Nuit Debout Lyon
© Tim Douet

Quelques visages de Nuit Debout Lyon

Dans l'effervescence qui entoure Nuit Debout, nous sommes allés place Guichard hier soir et avons discuté avec cinq "nuit deboutistes", homme et femme, pour donner un visage à ceux qui participent au mouvement.

“Ici, il y a de l’échange et une immense solidarité, les gens nous donnent tout”, Gregory

Gregory Nuit Debout ()

© Mathilde Delacroix
Gregory

Gregory a 43 ans et est intérimaire dans le bâtiment. Avant ça, il a travaillé pendant sept ans en cuisine, “tu vois j’ai complètement changé de métier”, ajoute-t-il. Il est là depuis le tout premier jour et a levé la main quand l’assemblée cherchait quelqu’un pour s’occuper de la cuisine place Guichard. Depuis, c’est un peu “sa” place. Blessé à la main, il doit déléguer du travail mais avoue avoir du mal parce qu’il le gère presque tout seul depuis pas mal de temps. Il tape dans le dos de son collègue, occupé à couper des herbes fraîches, un jeune italien avec qui il travaille depuis le début.

C’est ce qui est génial ici, c’est le mélange des cultures”, précise-t-il, “hier on a fait un couscous royal géant, l’autre jour on avait des superbes pasta italiennes”. Gregory est arrivé place Guichard parce qu’il en avait vraiment ras-le-bol. “Je suis là contre la loi El-Khomri, pour une nouvelle société, c’est un peu un ras-le-bol général”. Il insiste beaucoup sur la solidarité qui existe à Nuit Debout. “On avait rien, les gens nous ont tout donné, notez le bien, ils nous donnent la nourriture, les casseroles, le matériel”, précise-t-il. Il restera jusqu’au bout, parce qu’il faut que “tout change”. Mais ce qu’il veut surtout, c’est que “tout le monde (les) rejoigne”.

“C’est pour tout le monde ici”, Jesse

Jesse Nuit Debout Lyon ()

© Mathilde Delacroix
Jesse

Jesse a 38 ans, il est britannique et se définit d’emblée comme “anarchiste libre”. Il s’intéresse beaucoup à l’environnement notamment à la permaculture et pour survivre, il “travaille dans la rue”. Il vient place Guichard depuis le débout du mouvement et a même rencontré les Indignados espagnols, une référence pour Nuit Debout.

Jesse milite pour une “révolution lente” parce que cela permet d’inclure le plus grand nombre et “évite les casseurs, ceux qui font n’importe quoi. Quand on a le temps, on peut expliquer aux gens qu’il y a des comportements à tenir, on peut les instruire.” Il fait notamment référence aux casses de la nuit du 20 avril. Pour lui “des petits jeunes se sont laissés entraînés là-dedans”.

Il prône aussi le dialogue avec les institutions et s’est plusieurs fois rendu à la préfecture pour discuter. “Il faut les respecter, respecter les flics. Si on a un problème avec eux, on appelle d’autres flics pour qu’ils nous défendent, c’est comme ça que ça marche dans une société”. Lui aimerait faire des réunions entre Nuit Debout, la préfecture et la police pour qu’émergent des solutions. “La préfecture veut nous aider mais ils sont lents, ils ne peuvent pas non plus faire ce qu’ils veulent”. Pour Jesse, le plus important repose sur l’instruction. “Il faut enseigner à tout le monde la programmation neurolinguistique pour que tout le monde puisse s’autogérer et avoir toutes les clés pour comprendre le monde. Si on sait, on peut contourner le système.

“Chacun a une place publique à tenir pour ne pas être connecté à son seul soi”, Georges

Georges Nuit Debout ()

© Mathilde Delacroix
Georges

Georges a 32 ans et il est “actif” comme il dit : il est fabriquant de maquettes pour les architectes. C’est pour ça qu’il participe “à la construction de la place Guichard”. Ce n’est que la deuxième fois qu’il vient ici mais il dit aimer être dans l’action. Là, il construit un totem qui sera utilisé pour de “l’information poétique”.

Pour Georges, “il y a un problème de citoyenneté, il faut que chacun se connecte dans la société. On a tous une place privée et publique à tenir. On a un rôle à jouer et il ne faut pas rester connecté à son seul soi”. Chez lui, le vivre ensemble est une valeur à défendre car elle a tendance à se perdre. C’est pour ça qu’il aime Nuit Debout. “C’est une belle preuve de ce que peut être la vie citoyenne.” C’est pour lui un idéal à atteindre : réapprendre à vivre ensemble. Il ne sait pas ce que deviendra Nuit Debout mais le mouvement est pour lui un vrai prémice au changement, un “quelque chose”.

