@WilliamPham

Projet de tram T6 nord à Villeurbanne : le tram pourrait coûter (beaucoup) plus cher que prévu

La future ligne de tram T6 nord doit relier les Hôpitaux-est, à Bron, à la Doua, à Villeurbanne en traversant le centre-ville de Villeurbanne, aux Gratte-Ciel, par l'axe sud-nord. Le projet était estimé à 140M d'euros par le Sytral. Mais l'enveloppe budgétaire a été réévaluée à un montant de 186M d'euros. En raison notamment de deux terrains à acquérir. Explications.

En juin dernier, au moment du choix définitif du tracé du futur T6 nord entre les Hôpitaux-est et la Doua, le Sytral avait annoncé un budget global estimé à 140M d'euros pour ce projet. Ce T6 nord doit relier, en 2026, Bron à Villeurbanne en passant notamment par Grandclément et les Gratte-Ciel et en maillant Villeurbanne, la 2e ville la plus peuplée de la Métropole de Lyon, selon l'axe sud-nord, alors que le métro A maille la ville selon l'axe est-ouest. Près de 55 000 voyages/jours et une fréquence de 7 minutes en heures de pointe sont prévus à horizon 2030 sur l’ensemble de la ligne T6.

Les discussions avaient été vives au printemps 2021 notamment autour du choix du tracé définitif. A l'époque, un tracé rouge et un tracé vert avaient été soumis à la concertation. Le manque de transparence du Sytral avait été pointé du doigt (papier à retrouver sur Lyon Capitale). Le "rouge", l'historique, soutenu notamment par le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, avait été retenu.

Lire aussi : Tram T6 à Villeurbanne : le tracé "rouge" retenu, les réactions du maire Cédric Van Styvendael et de Béatrice Vessiller

A l'époque donc, le budget global était estimé à 140M d'euros avec un surplus de 7,5M d'euros pour le tracé "vert", finalement donc pas retenu.

De 140M d'euros, l'enveloppe budgétaire réévaluée à 186M d'euros

Ce vendredi 10 décembre, lors du conseil syndical du Sytral, a été votée l'approbation du dossier d’enquête publique préalable en vue de l’ouverture d’une enquête publique (en 2022) qui devrait confirmer la Déclaration d’Utilité Publique du projet (DUP). "Compte-tenu de l’avancement des études et au regard des emprises foncières à acquérir par le SYTRAL, l’enveloppe budgétaire est réévaluée à un montrant de 186,2 M€", précise le Sytral.

186M d'euros ? Et plus 140... Car deux acquisitions foncières, sur ce tracé du T6 nord, pourraient coûter (beaucoup) plus chères que prévues. Notamment la parcelle de la société ACI (Auto chassis international), filiale à la 100% de la marque au losange, Renault. Un emplacement de 5 hectares qui va être traversé par le futur tracé du T6, au coeur de Villeurbanne. Une autre parcelle "pose problème", sur la route de Genas.

Béatrice Vessiller, vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de l'urbanisme, pilote aussi ce projet T6 nord au Sytral. Elle s'en est expliquée lors du conseil syndical ce vendredi : "Dans le chiffrage initialement réalisé par le Sytral, on n'avait pas compté individuellement le foncier ACI, car dans nos discussions avec le propriétaire d'ACI, Renault, il était envisagé un autre montage financier qui fait qu'on aurait pas eu cette dépense-là. Les négociations sont en cours avec Renault. Dans les solutions qui pourraient être trouvées, il faut faire apparaitre ce budget au jour d'aujourd'hui de 15 millions d'euros. Mais au final, ça ne devrait pas être aussi important..."


"Ces évolutions financières ne seront peut-être pas aussi importantes au final"

Béatrice Vessiller, vice-présidente de la Métropole de Lyon et du Sytral


Sur l'autre parcelle, route de Genas, Béatrice Vessiller explique : "il y a un autre foncier qui est assez cher dans les acquisitions, c'est route de Genas, où il faut indemniser une entreprise sur un montant important - même si au final le Sytral devrait avoir une recette sur ce budget de dépense - mais dans la nouvelle évaluation des acquisitions foncières, il faut mettre ces montants importants. C'est le fait d'avoir approfondi les études sur les impacts fonciers qui nous conduisent à ces évolutions financières qui au final ne seront peut-être pas aussi importantes mais qu'il faut afficher en tant que telles". D'où le (fort) surcoût, selon le Sytral.

Au conseil syndical du Sytral, ce vendredi, l'opposition s'est forcément émue de la réévaluation de l'enveloppe budgétaire. "Des modifications pareilles au niveau des pré-budgets, ça peut remettre en cause des projets ou des passages de projets. On ne peut pas se permettre de renouveler régulièrement ce genre de choses. Si on avait su ou imaginer cela, le trajet n'aurait peut-être pas été identifié comme tel", rétorque Laurence Croizier, élue de droite, élue aussi à la Métropole de Lyon, évoquant un surcoût important de "30%". Au printemps, lors du choix du tracé définitif, si le tracé rouge avait été retenu après l'analyse multicritères, c'est parce qu'il était moins contraignant en terme d'insertion urbaine et d'impact foncier, mais aussi annoncé moins cher (7,5M d'euros en moins) que le tracé vert. Or, si la route de Genas était située sur un tronc commun aux deux variantes, seul le rouge traversait la parcelle ACI...

