Dépôt des consignations, intérêt à agir, caractérisation des faits, les avocats des six prévenus ont pointé du doigt plusieurs exceptions de nullité et d’irrecevabilité dans le dossier Barbarin ce lundi matin. Des arguments techniques qui pourraient aboutir à l’annulation de la procédure pour omission de porter secours, comme l’a souhaité la procureure de la République. Celle pour non-dénonciation devrait continuer.
Procès médiatique et procès de l’Église, le procès de l’affaire Barbarin a commencé ce lundi au tribunal de grande instance de Lyon. Plus de cent journalistes sont accrédités pour les trois jours d’audience, qui ont débuté ce matin par les arguments des différents suspects. Le cardinal est arrivé l’air fermé au milieu des flashs et des caméras. Sur le banc des accusés, personne ne fait défaut. Maurice Gardès, archevêque d’Auch, Thierry Brac de La Perrière, évêque de Nevers, Xavier Grillon, vicaire épiscopal dans l’Ouest lyonnais, Régine Maire, déléguée à l’écoute des victimes du diocèse de Lyon, et Pierre Durieux, ancien directeur de la communication du diocèse de Lyon, sont tous présents.
Pour Me Luciani, “il y a confusion”
Leurs avocats ont rapidement dénoncé la procédure et le manque d’intérêt à agir des plaignants, que ce soit sur le délit d’omission de porter secours ou sur celui de non-dénonciation des actes pédophiles du père Preynat. Sur l’omission de porter secours, Jean-Félix Luciani, l’avocat du cardinal Barbarin, a souligné que “les faits dont se plaignent légitimement” les parties civiles avaient “eu lieu quand ils étaient mineurs et que ces faits [s’étaient] arrêtés avant la nomination du cardinal à Lyon en 2002”. L’avocat a regretté ne pas “savoir quel est précisément leur intérêt à agir, sans lequel il est impossible de mettre en mouvement l’action publique”. “En quoi l’omission de porter secours peut léser l’intérêt particulier des uns et des autres ? Il y a une confusion entre le rôle de plaignant et celui de ministère public”, a-t-il ajouté.
Sur la non-dénonciation, le ténor du barreau lyonnais a assuré que Philippe Barbarin avait été “bouleversé par le récit de M. Dussot-Hezez” et a encore une fois questionné l’intérêt à agir des parties civiles. “Il faut un préjudice actuel, personnel et certain et que ce préjudice résulte de chacune des infractions poursuivies. Or, là, il y a confusion. On parle de débat citoyen ? Est-ce le lieu ? Êtes-vous devenue la 3e chambre parlementaire, madame la juge ? Le tribunal correctionnel est le lieu des souffrances et de l’honneur, pas de ça”, a conclu l’avocat.
“Vous n’avez rien compris aux souffrances des victimes”, répond Me Debbache
De leur côté, les parties civiles ont assuré que leur intérêt à agir était caractérisé sur les deux délits. “Ces parties civiles ont décidé d’agir parce qu’ils avaient peur pour les enfants au contact de Preynat”, a souligné Me Debbache, l’avocate de François Devaux. “Il est inaudible d’entendre qu’il n’y a pas d’intérêt direct et personnel pour agir, a-t-elle poursuivi. Cela revient à dire que vous n’avez rien compris des souffrances des victimes d’agression sexuelle. Ce fait d’être maintenu dans le silence, même adulte, pour dénoncer soi-même les faits. Et ici, le seul élément qui a obligé les parties civiles à sortir de cet état, c’est la protection des enfants.”
Rendez-vous cet après-midi pour le fond
La procureure de la République a rejeté la plupart des exceptions de nullité et d’irrecevabilité, à l’exception de celle sur l’omission de porter secours, sur laquelle “la question se pose”, estime-t-elle. “Cette non-assistance pourrait concerner des enfants qui depuis 1991 auraient croisé M. Preynat. Or aucune partie civile n’a d’intérêt à agir sur ce fondement”, selon elle. La présidente du tribunal tranchera ces demandes de forme à la reprise de séance à 14 heures avant d’envoyer au fond. Le reste de la journée sera consacré à l’audition des différents prévenus. “On a hâte que les arguments techniques se terminent pour aller dans le fond du dossier”, a confié François Devaux à l’issue de cette audience matinale.
« Dans la vie il y a des gens prêts à vous aider, et d'autres à vous enfoncer. «
Proverbe malgache ; Les proverbes malgaches en dialecte masikoro (1996)