La cour d'Assises du Rhône juge jusqu'au 19 décembre treize hommes pour contrefaçon de monnaie et contrebande. Ce procès lyonnais ne constitue toutefois qu'un volet d'une affaire tentaculaire car, sur les 44 rouleaux de papier fiduciaire volés le 30 novembre 2006 à Marseille, quatre seulement ont visiblement été utilisés par les accusés.
Un "patron" qui n'en est pas forcément un
En ce mercredi, Antoine Alcaraz est le premier accusé interrogé sur les faits; celui-ci est perçu comme "le patron" par d'autres accusés. Le visage sec, un peu plus de soixante ans, il va prendre sa retraite lorsqu'un certain Mathieu le contacte début 2009. Sa mission : trouver un imprimeur pour réaliser de faux billets étrangers, "il y a de l'argent à faire", soupire-t-il, quelque peu dépité.
Commence alors une longue description de son rôle dans cette affaire durant cette même année : la mise en réseau avec des Lyonnais et des Stéphanois pour fabriquer la monnaie, les livraisons à Paris qui n'ont pas convaincues, les billets mal faits et "qu'il fallait refaire", assène-t-il. L'homme décrit minutieusement leur faux pas : "Il fallait imprimer en jet d'encre et non avec du laser", précise-t-il.
Bref, comme le souligne le président de la cour d'Assises, "pendant 6 mois, vous avez tout fait pour améliorer le produit ?" Antoine Alcaraz confirme : "Franchement, ça été une grande souffrance, on a fait une bobine pour rien, on était responsable". Le président le reprend, presque étonné : "Vous qui êtes de la même génération que moi, vous savez bien que faire des faux billets c'est un risque pénal".
Presque gêné, l'accusé baisse la tête "on était pris dans un espèce d'engrenage, on avait une responsabilité à assumer". Tellement dans l'engrenage, qu'il n'hésite pas à s'exclamer "il est magnifique" lorsqu'enfin un billet de bonne tenue est réalisé en septembre 2009.
"Je reconnais mes responsabilités"
Alors qu'il peut apparaître comme le cerveau de l'affaire, pour son avocat Hervé Guyenard "il n'est simplement qu'un rouage, il n'a pas les rouleaux, il n'a pas l'encre, il a juste mis en relation les gens". Son client a toujours accepté ses responsabilités et reconnaît aujourd'hui "n'avoir pas eu l'impression de pouvoir déstabiliser l'économie d'un pays" en fabriquant ces faux billets. Au total ce sont 15 milliards de dinars qui ont été contrefaits soit 152 millions d'euros.
De son côté, l'avocat général, Bernard Rabatel, tente de pousser l'accusé à révéler certains noms, sinon certains faits. "Dès que l'on va vers le sud, vous êtes hésitant, vous êtes oublieux, avez-vous peur ?", lance-t-il. Un brin tendu, Antoine Alcaraz répond d'une voix qui se veut rassurante : "Non, je n'ai pas peur". Et pourtant Bernard Rabatel lui rappelle que son propre fils a préféré fuir la France et s'installer au Brésil après avoir été menacé par deux hommes.
On est un peu loin du profil type de malfrats de haut vols malgré des faits d'escroquerie pour lesquels Antoine Alcaraz avait déjà été condamné, simplement un homme qui aspirait à une douce retraite. L'interrogatoire des autres accusés va se poursuivre sur plusieurs jours afin de déterminer le rôle de chacun. Le verdict est attendu pour le 19 décembre.