A Paris, un procès exceptionnel sur une escroquerie à la taxe carbone s'achevait hier après cinq semaines d'audiences. Fabrice Sakoun, le cerveau de l'affaire, a été interpellé sur le yacht de Stéphane Alzraa, un truand lyonnais « ami » de Michel Neyret, l'ex n°2 de la police judiciaire lyonnaise (cf.article).
C'était une première au tribunal correctionnel de Paris. Jamais la justice française n'avait eu à juger d'une escroquerie de cette ampleur sur le marché du dioxyde de carbone. De mars à juin 2009, les six accusés ont touché le jackpot. 43 millions d'euros ont été soustraits aux caisses de l'Etat via un système de fraude à la TVA sur le marché du dioxyde de carbone. 17 prévenus, tous proches du milieu des grossistes en textile, se sont succédés à la barre de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Fabrice Sakoun, le cerveau de l'affaire parisienne et Stéphane Alzraa, l'escroc lyonnais mis en examen pour corruption et trafic d'influence et écroué à la maison d'arrêt de Fresnes, avaient les mêmes méthodes. D'après nos informations, les deux hommes se connaissaient et montaient des « affaires » ensemble. Fabrice Sakoun a d'ailleurs été interpellé à Cannes sur le yacht de Stéphane Alzraa.
25 millions d'euros sur un compte en Israël
L'arnaque consistait à acheter des quotas de CO2 hors taxe en Hollande et de les revendre en France TTC. Les « faux » traders empochaient les 19,6% de TVA sans les reverser à l'Etat français. Ils les faisaient transiter sur des comptes à l'étranger : entre l'Ecosse, Hong-Kong et Israël. Les enquêteurs de la PJ ont bloqué 25 millions d'euros dans une banque à Tel-Aviv.
Une absence de réglementation du marché
Lors du dernier jour d'audience, les avocats assuraient la défense de quatre prévenus, accusés pour certains d'escroquerie et de fraude fiscale, pour les autres de blanchiment. Complice de M.Sakoun, David I. était considéré comme le « trader » de la bande. En trois mois, il a réalisé plus de 360 transactions sur le marché du CO2 et a empoché la coquette somme de 300 000 euros pour sa participation. Son conseil met en avant l'absence de réglementation du marché à l'époque et demande une relaxe de l'accusation d'escroquerie. « La cellule Tracfin a alerté le gouvernement plus de 50 fois fin 2008 et le gouvernement n'a pas bougé », explique l'avocat. « Mon client avait l'intention de détourner de la TVA mais derrière cela, il n'y avait pas de manœuvres frauduleuses. »
Une partie de la défense s'appuie sur la lenteur de l'Etat à exercer un contrôle sur le marché du dioxyde de carbone. Alerté à plusieurs reprises fin 2008, le cabinet de Christine Lagarde, alors ministre de l'économie et des finances, n'a décidé de supprimer la TVA qu'en juin 2009. Soit près de six mois après les premières alertes. Aujourd'hui, l'ensemble des transactions frauduleuses sur les droits d'émission de CO2 dans l'Union européenne aurait fait perdre 1,5 milliard d'euros au trésor public français. Une quinzaine d'instructions sont d'ailleurs en cours à Paris. Quant à Europol, l'institution estime ce préjudice à 5 milliards d'euros au niveau européen.
Bruno Nataf, le procureur, a requis des peines allant de 1 an de prison avec sursis à 7 ans ferme, assorties d'amendes, dont 1 million d'euros pour Fabrice Sakoun. Le délibéré est prévu pour le 11 janvier 2012.