Donald Trump
Donald Trump, 47e président des États-Unis @ Maxppp
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“Quand la vie politique concerne des identités, le conflit devient ingérable”

Débats & Opinions. Mathieu Gallard décortique les étapes du processus de polarisation politique massive et analyse les scénarios d’évolution possibles de la démocratie américaine.

Mathieu Gallard vient de publier Les États-Unis au bord de la guerre civile ? Pourquoi les Américains se détestent (éditions de l’Aube), un livre dans lequel il décortique les étapes du processus de polarisation politique massive et analyse les scénarios d’évolution possibles de la démocratie américaine.

Lyon Capitale : Comment expliquer la “résurrection” politique de Donald Trump ? En effet, après la prise d’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, le correspondant du New York Times à Paris assurait que d’ici six mois plus personne n’entendrait parler de Donald Trump, “loin du pouvoir il ne sera plus rien”

Mathieu Gallard : Cela paraît en effet assez inexplicable, mais en fait, c’est assez logique. La vie politique américaine telle qu’on la percevait vue de France il y a encore 15 ans, c’était une alternance régulière entre deux partis qui ne se distinguaient pas très bien sur le plan idéologique, le tout dans le cadre de campagnes où les centaines de millions de dollars dépensés par les candidats permettaient de faire changer d’avis la masse des électeurs peu politisés. Rien n’est plus faux : la vie politique américaine, c’est au contraire désormais l’affrontement de deux partis qui disposent d’une colonne vertébrale idéologique solide et totalement antagoniste et qui s’appuient sur deux blocs électoraux que rien ne peut faire bouger. Dans ce contexte, même le plus modéré des électeurs républicains a préféré voter pour Donald Trump, à partir du moment où il était le candidat du parti, que de risquer l’arrivée au pouvoir de Kamala Harris. Et Donald Trump, malgré le 6 janvier 2021, n’a eu aucun mal à redevenir le candidat d’un parti dont il contrôle depuis son premier mandat les grands élus, les riches donateurs ou les relais médiatiques et d’influence. Si vous ajoutez à cela qu’une partie grandissante de l’électorat républicain évolue dans un contexte où les informations qu’il reçoit n’ont plus qu’un rapport assez lointain avec la réalité, rien n’empêchait en réalité Donald Trump de redevenir le candidat de son parti, même si ça ne suffisait pas forcément en tant que tel à être réélu à la Maison-Blanche.

Cette élection peut-elle se résumer à la peur des uns contre la colère des autres ?

Pas tout à fait. Il y a effectivement deux camps très solides et étanches qui s’affrontent, et qui étaient tous les deux avant tout motivés par la peur que l’autre camp remporte le scrutin, une perspective véritablement terrifiante pour eux. Mais ça, ça explique pourquoi n’importe quel candidat à la présidentielle qui sera nommé aussi bien par le parti démocrate que républicain est assuré d’obtenir environ 45 % des voix, c’est-à-dire la base électorale minimale des démocrates comme des républicains. En revanche, ça n’explique pas pourquoi Trump a gagné en 2016, puis pourquoi Biden lui a succédé en 2020, avant de céder sa place à Trump en 2024. Pour comprendre ces changements, il faut regarder le contexte de l’élection : les Américains jugeaient que la situation économique était mauvaise et en rendaient responsable l’administration sortante de Biden qui était donc impopulaire. Du coup, l’électorat démocrate, un peu déboussolé, s’est un tout petit peu moins bien mobilisé que le camp républicain surchauffé, et les rares électeurs incertains ont plutôt basculé vers Trump. De fait, contrairement à ce qui a été écrit au lendemain du scrutin, c’est une victoire relativement serrée pour Trump qui obtient 1,5 point d’avance au niveau national, et des écarts parfois encore plus faibles dans certains swing states. C’est à ça que se jouent les élections américaines. Mais en 2020, le contexte, qui était alors défavorable au président sortant Donald Trump, avait porté les démocrates au pouvoir. Malgré les discours catastrophiques habituels sur l’état du parti perdant, rien n’est donc écrit pour 2028, un scrutin qui se jouera, on peut déjà le dire, à peu de choses.

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