Centre hospitalier Le Vinatier – Entrée des urgences psychiatriques © Tim Douet
Centre hospitalier Le Vinatier – Entrée des urgences psychiatriques © Tim Douet
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Psychose au Vinatier

Baisse drastique des budgets, suppressions de postes, engorgement des urgences, recrudescence des violences... Le Vinatier est sous tension, au point de pousser syndicalistes, infirmiers, cadres de santé et médecins à se mettre en grève. Enquête à Bron, dans le plus gros hôpital psychiatrique de France (26 000 patients par an).

“Bonjour, docteur. Vous n’avez pas une cigarette ? Ah, vous êtes journaliste… Ici, vous savez, c’est bien. C’est comme le parc de la Tête-d’Or, mais en plus petit. On a des daims. Là-bas, à la cafète, c’est mon copain, mais aujourd’hui il est un peu zinzin. Moi, je marche beaucoup, il faut que je m’entraîne pour le marathon. Vous n’avez pas une cigarette ? Au revoir, docteur.” 16h30, mardi 17 avril. Dans l’immense parc du Vinatier, boulevard Pinel (du nom de l’un des plus célèbres aliénistes français) à Bron, le soleil est de retour et les patients sont de sortie. Vraisemblablement plus qu’à l’accoutumée. “C’est vrai que la météo peut avoir une incidence sur l’humeur de nos patients”, confesse Stéphane Henriette, responsable d’un service de psychiatrie de l’adulte dans l’un des dix pôles spécialisés de l’hôpital.

Double injonction

Cent cinquante ans après sa création, le Vinatier n’est plus cette institution fermée pour “aliénés”. Le parc reste libre d’accès, aussi bien aux personnes de l’extérieur qu’aux patients hospitalisés. Comme à la Tête-d’Or, les bruits de la ville ne s’entendent plus. Ici, quelques plaintes tourmentées ponctuent le calme ambiant. Les patients se promènent, certains d’un pas lent et traînant, les épaules voûtées, le regard vide et les yeux brouillés ; d’autres, plus alertes, à un rythme soutenu, comme tendus vers un objectif chimérique. Soyons honnête, on croise aussi des zombies, vaguement alarmants, la bouche ouverte et un filet de bave à la commissure des lèvres, assommés par les neuroleptiques qu’ils avalent régulièrement. Mais pas de quoi prendre ses jambes à son cou (les malades les plus “perturbateurs” sont contenus dans des unités fermées, avec double enceinte, saut-de-loup, grillage, murs en béton armé, fenêtres garnies de barreaux ou vitres renforcées. Quant aux détenus souffrant de troubles mentaux, comme Nordahl Lelandais, ils sont placés dans une unité spécialement aménagée, au furieux look de prison). “L’hôpital psychiatrique doit faire face à une double injonction : “Enfermez-les car ils ont besoin de soins spécifiques, mais lâchez du lest car c’est pas l’asile non plus”, grince le psychiatre Jean-Pierre Salvarelli. Pour faire court, soit on est des tortionnaires fascisants qui mettons les gens sous camisole, soit d’inconséquents gauchistes qui laissons des “fous” dans la rue.”

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