "vote utile".
Pour les socialistes, le danger se situe ailleurs : ils peuvent en effet perdre tout le bénéfice de ce bel exercice de démocratie participative -cher à Ségolène Royal, déjà lâchée en direct par sa porte-parole Najat Vallaud-Belkacem ce matin sur France Inter- en se livrant cette semaine à des tractations qui les renverra irrémédiablement aux pratiques politiciennes détestables du passé.
Car comment concilier la "démondialisation" de Montebourg, la retraite à soixante ans de Martine Aubry et la social-démocratie raisonnable de François Hollande ? Pour être crédibles, les deux candidats qualifiés doivent éviter l'effet "coup de ciseaux" et s'abstenir de draguer trop ouvertement les voix du troisième homme. Ils risqueraient d'y perdre leur âme et de se présenter affaiblis dans la campagne présidentielle.
Pour François Hollande, il s'agit de préciser ses propositions et de "se mouiller" davantage. Contraint de descendre dans l'arène, il ne peut plus se contenter d'être le champion des sondages et rester au-dessus de la mêlée. Il lui faut convaincre tout le peuple de gauche -et pour une part aussi les déçus du sarkozysme- qu'il "a les épaules"' qu'il est capable de décider, de trancher, bref, qu'il n'est pas le représentant de cette "gauche molle" comme l'accuse à mots à peine voilés le camp de Martine Aubry.
Pour la maire de Lille, il s'agit a contrario de ne pas gauchir encore davantage son discours. Or la tentation est grande, le centre de gravité du PS s'étant déplacé à gauche. Mais la présidentielle n'est pas une élection entre socialistes. Martine Aubry doit dérouler un véritable programme de gouvernement et ne pas se contenter de slogans creux et irresponsables au moment où l'Europe tout entière connaît une crise sans précédent, avec des finances publiques au plus mal.
L'un comme l'autre se retrouvent face à leur destin. C'est le moment de démontrer qu'ils sont à la hauteur de la tâche. Celle ou celui qui gagnera en 2012 sera la personnalité qui, au-delà de son seul camp, saura d'ores et déjà gagner la confiance des Français et incarner cette alchimie si particulière de l'élection présidentielle : c'est là tout le paradoxe de ce deuxième tour à venir, il s'agit que la victoire du 16 octobre ne soit pas pour la gauche une victoire à la Pyrrhus. Le plus sûr moyen pour l'éviter, c'est de continuer à jouer le jeu des primaires et de laisser les électeurs décider librement, en leur âme et conscience. Car on ne peut pas à la fois se soumettre à leur vote souverain et se livrer à des tractations d'apparatchiks, ce serait incompréhensible et dévastateur.
"Faire rêver", "restaurer la confiance", tout en s'appuyant sur un projet réaliste et réalisable n'est pas la moindre des difficultés. Face à un président très affaibli -mais redoutable en campagne- l'occasion est historique pour la gauche. Il s'agit pour elle de se choisir un candidat qui ne se contente pas de flatter "le peuple de gauche" mais qui devra conduire la France sur la voie du succès et en finir avec la corruption et les conflits d'intérêt qui gangrènent notre "République des mallettes". Cette soif de renouveau, portée par le talent oratoire d'Arnaud Montebourg durant la campagne, doit désormais être déclinée par les deux candidats en propositions concrètes et extrêmement précises et, si possible, chiffrées. Si nouveau "pacte" il doit y avoir, c'est aux électeurs de le nouer, maintenant que l'épisode de Marrakech appartient à la préhistoire.
Didier Maïsto
Directeur de la publication
On lit :' ...Ségolène Royal, déjà lâchée en direct par sa porte-parole Vallaud-Belkacem ce matin sur France inter...'Il n'y a absolument pas eu de 'lâchage'.Pourquoi faut-il donc que ce genre de désinformation continue ?
- Vous restez porte-parole de Ségolène Royal ? - Jusqu'à la fin de la semaine. - Jusqu'à la fin de la semaine ? - (Rire un peu forcé). Oui, après on sera les porte-paroles du candidat socialiste.Ce n'est pas très élégant. En plus elle n'a cessé de répéter que le mauvais score de SR c'était 'la faute des sondages'... Un peu court et carrément langue de bois.
