Les biodéchets collectés dans les écoles du 9e arrondissement de Lyon sont transportés à la ferme de l’Abbé Rozier, à Écully, pour y être transformés en compost. (Photo Hadrien Jame)

Que deviennent les biodéchets des gones dans les cantines de Lyon ? 

Chaque semaine, près de 150 kilos de déchets alimentaires sont collectés dans les écoles de Lyon, puis transformés en compost. Dans le 9e, les restes de vos enfants serviront bientôt à faire pousser les légumes d’une ferme installée sur les hauteurs d’Écully, où ils sont ensuite revendus localement. 

Du contenu des assiettes déversé dans les poubelles des écoles, à la collecte, en passant par la transformation, puis la réutilisation dans l’agriculture biologique en milieu urbain, à l’occasion de la semaine européenne des déchets nous nous sommes plongés dans le processus de valorisation des déchets alimentaires de vos enfants. 

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Les biodéchets collectés dans 70% des écoles

Sur la base d’expérimentations menées en 2019, depuis un an la Ville de Lyon a développé un "marché public de collecte et de valorisation des biodéchets", pour tendre vers le zéro déchet dans ses cantines scolaires. 70% des établissements scolaires gérés par la municipalité font donc trier aux enfants leurs restes, afin de collecter leurs biodéchets. "On espère que par cette sensibilisation les enfants deviendront des écocitoyens", confie Stéphanie Léger, l’adjointe à l’éducation, qui mise aussi sur la transformation des menus initiée il y a un an pour réduire le gaspillage alimentaire.

"Aujourd’hui on est à 70% de restaurants scolaires collectés et l’année prochaine on sera quasiment à plein avec une centaine"

Camille Augey, adjointe à l'économie locale

Concrètement, en un an l’arrivée dans les cantines de bacs verts réservés aux restes alimentaires et serviettes compostables, et de poubelles grises pour les autres déchets, a permis de collecter 330 tonnes de biodéchets. Soit 35 tonnes par mois et l’équivalent de 150 kilos par école chaque semaine, détaille la mairie de Lyon, qui précise que la valorisation de ces déchets a permis la création de 64 tonnes de compost depuis septembre 2022. Un marché qui "n’est pas un sujet simple", mais qui "se déploie petit à petit", estime Camille Augey, l’adjointe au maire en charge de l’économie durable. Celui-ci devrait d’ailleurs encore prendre de l’ampleur, puisque "l’année prochaine la Ville fonctionnera quasiment à plein avec une centaine d’établissements", précise l'élu écologiste.

Des déchets qui alimentent une ferme urbaine

Dans la majorité des établissements de Lyon, la collecte est réalisée par un consortium de structures, parmi lesquelles on retrouve OuiCompost et les Alchimistes, mais le marché de récupération des biodéchets de la Ville ayant fait l’objet d’un allotissement, tout le secteur du 9e arrondissement a été réservé à l’association Aiden, une structure d’insertion qui gère depuis 2015 la ferme de l’Abbé Rozier. Un site de maraîchage de 10 hectares, qui s’étend entre les immeubles et les maisons d’Écully, à la frontière de la Duchère. 

"Depuis deux mois, on est autonome sur la valorisation des biodéchets. L’objectif de la collecte c’est de compenser les pertes que l’on connaît sur le maraîchage"

Etienne Wasser, directeur d'Aiden

Une véritable ferme urbaine dont les légumes seront bientôt nourris grâce aux déchets de dix cantines du 9e. À terme, ce sont l’ensemble des 20 restaurants scolaires de l’arrondissement, auxquels devraient s’ajouter six autres structures de la ville, qui intégreront cette valorisation en circuit court. Pour répondre à ce marché public, la petite structure qui traitait jusqu’ici uniquement des biodéchets dits végétaux a dû investir, en bénéficiant d’aides, "65 000 euros pour devenir autonome" en achetant notamment un broyeur, un lève bac pour les poubelles et un tracteur, confie son directeur Etienne Wasser.

compost
Une fois broyés, les déchets alimentaires sont mélangés avec des copeaux de bois pour faire du compost. (Photo Hadrien Jame)

Un enjeu économique fort

Une somme conséquente pour l’association en proie à des difficultés économiques, mais qui mise sur cette collecte pour équilibrer ses comptes. "L’objectif de la collecte des biodéchets c’est de compenser les pertes que l’on connaît sur le maraîchage", précise le dirigeant d’Aiden, qui explique avoir perdu 60 000 euros deux années de suite (2022 - 2023) sur cette activité. 

