À l’heure où celui qui lui a donné un nouvel écho se représente à la présidence de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (lire ici), Lyon Capitale revient sur l’origine de l’expression et les débats qu’elle a suscités.
D’où vient l’expression “racisme anti-Blancs” ?
L’écrasante majorité des chercheurs l’affirme : le racisme anti-Blancs, ou antifrançais, est un concept forgé par l’extrême droite française à la fin des années 1970. Cette thématique s’impose notamment au sein du Front national, Jean-Marie Le Pen l’évoquant à la télévision dès 1985.
Pourtant, les choses peuvent sembler plus complexes : en 1964, le président du Mrap, Pierre Paraf, publie un livre sur Le Racisme dans le monde, où il fait état d’un racisme “anti-Blancs” à l’étranger. Aujourd’hui, si les mouvements identitaires en font un cheval de bataille, une certaine gauche n’hésite plus à s’emparer de ce thème.
En 2005, notamment, le mouvement sioniste Hachomer Hatzaïr et Radio Shalom dénoncent des “ratonnades anti-Blancs” dans les manifestations lycéennes du 8 mars. Des personnalités comme Bernard Kouchner, Jacques Julliard ou Alain Finkielkraut les soutiennent, provoquant de vifs débats au sein des associations antiracistes. Les uns dénoncent une pétition communautariste, voire une “lepénisation des esprits”, les autres estiment qu’il ne faut pas nier la réalité. La Licra dénonce pour sa part la “cécité répétitive d’organisations qui trouvent de pseudo-excuses sociales à des agressions à caractère raciste”.
Depuis, le thème revient sporadiquement sur le devant de la scène politique. S’il semble prédominant à droite, il se trouve régulièrement des personnalités au PS pour reconnaître son existence, à commencer par Najat Vallaud-Belkacem. Dans un livre paru en mars 2012, Raison de plus ! (éd. Fayard), la future ministre écrivait que “chacun peut convenir sans mal ni complaisance qu’il existe et qu’il est aussi condamnable et stupide que tout autre”.
Un problème épineux pour les Juifs de France
Si l’expression date de la seconde moitié du XXe siècle, la rhétorique sous-jacente serait d’origine antisémite. C’est ce qu’affirment deux universitaires, Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, dans Le Monde: “Toute l’argumentation raciste d’Édouard Drumont dans La France juive (1886) repose sur l’inversion des rapports de domination entre majorité (“nous, Français”) et minorité (“eux, les Juifs”).” De même, Drumont affirmait qu’au lieu de “nier la réalité”, il fallait “avoir le courage de l’affronter”. Cette analogie est critiquable – rétroactive, donc anachronique ? –, mais elle trouve un écho surprenant dans l’actualité.
En effet, le cri d’alarme de 2005 a été lancé par un mouvement de jeunesse juif, l’Hachomer Hatzaïr, et par Radio Shalom. Quant à Alain Jakubowicz, figure de la lutte contre l’antisémitisme, il a été président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) en Rhône-Alpes. L’histoire du concept de racisme anti-Blancs “serait une raison suffisante pour ne pas le cautionner”, concède-t-il en réponse aux universitaires. Pour autant, “nous ne souscrivons nullement au déni de réalité auquel aboutit leur critique”.
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Cet article est paru dans Lyon Capitale-le mensuel n°719 (février 2013).
Petit à petit, certains/es reconnaissent la réalité du problème. Il faut être dogmatique pour ne pas constater le fait. Qui a écrit avec clairvoyance 'l'antiracisme sera au XXI° siècle, ce que le communisme a été au XX°'