L'arrivée en 2001 de Gérard Collomb comme maire de Lyon a suscité un appel d'air, un regard neuf aussi sur la ville. La ville portait en elle une dynamique, une visibilité et un rayonnement international.
Si la mandature 1995-2001 (Raymond Barre) a été marquée par des réalisations qui ont modifié l’image – et l’usage – que les Lyonnais avaient de leur ville (inauguration du tramway, poursuite des travaux de la Cité internationale, réaménagement de la halle Tony-Garnier et projets de transfert du marché-gare de Perrache à Corbas, avant-goût d’un chantier de longue haleine, celui de la Confluence), la mandature 2001-2008 (Gérard Collomb, acte I) a véritablement été celle du sursaut de Lyon et de son renouveau. Les deux autres mandats ont poursuivi la stratosphérification de Lyon.
Un nouveau souffle pour Lyon
Après les années Barre, amateur de western à la papa toujours prêt à dégainer un doigt vengeur pour fustiger le “tohu-bohu de la nouveauté”, Lyon a besoin d’un appel d’air. Un peu de rock’n’roll.
Le nouveau souffle viendra de Gérard Collomb – qui traîne pourtant une image un peu falote, grand amateur d’Eddy Mitchell et de Nestor Burma. Longtemps “tricard au PS”, comme il l’a lui-même avoué, candidat depuis 1977, le socialiste ne fait pas rêver. Libération titre “La victoire de Sisyphe”. Pourtant, c’est lui qui aura “une véritable imagination urbaine”, selon le géographe Michel Lussault (actuel directeur de l’École urbaine de Lyon), celui qui “achève le tournant pour que Lyon ait un autre statut urbain”.
C'est un appel d'air, un regard neuf aussi sur la ville. Il y a d'abord le lancement des Nuits Sonores, en 2003. Plus qu’un événement, le festival a été un marqueur culturel, le symbole d’une dynamique, de la visibilité et du rayonnement international de Lyon. Quand Raymond Barre annulait la rave Polaris à la halle Tony-Garnier où se produisait Carl Cox, connu pour jouer sur quatre voire cinq platines en même temps, au lieu des deux conventionnelles – épisode qui posa les bases de la Techno Parade, lors d’une grande réunion à l’école d’architecture de Vaulx-en-Velin où se trouvait Patrice Mourre, aka P. Moore sur scène, futur cofondateur des Nuits sonores – Gérard Collomb donnait 270 000 euros au jeune collectif Arty Farty pour monter un festival de musiques électroniques.
Nuits sonores, marqueur culturel de Lyon
Ils étaient un peu gonflés, car personne ne les connaissait, expliquait à Lyon Capitale Gérard Collomb. Mais on était en rupture, c’était cela qui était l’avenir de la ville.”
Les Nuits sonores deviennent “l’un des événements culturels les plus courus et les plus innovants d’Europe”, écrit Le Temps, “l’un des dix meilleurs festivals de musique d’Europe”, selon le Guardian. Gérard Collomb exulte. Lui qui voulait marquer une “rupture” a gagné son pari. C’est ce qui a fait que Lyon ne s’est pas muséifié et est allé de l’avant, car les Nuits sonores, “c’est un peu le symbole du nouveau Lyon”, soutient alors l'adjoint à la CultureDenis Trouxe.
Les berges du Rhône, “le must des opérations de scénographie urbaine”
L’autre symbole de ce “nouveau Lyon”, ce sont les berges du Rhône, le projet le plus emblématique du premier mandat de Gérard Collomb. “Ce projet est stratégique pour l’image de la ville mais s’inscrit également de manière précise dans le mandat de Gérard Collomb [puisqu’il] doit se finir quelques mois avant les élections municipales”, note l’Institut d’urbanisme de Lyon. C’est sans doute le chantier qui a le plus transformé la ville, celui qui a aussi changé son image. Le projet permet de requalifier les bas-ports du Rhône, jusqu’alors dévolus au stationnement automobile (1 600 places de parking), en une promenade de 5 kilomètres de long, répartis sur une surface de 10 hectares et reliant le parc de la Tête-d’Or conçu au XIXe siècle à celui de Gerland créé en 2000 par Michel Corajoud.
Parallèlement arrivent les Vélo’V, les vélos en libre-service gérés par l’entreprise JCDecaux – deux ans avant les Vélib’ à Paris, ce qui n’est pas sans faire la fierté des Lyonnais. Chaque année depuis dix ans, l’usage du vélo progresse de 10 à 15 % sans discontinuer. Et le phénomène ne s’estompe pas. Au contraire. Le trafic automobile, quant à lui, continue de décroître. L’espace urbain s’est inévitablement transformé.