Son ami et collègue Sina, qui construit le totem avec lui, ajoute que Nuit Debout ouvre des possibles. “Ici, on ouvre une brèche sur ce qu’on peut faire et c’est déjà énorme”.

"Si on détruit le capitalisme, on doit aussi détruire le patriarcat", Arsène

Nuit Debout Lyon ()

© Mathilde Delacroix
Panneau de la commission "féminisme"

Arsène a 22 ans et ne veut pas apparaître en photo. Il explique avoir deux métiers : photographe et être à Nuit Debout. Il participait aux manifestations et puis il a fini par rester place Guichard. Il militait déjà pendant les manifestations et avait notamment mis en place un Pink bloc, une forme de militantisme promouvant le dépassement des genres et la fin du patriarcat. Parce qu’Arsène est un garçon, mais il est né dans un corps de fille.

C’est pour tout ça qu’Arsène est là sur cette place. Pour lui, si “on détruit le capitalisme, on doit détruire le patriarcat. Il faut tout remettre en cause sinon on va reproduire les mêmes schémas.” Comme Georges, il ne sait pas quel sera l’avenir de Nuit Debout, il ne sait pas s’il y aura un jour des actions globales comme certains le demandent mais il a une certitude : “il y a des choses qui vont sortir de Nuit Debout, et ça c’est vraiment top”.

Plusieurs membres de la commission se sont assises par terre en attendant le début de la réunion. Il y a surtout des femmes mais aussi une personne qui ne se réclame d’aucun genre. On leur demande ce qu’ils pensent de la commission non-mixte, qui fait grand débat à Paris. “C’est normal”, annonce Arsène, “on peut parler librement ici, on aborde des sujets qu’on n’aborderait pas devant des hommes” - comprendre les cisgenres. “Par exemple, quand des personnes font une réunion dans une entreprise, ils n’ont pas toujours envie que leur patron soit là, même s’ils l’apprécient et que c’est un “bon” patron.”” explique-t-il.

Une membre de la commission intervient et précise que ceux qui trouvent sexiste le fait d’organiser des commissions non-mixtes “n’assistent jamais aux débats. Ce sont des types qui arrivent une fois et sont interpellés par le mot non-mixte. Par contre quand ils peuvent assister aux commissions mixtes, ils ne sont jamais là”.

"J'aime l'idée qu'on grandisse tous ensemble", Vanessa

Vanessa Nuit Debout Lyon ()

© Mathilde Delacroix
Vanessa

Vanessa a 28 ans, elle est urbaniste. C’est la première fois qu’elle participe à l’université populaire créée par le mouvement pour donner un cours sur son métier. Elle est là depuis le tout premier jour, à l’origine elle était simplement curieuse de voir ce qu’elle appelait un “rassemblement d’idéalistes”. Tout à changé à la première AG: “J’ai été émue de voir à quel point les discours étaient constructifs et se faisait dans le respect de la parole de chacun”. Alors Vanessa n’a pas hésité et s’est tout de suite lancée dans des groupes de travail qui parlaient d’environnement et d’action, entre autres.

Elle n’est pas politisée mais apprécie le côté “participatif” de Nuit Debout. “J’aime le fait qu’on grandisse tous ensemble, qu’on apprenne de nos erreurs et qu’on permette aux gens de prendre conscience de ce qui se passe”. D’où sa participation à l’université populaire qui transmet un savoir, une connaissance sur des sujets divers. Juste avant Vanessa, un autre “transmetteur de savoir” parlait d’optique.

Dans l’idéal, elle aimerait que le mouvement Nuit Debout reste tel qu’il est aujourd’hui. La jeune femme est pourtant lucide, il faudra bien que le mouvement s’organise davantage à un moment pour avoir du poid. “Il nous faut une structure au niveau national et qu’on travaille autour de la mobilisation. Il faut vraiment qu’on se définisse, c’est à dire qu’on explique clairement ce que le mouvement défend sur ses différentes branches écologistes, féministes, etc. Une fois que tout sera clair et seulement là, on pourra lancer des actions de grandes envergures.” Vanessa n’hésite pas à dire les choses vivement. Pour elle, si le mouvement ne se structure pas et tente d’agir trop vite, il va “faire un flop”.

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