Une réunion de crise est prévue mercredi avec tous les protagonistes. L'un des instigateurs de cette rébellion anti-Bayrou, le député européen Thierry Cornillet, s'explique.
Lyon Capitale : Avec Michel Mercier et Jean Arthuis, vous avez lancé un putch sur l'UDF-Modem...
Thierry Cornillet : Je ne sais pas si on peut parler de "putsch". C'est simplement l'expression d'une conviction. Depuis le premier tour de la présidentielle, la stratégie proposée par François Bayrou ne fonctionne pas. Ni droite ni gauche... ou plutôt "et droite, et gauche"... L'image est totalement brouillée ! On a perdu notre électorat du cœur, le centre droit, quand Bayrou a dit qu'il ne voterait pas Sarkozy au deuxième tour. Et il n'a pas gagné pour autant un électorat de gauche. Aux législatives, on a fait un peu plus de 7%... Après, il y a eu cette idée saugrenue de création du Modem. Au motif que l'UDF, c'était ringard, dépassé... C'est oublier qu'il a lui-même obtenu 18,57% avec l'étiquette UDF!
Quelle ligne défendez vous ?
Aujourd'hui, on ne sait pas où on habite. Il y a deux règles : un, la lucidité. Même si on peut le déplorer, la règle de la vie politique française, c'est un scrutin majoritaire à deux tours. Sauf si on fait 51% au premier tour, on est donc obligé d'avoir des alliés. Deuxième règle, c'est l'honnêteté. Ça consiste à dire à l'électorat quels seront ces alliés. En l'absence d'une vraie alternative social-démocrate, il faut choisir la majorité actuelle. L'UMP nous va très bien ! C'est avec eux qu'on gagne : toutes les villes qu'on a gagné l'ont été en alliance avec l'UMP. Et ce sont eux qui proposent des réformes. On ne peut pas avoir fait campagne à la présidentielle sur la réduction de la dépense publique et de la dette, et ne pas soutenir le gouvernement ensuite quand il essaye de le faire.
Allez-vous quitter l'UDF-Modem ?
Non ! Le paradoxe de Bayrou, c'est que depuis qu'il défend l'idée d'un centre fort, il y a de plus en plus de partis au centre ! Cette atomisation, c'est la victoire de la bipolarisation. Moi je suis pour un parti puissant, avec des élus. Il faut qu'on reconstitue une fédération du centre. Ça passe par l'UDF.
Quid du Modem ?
Si certains veulent que le Modem soit un parti qui propose un changement d'alliance, ils le feront. L'important c'est de clarifier. Et c'est bien au sein de l'UDF - Modem que j'ai l'intention de défendre mes idées.
En opposition à Bayrou ?
Non. Il veut un centre indépendant et fort. Moi aussi. Mais depuis qu'il est président de l'UDF, on a de moins en moins élus. On avait 9000 élus, il en reste 1500. De nos 30 députés, il en reste 3. Ce n'est pas ce que j'appelle une stratégie gagnante.
Sa stratégie passe par une victoire à la présidentielle...
Ça c'est du bourrage de mou. Vous pensez qu'on peut faire 51% tout seul ? Non. Alors il faudra bien qu'on ait des alliés... Lesquels ?
Le paradoxe, c'est que vous vous êtes toujours présenté comme l'aile gauche de l'UDF... Or aujourd'hui, c'est vous qui plaidez pour une clarification en faveur d'une alliance à droite !
J'ai toujours été quelqu'un de centre-gauche. Je l'ai démontré à la présidentielle et à la Région. Je suis d'ailleurs le seul élu UDF à n'avoir pas voté pour Charles Millon avec le FN en 1998 (contrairement par exemple à Anne-Marie Comparini, ndlr). Mais je ne comprends pas cette stratégie qui consiste à ne pas dire les choses à l'électorat. Si un jour M. Strauss-Kahn crée un parti social-démocrate libéré des communistes, et de l'aile la plus à gauche du PS, les Mélenchon et Emmanuelli, pourquoi pas... Mais je n'entrerai pas dans une stratégie "arc-en-ciel" à l'italienne, qui irait de Bayrou à Besancenot. J'ai été président du Parti Radical (1999-2000), parti qui s'est scindé en deux en 1976 sur la question de l'alliance avec les communistes. Je n'ai pas changé.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Mercredi, on a obtenu une réunion du comité directeur de l'UDF. C'est une première victoire, car ça prouve que l'UDF n'est pas morte ! Même si ce comité est complètement verrouillé par Bayrou, on est un certain nombre à vouloir relancer l'UDF, avec l'idée d'en faire une grande fédération du centre. On sera peut-être minoritaire un moment, mais on ne va pas leur laisser les clés de la maison, les locaux, les financements, comme ça...
Vous êtes vous mis d'accord avec Michel Mercier, trésorier de l'UDF-Modem, pour priver Bayrou des locaux de l'UDF et des financements publics ?
Non. On n'est pas là pour faire un hold-up. Ce n'est pas le débat de l'argent public. C'est le débat de la clarté... Je suis heureux de voir que M. Mercier et Jean Arthuis convergent sur mon analyse. Ils ne sont pas les seuls. Mais je comprends aussi qu'il y ait des Modem partisan d'une alliance à gauche. Qu'ils le disent ! Là, ça fait un peu parti de la gamelle. Je vais là où ça m'arrange.
N'est-ce pas incompatible d'avoir dans le même parti des gens qui divergent sur les alliances à mener ?
Et bien peut-être. C'est fort possible. Dans ce cas on en tirera les conséquences.
Lesquelles ?
On peut créer un parti, fusionner avec le Nouveau Centre, créer une fédération des partis centristes... On verra. Pour l'instant, il n'est pas question de laisser penser que nous sommes tous d'accord avec la ligne de François Bayrou. Sans parler des critiques récurrentes sur sa méthode de gouvernement. Il n'y a pas de dialogue.
Vous critiquez le "parti de la gamelle" de Bayrou... N'est-ce pas ce que vous faites en rejoignant la droite alors qu'elle est au gouvernement ?
Moi j'étais pour qu'on passe un accord après le premier tour de la présidentielle. On l'aurait fait, on aurait 7 ou 8 ministres et 80 députés. On se porterait mieux que d'en avoir que trois. Pour peser, c'est pas beaucoup. Quelle que soit l'agitation médiatique de Bayrou. Sur l'Otan, quand je le vois se référer à une position prise par le Général de Gaulle il y a 40 ans, ça me fait doucement rigoler... pour un centriste !
Bayrou est-il le bon candidat pour 2012 ?
Pour l'instant, cette question m'indiffère totalement. Je constate qu'il n'est pas le bon candidat pour réunir les centristes.
La stratégie de Bayrou semble plaire aux nouveaux adhérents du Modem, qui viennent souvent de la gauche...
Vous croyez ? Ceux qui viennent de la gauche, ils veulent s'allier avec la gauche. Quand on leur propose des alliances à droite, ils n'en veulent pas !
Souhaitez-vous qu'ils repartent ?
Je vais être très clair : entre tous les partis qu'il y a à gauche, le PRG, les courants du PS, l'extrême-gauche, c'est très étonnant qu'ils ne trouvent pas une chapelle où s'abriter. Pourquoi faut-il qu'ils viennent au centre ? Il ne faut pas me la raconter, en disant qu'ils sont centristes, à droite et à gauche... Moi je ne demande que de la clarté.
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