“Les berges du Rhône, c’est un must des opérations de mise en scène, de scénographie urbaine, analyse la géographe Isabelle Lefort. Londres a donné une ampleur autrement plus importante à l’aménagement des bords de la Tamise [la capitale anglaise a lancé au début des années 1980 une très vaste opération d’urbanisme pour reconquérir les friches industrialo-portuaires en aval du Tower Bridge, les désormais célèbres Docklands, NdlR]”, qu’une délégation de la communauté urbaine de Lyon a visités en 1987.
Lyon aux standards européens
“La situation lyonnaise s’analyse comme une mise aux normes des standards européens. Une fois qu’on a requalifié les dispositifs spatiaux, c’est le temps qu’on exploite. C’est l’événementialisation.” C’est Quais du polar (100 000 visiteurs en 2019), qui a accueilli en quinze ans les plus grands noms du genre : Henning Mankell, Donald Westlake, P.D. James, Philip Kerr, mais aussi James Ellroy, John Grisham, Michael Connelly, Camilla Läckberg, Harlan Coben, Arnaldur Indriðason… Ce sont les Assises internationales du roman qui, en une décennie, sont devenues incontournables pour les amateurs de littérature : du Nobel Orhan Pamuk à Russel Banks en passant par Nancy Houston, le prix Goncourt Leïla Slimani ou Salman Rushdie… C’est Lyon BD, rendez-vous incontournable du 9e art qui rassemble plus de 270 artistes et 80 000 visiteurs. C’est le festival Lumière – dont le président, Thierry Frémaux, est aussi le délégué général du festival de Cannes – qui a remis des prix Lumière à Jane Fonda, Wong Kar-wai, Catherine Deneuve, Martin Scorsese, Pedro Almodóvar, Quentin Tarantino, Gérard Depardieu, Ken Loach, Milos Forman et Clint Eastwood… C’est Lyon Urban Trail, pionnier du trail urbain en France qui a fait des adeptes dans 84 autres villes françaises et 8 pays, et Run in Lyon.
C’est le foot et l’OL. Ce sont les Bocuse d'Or, considérés comme les Jeux olympiques de la cuisine, vitrine inégalée pour Lyon.
Arrivée à Lyon des "starchitectes"
En d’autres termes, Lyon a bien rempli son calendrier événementiel tout au long de l’année. Ce qui a permis d’installer un tourisme pérenne et régulier. En 2018, la barre symbolique des 5 millions de nuitées hôtelières a été franchie. Lyon “capitale”… de quoi ? se demandait en octobre 1994 le nouvel hebdomadaire Lyon Capitale : “Ce titre porte en lui une réalité historique mais surtout c’est une ambition pour demain. Lugdunum était la capitale des Gaules et nous serons dans quelques années une grande capitale européenne.”
“Événementialisation”, requalification des structures culturelles, opérations de rénovation muséale, Lyon a aussi recours à la “starchitecture” (terme employé par Isabelle Lefort), principalement à la Confluence, projet phare du deuxième mandat collombien : Jean Nouvel (tour Ycone), Jakob & MacFarlane (siège d’Euronews et Cube Orange), Rudy Ricciotti (Pavillon 52), Kengo Kuma (immeuble Ikari), Jean-Michel Wilmotte (entrepôt des Douanes et prochainement Terrasses de la Presqu’île, projet en cours), Massimiliano Fuksas (logements Lyon Islands), Tania Concko (Concerto), Christian de Portzamparc (hôtel de région, et Sky Avenue à la Part-Dieu), mais aussi Daniel Buren place des Terreaux ou encore Winy Maas, architecte du futur centre commercial de la Part-Dieu.
Lyon, d'une cité fantoche à une ville incontournable
Changement d’état d’esprit, nouvelle image. Incarnés par OnlyLyon, première stratégie de city-branding et première grande marque territoriale française.
Si l’on se base sur les classements internationaux, Lyon compte indéniablement sur l’échiquier international. Lyon devient "ville internationale” - storytelling durable et politiquement partagé, de Michel Noir à Gérard Collomb en passant par Raymond Barre.
Sous Gérard Collomb, Lyon est passé d’une cité fantoche à une ville incontournable. Alors qu’elle avait échappé aux radars, la voilà qui focalise l’attention et fait parler d’elle un peu partout. Revers de la médaille : plus attractive, les prix de l’immobilier ont gonflé (+203 % le prix médian au mètre carré entre 1997 et 2018) chassant les moins aisés du centre-ville. Mais Lyon est devenu une ville à la mode où il fait bon vivre.
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