1) Elle est porte parole de SR dans son équipe de campagne. Etant donné le résultat d'hier, la campagne de SR est hélas terminée.2) Sondages et medias. On peut se poser des questions. Avant qu'éclate l'affaire du Sofitel, DSK était 'favori des sondages'. Or, Président du FMI, il n'avait pas le droit (devoir de réserve) de parler de politique française, et encore moins d'un éventuel programme. Quel genre de sondés aurait donc pu installer en tête des intentions de vote un type qui viendra 'peut-être', et qui n'a pas de programme ? Cette remarque mérite, me semble-t-il, un peu de réflexuin.
1) Formellement c'est vrai, mais ce qu'on a entendu résonnait différemment. Elle aurait pu dire quelque chose de plus positif, de plus chaleureux, dans le genre 'porte-parole ou pas je me sens proche de ses idées, je ne vais pas changer du jour au lendemain, on verra plus tard pour ce genre de détails'...2) Les sondages posent effectivement beaucoup de questions. Mais faut-il pour autant les supprimer ? Faut-il casser le thermomètre quand la fièvre est trop haute ? Je crois que les Français prennent les sondages pour ce qu'ils sont, un outil, ni plus ni moins. Et puis jamais le favori des sondages n'a été élu à 6 mois d'une présidentielle, les gens font ce qu'ils veulent ! 3) C'est triste pour SR, qui a porté pas mal d'idées mises en oeuvre aux primaires. Mais l'important c'est que la gauche gagne non ? L'important c'est le projet.
@ Chris,1) Je n'ai pas entendu la 'résonnance différente'. Avant de répondre à cette dernière question, Najat VB avait rappelé la plupart des points forts du programme de SR ( licenciements boursiers, finances,...). Elle aurait pu répondre, suggères-tu après réflexion. La question était sans doute déconcertante, car au fond elle n'était logiquement pas à poser.2) Interdire...? Je n'ai pas vraiment dit ça. Mais étant donné ma remarque (et autres étrangetés relevées pendant cette campagne), on doit se poser des questions. En clair : medias et sondages sont-ils devenus armes de manipulation, à une époque où les gens sont de + en + stressés ( crise, boulot, chômage et entrevues,...), vivent à un tel rythme qu'ils font confiance aux résumés les plus attitants par leur forme, au détriment du fond ? A noter : avant l'affaire Sofitel, la pub de Nel Obs pour DSK avait été énorme, pire que P-Match pour Sarkozy ou Monaco ! J'ai envoyé un mot à ce sujet, poli, argumenté et tout, pour le courrier des lecteurs. Reçu l'accusé de réception, mais mon courrier n'est jamais passé. Evidemment, ils en reçoivent beaucoup...Mais j'ai eu un deuxième truc qui a aussi été mis à la poubrlle. (NB : pour moi, c'est pas grave, je n'espérais pas me faire engager par le Nel Obs. Je constate, et m'interroge...)
Ca c'est une vraie question, les médias se copient beaucoup les uns les autres. Un moment, une personnalité émerge et tout le monde se jette dessus, les agences de com et de pub sont très fortes pour ça. Cela existe aussi dans d'autres domaines, art, littérature, cinéma, chanson (mais c'est moins grave sans doute). Je ne crois pas qu'il y ait de 'complot', de volonté de nuire, juste une grande paresse intellectuelle. J'invite untel à un JT, je me pâme, je m'extasie et le lendemain tout le monde fait de même. Ca me rappelle un dessin de Brétécher, avec cette légende : 'Hier personne la connaissait et aujourd'hui tout le monde s'excite dessus comme une bête'.
Et nous n'avons pas de réponse à cette question, Chris. Paresse intellectuelle ? Peut-être. Ou alors impossibilité à suivre le rythme actuel ? Je ne sais pas.( Volonté de nuire, 'nuire pour nuire', je ne crois pas. Mais volonté de déstabiliser une personne dérangeant un certain désordre établi, peut-être.)Ceci dit, je tiens à rappeler que j'ai trouvé l'intervention de Najat VB très courageuse et très digne, après l'énorme déception qu'elle avait encaissée hier soir. C'est simplement à cause du fait qu'on la dénaturait (désinformation...) que j'ai posté un comm.NB : dans mon comm précédent, manquaient trois points de suspension ligne 5, entre '...répondre...,' et 'suggère'.
il serait intéressant de savoir, avant le 2ème tour, qui parle le mieux les langues étrangères.
il serait tout aussi intéressant de savoir, avant le 2ème tour, qui parle le mieux la langue de bois.
je ne pense pas que l'on puisse parler de succès au niveau national, parce le nombre de suffrages exprimés lors de ces primaires ne représente qu' à peine 7% les 43 millions d'électeurs inscrits sur les listes électorales