Culture d'épinards
La ferme produit aujourd’hui 80 000 euros de légumes, alors qu’en 2019 elle en faisait encore 120 000 euros. (Photo Hadrien Jame)

Un biodechet c’est quoi ?
On en distingue deux sortes. Les biodéchets végétaux et les biodéchets alimentaires. Les premiers sont principalement composés de fruits trop mûrs ou d'épluchures. Ils deviennent des déchets alimentaires lorsqu'ils arrivent dans l'assiette et entrent en contact avec des produits carnés par exemple.

Légumes
Une soixantaine de variétés de légumes sont produites sur la ferme. (Photo Hadrien Jame)

En cause, selon lui, un ralentissement du marché du bio depuis la fin du Covid-19, des intempéries, mais aussi un sujet RH. "On rencontre de grosses problématiques mentales au niveau des équipes, beaucoup de personnes sont en arrêt régulièrement depuis le Covid", explique-t-il. Conséquence, la ferme de l’Abbé Rozier produit aujourd’hui 80 000 euros de légumes, alors qu’en 2019 elle en faisait encore 120 000 euros. Le chiffre d’affaires de 50 000 euros qu’il espère dégager avec la collecte des biodéchets des écoles du 9e lui permettrait d’équilibrer ses comptes, tout en nourrissant directement la production de la ferme urbaine par leur transformation en compost. 

"Aujourd’hui on fait 80 000 euros de légumes alors qu’en 2019 on faisait 120 000 euros. C’est difficile"

Etienne Wasser, directeur d'Aiden

Collectées une fois par semaine de septembre à avril, puis deux fois par semaine jusqu’en juin en raison de la chaleur, les poubelles de biodechets des écoles sont ensuite transportées sur les hauteurs de Vaise. Une fois arrivée, elles  font l’objet d’une deuxième phase de tri pour écarter "tout ce qui n’est pas compostable". À entendre Etienne Wasser, il n’est pas rare que des couverts et de la vaisselle passent des plateaux des enfants aux poubelles réservées aux déchets alimentaires. Employés en insertion, les salariés d’Aiden mélangent ensuite la matière organique broyée avec des copeaux de bois. La rencontre entre l’azote contenu dans les déchets et la matière carbonée, issue du bois, permettant de faire monter le mélange en température et in fine de produire un compost utilisable en agriculture biologique six mois plus tard. "C’est comme une recette de cuisine", schématise Etienne Wasser.

compost
Un deuxième tri est effectué à la ferme de l'Abbé Rozier pour écarter des éléments non compostables comme les couverts laissés par les enfants. (Photo Hadrien Jame)

Ayant obtenu les agréments nécessaires, Aiden est autonome depuis deux mois sur la valorisation des biodéchets collectés et pourra, à terme, en traiter 200 tonnes par an. D’ici quelques mois, le compost réalisé sera épandu sur les quelque soixante variétés de légumes cultivées sur les terres de la ferme de l’Abbé Rozier. En cette fin de mois de novembre, on y trouve encore quelques épinards, des courges, des poireaux, des navets, des choux ou encore des blettes. 

"Tout le compost produit est utilisé sur la ferme pour abonder les sols et produire de nouveaux légumes"

Etienne Wasser, directeur d'Aiden

Autant de légumes qui sont ensuite vendus à des restaurants, comme la table gastronomique de la Cours des Loges, des épiceries et sur place une fois par semaine. Chaque mercredi, la ferme tient un marché de 15 à 19 heures pour écouler une partie de sa production auprès des habitants des environs. Toutefois, jusqu’à présent celui-ci peine à décoller. "Sur une journée de marché, on reçoit 40 à 60 personnes et on vend pour un peu moins de 600 euros de légumes", précise Etienne Wasser, qui reconnaît que son marché souffre jusqu’à présent d’un "manque de visibilité" auprès des habitants d’Écully, mais aussi de Lyon. 

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