Les deux tracés qui avaient été soumis à la concertation du Sytral en rouge, l'autre en vert) @Sytral

Après l'intervention de Laurence Croizier, Béatrice Vessiller a précisé : "Si du coup le Sytral est obligé d'acheter le terrain ACI pour ce montant-là (15 millions d'euros), la Métropole de Lyon remboursera la partie qui ne sera pas nécessaire au passage du tramway. C'est pour ça que ces coûts indicatifs sont élevés mais qu'au final, ça ne sera pas le bilan réel des coûts fonciers sur ce projet-là. Ca sera la même chose sur l'autre foncier industriel sur la route de Genas. On est encore en discussions".

Thomas Rudigoz, député En Marche de Lyon, conseiller également à la Métropole de Lyon, est alors intervenu : "Madame Vessiller, ce n'est pas très clair. Vous dites que ça ne sera pas aussi important ? Que ça serait peut-être lié à une prise en charge du foncier par la Métropole... Mais si c'est le cas, ça sera toujours de l'argent public. Ca reste un surcoût important pour les finances publiques".


"Si le Sytral devait acheter, toute une partie serait reprise en charge par la Métropole de Lyon"

Bruno Bernard, le président du Sytral... et de la Métropole de Lyon


La président du Sytral et de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, a alors pris la parole. "Le dossier est complexe. Nous sommes en train de négocier pour la friche ACI. Nous sommes en train d'aboutir après une négociation longue à une solution. Il est tout à fait possible que le Sytral n'achète rien. Et il est possible que pour gagner du temps, finalement le Sytral achète. Mais dans tous les cas, il était prévu que la Métropole achète car nous avons un projet urbain important sur ce site. Donc si le Sytral devait acheter, toute une partie serait reprise en charge par la Métropole. Car le Sytral n'a besoin que de très peu d'espace pour le passage du tram", souligne Bruno Bernard, à la double casquette.

Le tram doit passer sur une petite partie de la parcelle ACI. Le Sytral a seulement besoin de la petite partie de cette parcelle. Mais ACI, qui a quitté les lieux à la fin de l'année 2020, n'a aucun intérêt à vendre seulement une petite partie des 5 hectares. Les discussions s'éternisent avec la Métropole.

"On n'avait pas chiffré l'ensemble de la parcelle"

Béatrice Vessiller

Après le conseil, Béatrice Vessiller est revenue pour Lyon Capitale sur la réévaluation à la hausse de l'enveloppe budgétaire. "Pour ACI, on était parti sur l'idée au moment du chiffrage du projet que la Métropole, qui négociait avec Renault le propriétaire d'ASI aboutirait à un accord - et on est toujours sur cette idée-là - et donc que le Sytral n'achèterait que la bande nécessaire pour le tram. On n'avait pas chiffré l'ensemble de la parcelle. Pour la parcelle de la route de Genas, en avançant sur les études, on s'est rendus compte qu'il y a un impact foncier sur une entreprise où on pensait acheter juste une bande, or en fait l'entreprise telle qu'elle fonctionne, il faut acheter tout un bâtiment et c'est beaucoup plus cher que ce qui a été prévu au départ".

Béatrice Vessiller (@ Romain Lafabregue, AFP)

140M d'euros avaient été annoncés au départ. L'augmentation va donc être de près de 50 M d'euros ? "Une partie du surplus pourrait être payée par la Métropole qui elle-même après pourrait revendre des terrains constructibles donc aurait des recettes, mais au stade où on en est, dans le dossier d'enquête publique, il faut mettre en visibilité le coût prévisionnel de tout. Et si la Métropole et Renault n'arrivaient pas à se mettre d'accord dans le délai, il faut que ça soit le Sytral qui achète le terrain ACI, et c'est 15M d'euros", décrypte Béatrice Vessiller.

Le Sytral ne veut pas que la mise en service du T6 nord soit reportée, c'est prévu en 2026

Mais pourquoi est-ce si long à se mettre d'accord avec Renault, pour la friche de Villeurbanne, alors que l'entreprise a quitté la parcelle de 5 hectares fin 2020 ? "Il y a une démarche de cessation d'activité, de dépollution, de démolition des bâtiments, de désamiantage, c'est une procédure qui est lourde, que Renault ne veut pas faire. Renault veut trouver un promoteur qui va faire cette opération, lui acheter le foncier et tout dépolluer. Nous, on a un délai assez contraint et on veut être dans le calendrier de la livraison du T6 (prévu pour début 2026). Si jamais la discussion entre Renault, la Métropole de Lyon et un éventuel promoteur n'aboutissait pas dans le délai, il faudrait que le Sytral achète. D'où ce coût de 15M dont une partie sera remboursée", insiste la vice-présidente du Sytral et de la Métropole de Lyon, Béatrice Vessiller.

Le calendrier prévu pour le T6 pourrait-il être retardé ? On le rappelle :

  • Fin 2021-2022 : poursuite des études et finalisation des études
  • 2022 : enquête publique
  • 2024-2025 : travaux
  • 2026 : mise en service

"On fait en sorte que ça ne retarde pas le délai. Si on intègre ce coût (186M d'euros) aujourd'hui, c'est que si jamais les négociations entre Métropole, promoteurs et Renault n'aboutissaient pas, il faudrait que ce soit le Sytral qui achète. En sachant que le Sytral n'aura pas besoin de toute la parcelle car le tram traversera seulement une bande du terrain", conclut Béatrice Vessiller.

Lire aussi : "Tram T6 à Villeurbanne : quel tracé ? où en est-on ? Le manque de transparence du Sytral pointé du doigt".

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