Quartier Grôlée : la révolte gronde

Colère. Indignation et déception des propriétaires d’appartements, rues Grôlée et Carnot à Lyon. Ils ont l’impression de s’être faits avoir.

C’est un ras-le-bol général qui domine chez la centaine de propriétaires des appartements du quartier Grôlée, en plein cœur de la Presqu’île lyonnaise. Et le sentiment d’être abandonnés à un avenir incertain. Le quartier depuis sa reprise par l’américain Cargill s’est vidé de ses commerces et de sa vie. Les anciens locataires, devenus propriétaires, regrettent que le quartier soit dans une telle désolation. “On a perdu notre cinéma (CNP), notre librairie, notre pâtissier (Cassati), bientôt notre banque et notre bureau de tabac, on se pose vraiment des questions sur où cela nous mène”, s’afflige une habitante.

“Ils nous vendaient un produit de prestige”

Mais les anciens comme les nouveaux propriétaires des appartements ont surtout le sentiment d’avoir été abusés. On leur a vendu des biens immobiliers avec le label “quartier de luxe”. En 2006, quand Cargill revend les rez-de-chaussée, tous les appartements à l’étage sont vidés et mis en vente. L’investisseur vend “des appartements qui ont conservé leur lustre d’antan (…) idéalement situés au cœur d’un quartier qui vit sous le signe du raffinement et dont le rayonnement attire les meilleurs créateurs.” Le logo de l’époque en dit long : “Grôlée Presqu’Île, à la rencontre de l’exception”. Certains sont séduits : “À cette époque, ils nous vendaient un produit de prestige, c’était une adresse unique, on nous présentait des belles animations 3D sur le futur Grôlée”. Le prix exorbitant du mètre carré (4500 euros) devient plus acceptable. Mais, aujourd’hui, avec le recul, il a du mal à passer. D’autant que la taxe d’habitation a subi une forte augmentation sur les 5 dernières années. “J’ai 120 m2 et je paie 4000 euros par an d’impôt”, témoigne un propriétaire.

“Ils ont saccagé nos intérieurs”

Deuxième déception : les appartements eux-mêmes. Une fois les promesses de vente signées, les appartements devaient être restaurés et mis aux normes pour l’hygiène et la sécurité. La société Sevdalis et Associés, basée à Paris, avait donc été mandatée pour rénover ces bâtiments haussmanniens. Pour un résultat déconcertant. “Ils ont saccagé nos intérieurs. Tout le charme a été enlevé pour faire de beaux lofts bien lisses. Pour vous dire, ils revendaient les cheminées, les boiseries, les tapisseries sur le pas des portes,” s’indignent des habitants. Entre 2005 et 2007, plusieurs propriétaires prennent des avocats et entament des procédures. Sevdalis, joint par Lyon Capitale dément : “Nous n’avons fait que du ravalement de façade et la rénovation de cages d’escaliers.” Certains propriétaires doivent pourtant faire face à de gros dégâts comme des effondrements de plafond. Pas de réaction de Cargill. La vente des appartements se poursuit en laissant cette fois les travaux à la charge des propriétaires.
À ce jour, tous les appartements ont trouvé un acheteur. Mais la plupart des propriétaires ne sont pas satisfaits. “Comment on peut laisser faire ça ? Laisser à l’abandon le quartier le plus beau du centre-ville ?”, regrette une jeune femme. Ce sont même les habitants qui disent aux commerçants : “Comment faites-vous pour rester ?” Les propriétaires voient d’un mauvais œil l’avenir et en appellent aux élus, au maire de Lyon. “Aujourd’hui, on a un quartier sans vie, avec des tags sur les murs, des incivilités qui se multiplient, ce n’est pas pour ça qu’on a payé le prix fort,” concluent-ils.
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Un quartier vendu au rabais ?

En 2004, la mairie centrale de Lyon décide de mettre en vente le quartier Grôlée, ensemble immobilier, classé aux Bâtiments de France. Une association d’habitants, déjà résidents, fait alors une offre à 84 millions d’euros. Mais la ville de Lyon vend à Cargill Marché Financiers pour 3 millions de plus. En 2006, ce dernier revend les rez-de-chaussée, c’est-à-dire 1/5 de la surface, pour 100 millions d’euros. La plus-value en deux ans est exceptionnelle, ahurissante. D’autant que la SACVL n’a pas été autorisée à déposer son offre, incluant un partage à 50/50 des plus-values. En vendant à Cargill, la ville de Lyon a donc fait une très mauvaise affaire. Et l’ex-patron de la SACVL Gérard Klein ne décolère pas, comme il l’a confié le mois dernier à Lyon Capitale : “Quand j’ai regardé la manière dont l’opération Grôlée était montée par Gérard Collomb, je lui ai dit : “c’est soit de l’incompétence, soit de la corruption”.

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