Lyon doit penser l’avenir de son centre historique inscrit à l’Unesco. État, élus locaux et experts ont débuté les rencontres afin de rendre un plan de gestion à l’horizon 2023. Quels sont les enjeux de cette prestigieuse reconnaissance ? Décryptage.
Rendre Lyon aux Lyonnais. C’est en substance l’objectif des acteurs qui planchent sur le projet Unesco de Lyon. Le contexte : en 1998, grâce au travail acharné d’une petite équipe déterminée, le centre historique lyonnais avait été inscrit sur l’ultra-sélective liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Seuls 1 154 sites sont concernés dans le monde. Lyon recevait alors la plus haute reconnaissance internationale possible au titre de la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du patrimoine de la ville. Attention, il s’agit bien d’une inscription sur une liste et non pas d’un label. Or, depuis 2007, les inscrits sur la liste doivent adopter un plan de gestion, actualisé tous les dix ans environ. Un document stratégique dans le but de démontrer la préservation de cette VUE, rédigé collégialement par les élus locaux, l’État et des experts en patrimoine. Le dernier plan de gestion à Lyon remontait à 2013. La majorité écologiste a donc décidé de s’emparer du sujet afin de rendre sa copie d’ici fin 2023, grâce aux services d’une société d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour 60 000 euros environ.Extension des règles du Vieux-Lyon La Ville de Lyon a lancé une étude sur la révision du plan de protection du Vieux-Lyon. De nombreux scénarios d’extension sont envisagés, avec en ligne de mire l’idée que le site Unesco pourrait être couvert par des protections complémentaires à terme. Un ensemble qui pourrait se substituer au PLU.
L’idée est de dresser un bilan de la santé du patrimoine, de donner les lignes stratégiques pour l’avenir et surtout de répondre aux exigences des inspecteurs internationaux. Restauration des monuments, signalétique dans les rues, plan de tourisme, végétalisation… tout sera mis sur la table. “C’est lorsqu’on est inscrit que tout commence : la liste de l’Unesco n’est pas prescriptive, ce n’est pas une protection en elle-même. Il nous faut donc protéger ce que l’on nous a légué pour l’humanité actuelle et à venir”, précise Gilles Soubigou, conseiller à la direction des affaires culturelles (Drac) de la région, expert sur la question. Les enjeux de ces discussions sont forts : il s’agit d’abord de ne pas perdre l’inscription sur la liste dans le temps long. “Ce n’est pas une inquiétude car le site est de mieux en mieux entretenu”, souligne Sylvain Godinot (EÉLV), adjoint au patrimoine de la Ville de Lyon.
“C’est lorsqu’on est inscrit que tout commence : la liste de l’Unesco n’est pas prescriptive, ce n’est pas une protection en elle-même"
À ce jour, seuls trois sites ont été retirés de la liste Unesco. Une décision rarissime. La dernière en date, le port de Liverpool en 2021 à cause de programmes immobiliers défigurant l’ensemble historique. Quant à Lyon, de l’avis de tous, le risque semble très faible, voire inexistant. D’autant plus que l’organisme international dispose de tout un processus d’avertissement avant d’en arriver à la radiation. Patrimoine et climat Le point prioritaire des discussions du plan de gestion ? La conciliation des problématiques environnementales à celle de la préservation du patrimoine. De fait, l’Unesco a changé ses règles en renforçant ses exigences sur les questions climatiques. Mais dans les faits, pas facile de favoriser la rénovation énergétique d’un immeuble lorsque celui-ci est concerné par un périmètre de protection. Comment végétaliser un site ayant près de deux mille ans d’histoire ? Quelle est la priorité ? La réduction des émissions de CO2 ou la valeur historique d’un bien ? Sylvain Godinot (EÉLV) tempère : “On n’a pas besoin d’allègement des contraintes d’urbanisme mais de bon sens. On ne veut pas être excessivement rigides.” L’écologiste met en avant la nouvelle aide “éco-patrimoine” pour la rénovation énergétique des bâtiments anciens, à base d’enduit isolant pour les façades. Une réforme aussi portée par les architectes des bâtiments de France, pourtant frileux sur ce genre d’innovation.
“C’est au tourisme de s’adapter et non pas au patrimoine de se dévoyer” Robert Revat, le président d’OnlyLyon Tourisme et Congrès
D’ailleurs, la cheffe de service des ABF à la Drac, Emmanuelle Didier, apporte un regard neuf sur les bâtiments anciens : “Regardez le bilan carbone de ces édifices et leur potentiel écologique. Ils n’ont plus à faire leurs preuves tant leur résilience est grande. Ils ont aussi des atouts, comme la fraîcheur l’été. Pareillement, le pavé au sol apporte de la perméabilité pour les eaux. Il est certain qu’il y a des leçons à tirer du passé.” Reste la question de la bonne application de la loi. Si la législation est contraignante pour les propriétaires des zones protégées, il y a des trous dans la raquette de l’outil répressif. “Résultat, trop de gens font n’importe quoi lors de leurs travaux”, dénonce Frédéric Auria, vice-président de l’association Renaissance du Vieux-Lyon. L’État et la mairie se renvoyant la responsabilité, pas sûr que le plan de gestion résolve le problème. Le risque de la muséification
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