Quand Le Monde parle de Numéro 23, on nage en pleine bluette

Dans un article du 18 avril 2015, intitulé "TNT : Réflexion sur une réflexion des ventes de chaînes", le journaliste "média" du Monde (partie abonnés), Alexandre Piquard, écrit beaucoup… sans pourtant dire l’essentiel.

Évoquant principalement la revente de Numéro 23, deux ans et huit mois après l’attribution – gratuite – d’une fréquence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Alexandre Piquard prétend que “ la transaction entre les actionnaires de Numéro 23 – parmi lesquels Pascal Houzelot, membre du conseil de surveillance du Monde – et le groupe NextRadioTV, a parfaitement respecté les règles en vigueur . De cette longue et ennuyeuse réflexion sur la réflexion , au cours de laquelle le journaliste explique doctement que tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes, prenant soin de ne donner la parole qu'à ceux qui n’ont strictement rien à dire, le lecteur ne retiendra in fine que les affirmations mensongères de Pascal Houzelot -opportunément rappelées à la fin de l’article- qui se défend d’avoir cherché à spéculer, pointant que 40 millions d’euros de la vente lui permettront d’avoir des parts dans NextRadioTV, dont il rejoindra le conseil d’administration ”.

A force de réfléchir, le journaliste s'est ébloui lui-même

Si le journaliste ne s’intéresse qu’à l’aval de l’affaire, il est certain que ses lecteurs n’apprendront pas grand-chose. Ce qui est vraiment passionnant, c’est bien la source et le mécanisme ayant conduit à ce scandale (un vrai roman policier) qui se révèlera au fil du temps et à n’en pas douter, l’une des plus grosses escroqueries de l’audiovisuel –et pas les discussions politiques totalement creuses a posteriori sur le degré de moralité d’une telle revente ou encore la probabilité de tel ou tel amendement hypothétique dans un hypothétique futur volet de la loi Macron.

Car la chaîne Numéro 23, initialement baptisée Tvous la Télédiversité, n’a été conçue, imaginée et formatée, en 2011 -d’un commun accord avec le pouvoir politique, le président du CSA (Michel Boyon) et les actionnaires- que dans le seul but de réaliser une opération financière extrêmement juteuse (90 millions d'euros au total !). Les acteurs de la sarkozie y étaient bien représentés, comme d'ailleurs ceux de Bygmalion : on retrouve en effet, tout au long du processus d'attribution de la chaîne, Patrick Buisson, Camille Pascal ou encore Damien Cuier, pour ne citer qu'eux. La nouvelle ministre de la Culture Fleur Pellerin semble parfaitement s'en accommoder, en dépit de ses discours offusqués, qui vient de nommer Pascal Houzelot chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres -ce n'est pas un poisson d'avril.

Dans le salon des Verdurin

De tout cela, le journaliste ne dit pas un mot. Pour connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire, il est bien plus efficace de consulter notre dossier (nous avons vécu toute l’affaire aux premières loges puisqu'avec notre projet D-Facto, la chaîne Docs & Débats, nous avons participé à cet appel à candidatures, qui s’est révélé truqué) ou encore l’excellent article de Marc Baudriller dans Challenges (lire ici).

A la décharge d’Alexandre Piquard, reconnaissons qu’il est difficile de parler de cette affaire dans Le Monde, quand le personnage par qui le scandale arrive, proche de Pierre Bergé, siège aux côtés de ce dernier au conseil de surveillance du journal. A moins qu’il ne s’agisse d’un énième article de complaisance à l’égard de Pascal Houzelot, dont " l’entregent légendaire et les dîners du loft des quais de Seine ne cessent de fasciner les mondains. Nous sommes bien dans le salon des Verdurin, revisité par le parisianisme à la sauce Numéro 23 : prière de ne pas rire, sous peine de voir sa mâchoire se décrocher.

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